Des dérives, il y en aura dans le cadre du synode sur la synodalité qui vient de s’ouvrir à Rome, après que le pape a battu la coulpe de l’Eglise et de tous les fidèles à l’aune de son nouveau catalogue des péchés capitaux. Et comme souvent dans l’Eglise, les voix qui se lèvent son celles des petits : un évêque auxiliaire, un évêque émérite… En l’occurrence, c’est la voix – tonitruante par la portée de ses propos – de l’ancien évêque de Tyler au Texas, renvoyé de son siège épiscopal sinon de son épiscopat pour avoir voulu rester ferme dans une affirmation solide de la foi. A l’orée du synode, en la fête de saint Jérôme, il a appelé à dire « Non possumus ». Il s’est adressé aux évêques d’abord : ils ont le devoir d’enseigner et de défendre la foi. Mais aussi aux plus petits, à tout un chacun : « Il importe de comprendre que, quel que soit votre état de vie, vous avez la responsabilité de vous conformer à l’autorité divine. »
Voici la traduction intégrale de cette Lettre ouverte, dont la portée est d’autant plus grande que Mgr Strickland a décidé récemment de se mettre un peu en retrait de la vue publique, pour mieux prier et connaître la volonté de Dieu. Pour lui, ces propos sont essentiels. Comme ils le sont pour l’Eglise… J.S.
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En la fête de saint Jérôme
Le « non possumus » de Mgr Strickland face aux dérives du synode
Lettre ouverte aux participants de la session finale du Synode sur la synodalité, ainsi qu’aux fidèles qui en suivent le déroulement
Je vous écris cette lettre à l’occasion de la fête de saint Jérôme, docteur de l’Eglise universelle et l’un des quatre grands Pères latins. Du mercredi 2 octobre au dimanche 27 octobre 2024, la seizième Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, également appelée Synode sur la synodalité, sur le thème « Pour une Eglise synodale : communion, participation et mission », tiendra sa deuxième et dernière session.
Au cours de ce synode, nous avons vu de fausses idées placées sur les tables de discussion à côté d’anciennes vérités révélées, dans l’idée que certaines de ces anciennes vérités devraient être modifiées ou carrément effacées. C’est une grave mascarade lorsque la perle de grand prix est mêlée au hasard aux babioles d’un monde confus et pécheur. Je demande à tous ceux qui participent à ce synode d’avoir cette audace de la foi qui crie « non possumus » – nous ne pouvons pas !
On lit dans les Psaumes : « Dieu a consolidé les verrous de tes portes » (Psaume 147:13). Ces portes sont celles de son Eglise. Vous qui êtes prêtres, évêques et cardinaux, savez-vous que vous êtes les gardiens de ces portes ? Saint Jérôme écrivait : « Si seulement le Seigneur m’accordait le privilège d’être un verrou des portes de Sion ! Si un hérétique osait se frayer un chemin à travers ces portes, je me tiendrais à cheval sur elles et l’en empêcherais. Qu’Eunomius vienne, qu’Arius vienne, et je les réfuterai. »
L’appel aux participants du synode
Ceux d’entre vous qui participent au Synode se sont-ils également écriés : « Si seulement le Seigneur m’accordait le privilège d’être un verrou des portes de Sion » ? Au lieu de servir de verrou de la porte de Sion, beaucoup d’entre vous semblez pleurer au bord du torrent de confusion de Babylone.
A tous ceux qui participent à ce Synode, je pose cette question : « Où habitez-vous ? » Car le Seigneur vous appelle à sortir du monde, de Babylone, pour être les sentinelles de son Eglise. « Contre les remparts de Babylone, levez l’étendard ! Renforcez la garde, postez des gardiens et dressez les embuscades ! Oui, selon son projet, le Seigneur accomplira ce qu’il a dit contre les habitants de Babylone » (Jérémie 51:12).
