FILM EXPERIMENTAL / DRAME Self made ♥♥♥


 
Un self-made, suivant l’anglicisme d’usage international, en français comme en hébreu ou en anglais original, désigne l’installation d’un artiste contemporain, fabriquée de manière artisanale, personnelle, et ici prise en un sens particulièrement propre. L’action se centre sur la vie chaotique, absurde, d’une artiste israélienne contemporaine, militante d’extrême-gauche, archi-féministe et pro-palestinienne. Le film démonte avec intelligence les ressorts psychologiques du pseudo-art contemporain : il exagère à peine, en montrant que la « créatrice », manifestement folle, n’est plus guère capable de communiquer et construit ses œuvres à base d’automutilations (non montrées). Elle est capable d’oublier jusqu’à son nom, de tenir des propos des plus incohérents, et suivre une conduite absurde. Elle est possédée par une haine de soi et des siens qui, bien plus que quelque idéal humaniste indigné face à leur condition, explique son soutien affiché aux Palestiniens.
 

Self made : une parabole sur la folie

 
Ce film expérimental – qui s’adresse donc à des amateurs cinéphiles, et certainement pas au grand public – fonctionne aussi en intégrant le double de l’artiste, une ouvrière palestinienne, malheureuse, manifestement folle elle-même. Ce miroir comporte des dimensions très justes, comme la volonté absolue de la Palestinienne d’enfanter pour exister, tandis que l’Israélienne a poussé fort loin le refus d’enfants. Au-delà de ces deux cas, leur absurde confusion – absurde car elles ne se ressemblent guère physiquement – tend à donner à Self made une dimension de parabole sur une certaine folie frappant Israéliens et Palestiniens. Le spectateur frémit toutefois en songeant que les civils palestiniens sont en effet à la merci des humeurs de post-adolescents israéliens effectuant leur service militaire, dont on peut imaginer que, une fois armés, ils ne font pas tous preuve d’une maturité remarquable. Le miroir, l’adolescent palestinien qui veut commettre un attentat suicide pour ne pas revenir chez son père avec une mauvaise note en mathématiques, complète l’humour noir constant. Le pire est que ce décalage, ce second degré permanent, décrit assez bien, dans son mode particulier, la réalité de la Jérusalem d’aujourd’hui.
 

Hector Jovien

Self made Film Cinéma