Les statues de Lénine abondent en ex Union soviétique, tandis que la Russie accuse la Pologne de mépriser les mémorials des soldats de l’Armée rouge

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Cent ans après la Révolution d’octobre, et 100 millions de victimes plus tard – car tel est le bilan a minima des horreurs du communisme – la Russie est toujours parsemée de statues de Lénine : il y en a des milliers dans les anciennes républiques de l’Union soviétique, toujours le même regard sévère et figé, comme pour mieux rappeler que le communisme n’est pas mort. En ce centenaire, la Russie dénonce également officiellement la volonté de la Pologne qu’elle avait tenue sous sa tyrannique tutelle d’enlever nombre de mémorials aux soldats de l’Armée rouge que l’on rencontre toujours à travers le pays.
 
Entre le légitime ressentiment d’un peuple opprimé comme celui de Pologne et la volonté de maintenir des monuments aux morts, témoins de souffrances humaines, il y a sans doute un équilibre à tenir. Mais lorsque la figure emblématique d’une Révolution qui s’est toujours nourrie de persécutions et qui s’est imposée par le biais de police politique continue d’être adulée sur les places publiques, y compris en chair et en os sur la place Rouge où la « charogne » de Lénine (comme le disait Soljenitsyne) est toujours vénérée, il y a aussi un devoir de vérité.
 

Les statues de Lénine se dressent toujours en Union soviétique

 
Voilà une affaire où on arrive tout de suite au point Godwin : que dirait-on si des statues de Hitler ponctuaient les places en Allemagne, ou que des monuments aux morts nazis s’élevaient dans les pays occupés au cours de la Seconde Guerre mondiale ? Justement : la Russie de 2017 comme celle de l’après-guerre refuse l’assimilation, alors que le nazisme ne tue plus et que le communisme tue encore.
 
Dans les anciens Etats de l’URSS nombre des statues de Lénine ont été démolies par des foules en colère à la suite de la chute de l’Union soviétique, ou plus tard : à Kiev, c’est pendant les vagues de protestation en 2013-14 que le metteur en pratique des idées de Karl Marx a vu ses effigies pulvérisées. Parfois, ce sont les autorités locales qui ont démantelé ces symboles d’un passé tout de même honni. Mais certaines d’entre elles, trop visibles sur les places ou les lieux très fréquentés, ont été démontées avec soin pour être érigées dans des parcs bien à l’écart. Toujours là cependant : en Russie, elles font penser au vers de Vladimir Mayakovsky : « Lénine a vécu, Lénine vit, Lénine vivra. »
 

« Lénine a vécu, Lénine vit, Lénine vivra »

 
Mais il en reste aussi, de ces statues, qui par leur gestuelle ou leur situation – le poing levé, gigantesques – semblent appeler à la reprise de la Révolution. Devant une gare de Saint-Pétersbourg, aux abords d’un stade de Moscou, sur la place centrale de Kaluzhskaya dans la capitale russe ou près du lac Baïkal en Russie sud orientale et même dans certaines villes d’Ukraine, ce sont des effigies géantes qui « veillent » sur le peuple, sans bonté et sans renvoyer à aucune transcendance.
 
Alors qu’en Occident, et spécialement aux Etats-Unis, on veut abattre les statues Christophe Colomb et de tout ce qui, de près ou de loin, rappelle une prétendue oppression blanche, l’horreur communiste peut continuer de donner ses tyrans en exemple.
 
En Pologne, le souvenir laissé par l’occupation nazie, puis l’occupation communiste, a vacciné les foules. L’ambassadeur de Russie en Pologne, Sergei Andreïev se répand désormais dans la presse pour se plaindre de ce que les autorités polonaises veuillent démanteler des mémorials de l’Armée rouge – cela porterait atteinte à la sensibilité du peuple russe, a-t-il par exemple déclaré à rt.com. Et d’accuser la Pologne de ne pas faire la différence entre les soldats soviétiques qui ont « libéré » le pays, et ceux de la Wehrmacht qui l’avaient « occupé ».
 

Les mémorials de l’Armée rouge en Pologne : pomme de discorde pour la Russie

 
En quelques mots, voici gommée la réalité – oui, la Pologne a subi l’invasion allemande et la dure présence des soldats nazis, mais la « libération » soviétique a marqué son entrée dans une ère de tyrannie plus longue, avec son lot de persécutions et une occupation terrible.
 
Serguei Andreïev a indiqué que la Russie est catégoriquement opposée à certains éléments de la loi de décommunisation polonaise qui qualifie les monuments militaires en marge des cimetières de guerre de « propagande communiste ». Et de répéter que ces monuments à la mémoire des 600.000 soldats et officiers russes « morts en libérant la Pologne 1944-45 » glorifient des « « gens qui ont sauvé la Pologne, car s’il n’avait pas été là, il n’y aurait pas de Pologne aujourd’hui, ni communiste ni capitaliste ». « Il n’y aurait pas de Polonais en tant que peuple », a-t-il précisé, en référence au plan nazi d’exterminer ou d’exiler le peuple polonais.
 
Et le Rideau de fer ? Oublié.
 
C’est en juin dernier que le parlement polonais a adopté une série d’amendements rendant illégale toute propagande en faveur du communisme de n’importe quel autre régime totalitaire, y compris à travers les noms inscrits sur les monuments et d’autres éléments architecturaux.
 

Anne Dolhein