Il nous a été dit que les scandales arriveraient – mais faites-vous partie de ceux qui causent les scandales ? « Malheur au monde à cause des scandales ! Car il est nécessaire qu’il arrive des scandales ; mais malheur à l’homme par qui le scandale arrive ! » (Matthieu 18:7).
Mgr Strickland : « Il faut fuir Babylone »
Je cite à nouveau saint Jérôme : « Pour éviter les scandales, il faut fuir Babylone. Je suis moi-même allé à Babylone pendant un certain temps, et j’y ai goûté la poésie de Cicéron et de Plaute, mais j’ai eu un rêve dans lequel je me trouvais devant le tribunal du Christ, et on me demandait de déclarer ce que j’étais. Je répondis que j’étais chrétien, mais le juge me dit : « Tu mens. Tu es plutôt cicéronien, car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. Il ordonna de me flageller. Après mon châtiment, je me suis réveillé et j’ai constaté que j’étais un homme transformé, mais que les marques n’avaient pas disparu. J’étais alors un homme apte à l’étude et à l’interprétation des Saintes Ecritures. Je n’ai plus marché dans Babylone. Mais aujourd’hui, je trouve qu’il y a plus de bergers qui demeurent dans Babylone que dans les Saintes Ecritures. »
Alors que se tient cette dernière session du Synode sur la synodalité, je lance un appel aux participants qui marchent avec le monde, qui demeurent dans Babylone et qui recherchent l’harmonie avec le monde plutôt qu’avec le Christ. Nous ne pouvons pas accepter un processus de synodalité qui usurpe l’autorité que seul Dieu possède à juste titre, et nous ne pouvons pas chercher à marcher en harmonie avec ceux qui sont sur un chemin autre que le vrai chemin tracé par Jésus-Christ.
Ces dernières semaines, le pape François a répété qu’il importait peu de savoir quel dieu embrassaient les gens, puisque nous sommes tous sur le même chemin. Cela va à l’encontre de l’enseignement fondamental de notre foi, des paroles du Christ lui-même et du voyage long et ardu du peuple élu d’Israël. On peut décrire l’Ancien Testament comme l’histoire de la fidélité constante de Dieu, pendant qu’Israël s’éloignait à plusieurs reprises du vrai chemin pour aller vers de faux dieux.
Une dérive synodale : oublier le rejet des faux dieux
Le premier commandement du Décalogue est celui-ci : Tu n’auras pas de faux dieux devant Moi. Si une conversation synodale donne ne serait-ce que l’impression que de faux dieux peuvent être mêlés au dépôt sacré de la foi, nous devons la dénoncer comme anathème.
Nous voyons beaucoup de ceux qui ont été appelés à participer à ce Synode faire des concessions pour les péchés de Babylone – notamment les perversions de Sodome et Gomorrhe. L’hérétique Martin Luther a dit : « Etre continent et chaste n’est pas en moi. » Luther, dans une lettre à Melanchthon, écrivait au sujet du règne de l’Agneau : « Le péché ne nous arrachera pas de lui-même si mille fois par jour, nous commettons la fornication. » Que ces paroles sont fausses, et pourtant ce sont celles que nous entendons aujourd’hui de la part de nombreux participants à ce synode, alors qu’ils défendent un programme qui délaisse le célibat et/ou les relations matrimoniales naturelles pour approuver la fornication et la sodomie.
Même s’il a été dit que les questions LGBT n’étaient pas au centre des discussions synodales, le père dominicain Timothy Radcliffe, participant au synode, a écrit pendant cette période synodale que les désirs homosexuels – qui sont objectivement désordonnés – sont « donnés par Dieu » et doivent être « éduqués » plutôt que d’être niés, et il a fait l’éloge de ce que l’on appelle les « catholiques gays matures » se trouvant dans des « relations engagées ». Le père James Martin, qui a fondé le groupe pro-LGBTQ Outreach et qui participe également au synode, a écrit abondamment au sujet de l’homosexualité des choses qui ne sont pas conformes à la doctrine catholique.
