Le portrait d’Elizabeth première vient donc d’être décroché de la salle du 10 Downing Street où le Premier ministre travailliste Keir Starmer reçoit, comme ses prédécesseurs, des visiteurs étrangers. A sa place figure une peinture récente d’une artiste d’origine portugaise, Dame Paula Rego, figurant une « femme forte et courageuse ». Elizabeth I, peinte en majesté par le Brugeois Marcus Gerards le Jeune en 1592, a en effet eu le malheur, en tant que reine, d’encourager le commerce et de permettre celui des esclaves, où elle investit elle-même. Quant à Walter Raleigh, c’était un colonialiste qui tenta d’implanter un comptoir en Caroline du Nord et dut se retirer parce qu’il ne sut s’entendre avec les Indiens locaux. Il a été remplacé par une variation sur la Visitation, toujours de Dame Paula Rego. Starmer a déjà ôté de ses murs Gladstone et Margaret Thatcher. Comme ils n’étaient pas esclavagistes, Karmer a trouvé une pirouette pour évacuer toute question : « Depuis toujours, je suis mal à l’aise quand il y a accrochés aux murs des gens qui me fixent. » Il faut croire que les « femmes fortes et courageuses » de Dame Paulo Rego ne le fixent pas. Mais un porte-parole du ministère donne un autre éclairage : « Le remplacement des tableaux est prévu depuis longtemps, avant les élections législatives (qui ont donné le pouvoir à Starmer, NDLR), il doit marquer le 125e anniversaire de la collection du gouvernement. » Comme quoi la révolution arc-en-ciel qui modifie progressivement l’histoire et les symboles du pouvoir n’est pas un coup de chaleur dû à quelque wokisme que ce soit, mais un mouvement à long terme voulu par nos élites.