Bernie Sanders prochain président socialiste des Etats-Unis ?

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Le ton est monté lors du quatrième débat démocrate, le dernier avant les premières primaires, entre Hillary Clinton et Bernie Sanders.

 
Le socialiste indépendant Bernie Sanders, sénateur du Vermont, est donné par les sondages à égalité avec Hilary Clinton pour le « caucus » du premier février dans l’Iowa. L’évolution de la campagne est telle que beaucoup voient en lui le futur vainqueur de la primaire démocrate, et même le prochain président des Etats-Unis. Cela révèle une chose : les Américains n’ont plus peur du mot socialiste, ni de la chose. C’est une révolution.
 
C’est un constat sur lequel il faut revenir vingt fois, tant le préjugé contraire est ancré profond dans la conscience des Français : les Etats-Unis sont en train de devenir une terre socialiste. L’Amérique, patrie traditionnelle des cow-boys et du capitalisme (« sauvage », bien sûr, « sauvage ») est un laboratoire du socialisme moderne, comme nous l’avons montré plusieurs fois à propos de Barack Obama et de ses réformes. Et c’est d’une importance capitale pour comprendre la révolution mondialiste en cours : comme celle-ci a pour fer de lance l’Amérique, beaucoup croient que c’est une révolution capitaliste menée par « les multinationales » au profit « des marchés », ou même du « dieu marché ». Il n’en est rien : les multinationales font en effet partie des moyens de la révolution mondialiste, mais celle-ci est de nature et d’essence socialiste.
 

Bernie Sanders, socialiste et président ?

 
Le profil de Bernie Sanders est bien typé. Fils d’immigrés juifs polonais, il est né en 1941 à Brooklyn et a grandi dans ce quartier de New-York avant de devenir ce que les Américains nomment un intellectuel radical. Il a milité pour les droits civiques et contre la guerre du Vietnam, il est pour l’Obamacare, la lutte contre le réchauffement, le mariage homosexuel, l’avortement, contre le libre-échange et le nucléaire. Tout cela rentre dans des cases bien connues outre-Atlantique, et son socialisme proclamé le tenait jusqu’il y a peu sur les marges du système, l’éloignant de toute fonction de rassemblement. L’Amérique de l’après seconde guerre mondiale, caricaturée en France sous l’adjectif maccarthiste, tenait l’union soviétique pour le diable et le socialisme pour un épouvantail : aujourd’hui, la Russie est toujours l’ennemie, mais l’étiquette socialiste est maintenant à la mode. A tel point que la Western Illinois University, qui modélise les élections américaines et a prédit les résultats des précédentes présidentielles avec 100 % de réussite, voit en Bernie Sanders le prochain président des Etats-Unis.
Des études convergentes mesurent ce renversement de tendance historique. L’institut de sondage new Selzer and Co.a mesuré que 43 % des votants probables au caucus du premier février dans l’Iowa se définissent eux-mêmes comme « socialistes ». Il a proposé aux sondés des mots connotés politiquement, sur lesquels les partis se partagent aux Etats-Unis, et trouvé que, par exemple, seuls 38 % se disaient « capitalistes ». Et le phénomène ne se limite pas à l’Iowa. Selon une étude Gallup de juin 2015 menée dans l’ensemble des Etats-Unis, 47 % des électeurs se prépareraient à voter pour un socialiste, la proportion montant à 59 % chez les Démocrates. Et selon un sondage de novembre pour le NY Times et CBS, 56 % des votants à la primaire démocrate jugent positif le fait socialiste contre 29 % d’opinions négatices.
 

Pourquoi cette mode socialiste aux Etats-Unis ?

 
Les commentateurs politiques s’interrogent sur les raisons d’un tel revirement sans trouver de vraie réponse. Pour Amy Davidson, du New Yorker, la disparition du pacte de Varsovie a détruit la peur, et le fait que Bernie Sanders fasse référence à la Scandinavie lui attire de la sympathie (Cette « analyse » un peu rapide touche un fait capital : avec la perestroïka, l’Union soviétique s’est donnée pour objectif de faire « disparaître l’image de l’ennemi » aux yeux des Américains, et elle y a réussi). Davidson note encore que « socialisme » a été le mot le plus consulté sur les dictionnaires en ligne en 2015, tout juste devant « fascisme ». Peut-être le rejet du système politique, qui touche les Etats-Unis comme l’Europe, passe-t-il là-bas par une expression socialiste ? Une autre étude (Pew, décembre 2011) montre en effet que les jeunes de moins de 29 ans, toutes tendances politiques confondues, ont une opinion favorable du socialisme.
 
Il y a cependant une piste d’interprétation qui a été oubliée des exégètes : l’incidence de l’immigration. Bernie Sanders fait partie lui-même de ces immigrés d’Europe de l’Est favorables au socialisme qui ont peuplé entre les deux guerres et après la seconde guerre mondiale le parti communiste et le parti socialiste des Etats-Unis. Sont ici à l’œuvre les effets conjugués du déracinement et de la provenance de pays non « capitalistes ». Aujourd’hui, la vogue de l’idée socialiste aux Etats-Unis doit beaucoup aux nouvelles populations : les vieux Américains de souche (au-dessus de 65 ans) y demeurent opposés à 72 % selon l’étude Pew.
 

Pauline Mille