A la veille de la visite de Vladimir Poutine à Belgrade, jeudi, pour la commémoration du 70e anniversaire de la libération de Belgrade, Européens et Américains s’interrogent sur la réalité des raisons de ce déplacement du chef du Kremlin, craignant que la Serbie, candidat à l’adhésion à l’Union européenne depuis janvier, ne joue un double jeu politique : intégrer l’Union européenne tout en conservant ses relations privilégiées avec la Russie.
« Mais pourquoi donc Vladimir Poutine se rend-il à Belgrade ? », s’est clairement interrogé Michael Kirby, l’ambassadeur des Etats-Unis à Belgrade. Il est vrai que, pas plus que Bruxelles, Washington ne se satisfait de la réponse officielle du gouvernement serbe, selon lequel Vladimir Poutine a été invité au défilé militaire du soixante-dixième anniversaire de la libération, du fait de la participation active de l’Armée rouge à celle-ci. Européens et Américains l’auraient sans doute admis si l’amitié russo-serbe n’avait pas été renforcée, concrétisée ces dernières années par une multiplication d’accords stratégiques entre Moscou et Belgrade qui ont vu les sociétés russes envahir le marché serbe.
La Serbie refuse de s’associer aux sanctions contre la Russie
Un dernier point marquant : le refus de la Serbie de s’associer aux sanctions occidentales prises contre Moscou à la suite du conflit ukrainien. Les raisons historiques et économiques mises en avant par Belgrade n’ont fait que confirmer, effectivement, la force du lien entre les deux pays.
Entre Europe et Russie, il faut choisir
La Slovène Maja Kocijancic, porte-parole du service diplomatique de l’Union européenne, a montré clairement quelle était la déception de Bruxelles : « La Serbie est un pays candidat qui négocie actuellement avec l’Union européenne, et nous nous attendons à ce que cette position, à savoir la direction pro-européenne de la Serbie, soit confirmée pendant cette visite. » Et, pour cela, le minimum attendu d’un pays candidat à l’Union européenne, explique-t-elle, est qu’il s’aligne sur la législation et les décisions de celle-ci.
Or c’est très loin d’en prendre le chemin. Tomislav Nikolic, le président de la Serbie, ne déclarait-il pas en effet il y a quelques jours : « Quand nous avons décidé de négocier avec l’Union européenne, nous n’avons pas parlé de sanctions contre la Russie. »
Nouveau délai
Bref ! La tension diplomatique est à son comble. D’autant qu’il paraît invraisemblable que la Serbie change du jour au lendemain sa position, et aille jusqu’à déclarer devant Vladimir Poutine sa volonté d’adhérer aux décisions européennes, ce qui constituerait une provocation vraiment trop forte face à un allié aussi important pour elle.
Mais sans doute à Belgrade compte-t-on sur le temps pour aplanir les difficultés. Après tout, le futur président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, n’a-t-il pas exclu toute nouvelle adhésion à l’Union européenne pour les cinq années à venir ? Ici le diable porte pierre : l’alignement de Bruxelles sur Washington permet de retarder l’extension indéfinie et désastreuse de l’Union.