Le Catéchisme de l’Eglise catholique, qui affirme que les personnes souffrant de tendances homosexuelles « doivent être accueillies avec respect, compassion et délicatesse », indique aussi clairement que les actes homosexuels sont « intrinsèquement désordonnés » et « ne sauraient recevoir d’approbation en aucun cas » (CCC, 2357-2358).
Ces groupes d’études du synode qui pilotent les dérives
Le Pape François a décidé qu’il y aurait des groupes d’études qui travailleraient sur cette question et sur certaines des autres questions les plus controversées du Synode, et il est inquiétant de constater que ces groupes semblent mettre l’accent sur l’unité dans la diversité plutôt que sur l’unité avec Notre Seigneur et ses préceptes. Le pape François a déclaré à propos du chemin synodal que nous sommes appelés à rêver d’une Eglise qui soit « servante de tous ». Cependant, c’est l’harmonie avec le Christ plutôt que l’harmonie avec l’homme que nous devons rechercher.
Je supplie tous les pasteurs de l’Eglise, en particulier ceux qui participent à cette session du Synode, de défendre le dépôt de la foi et de défendre fermement le Christ, même si cela vous met en porte-à-faux avec le monde. En tant que bergers, nous devons dire avec saint Jérôme :
« Plût à Dieu que tous les infidèles se lèvent ensemble contre moi, pour avoir défendu le nom et la gloire de Dieu ! Je voudrais que le monde entier se liguât pour blâmer ma conduite, afin que je pusse, par ce moyen, obtenir l’approbation de Jésus-Christ. Vous vous trompez si vous pensez qu’un chrétien peut vivre sans persécution. C’est celui qui vit sans persécution qui en souffre le plus. Rien n’est plus à craindre qu’une trop longue paix. Une tempête met l’homme sur ses gardes et l’oblige à déployer ses plus grands efforts pour échapper au naufrage. »
Je m’adresse maintenant aux fidèles, mes chers frères et sœurs dans le Christ, pour leur dire que suivre tout autre que le Christ, en communion avec son Eglise, est le sûr chemin vers la vie éternelle sans Dieu, c’est-à-dire vers la damnation. En ces temps de « synodalité », beaucoup diront que mes paroles sont dures et qu’elles portent un jugement, mais ce sont les paroles du Christ, et elles révèlent l’amour le plus profond que le monde ait jamais vu – car son désir est que nul ne se perde. Il nous a donné l’Eglise catholique, qui n’est pas une simple institution humaine, mais une œuvre de Dieu, un instrument et un sacrement de salut et de communion avec Lui. Il n’est pas vrai que toutes les religions, tous les chemins, vous conduisent à Dieu. Le Christ est la Voie, la Vérité et la Vie et, comme le disait saint Cyprien, « Personne ne peut avoir Dieu pour Père s’il n’a pas l’Eglise pour Mère ».
« Non possumus », quand le dépôt de la foi est attaqué
C’est pourquoi vous ne devez accepter aucune procédure synodale qui contredise le dépôt de la foi de l’Eglise catholique et qui n’ait le Christ pour autorité. Ne soyez pas comme le peuple dont parle Jérémie 2:13 : « Oui, mon peuple a commis un double méfait : ils m’ont abandonné, moi, la source d’eau vive, et ils se sont creusé des citernes, des citernes fissurées qui ne retiennent pas l’eau ! »
Il importe de comprendre que, quel que soit votre état de vie, vous avez la responsabilité de vous conformer à l’autorité divine. Il est certain que les prélats, tous les ordonnés, les religieux et les parents ont tous un niveau d’autorité spécifique et sont tous appelés à exercer leur autorité d’une manière qui respecte toujours l’autorité suprême de Dieu. Cependant, quel que soit son statut, chacun a la responsabilité de suivre l’autorité divine.
Plutôt que de succomber au chant des sirènes du monde moderne, accrochons-nous à l’unique Seigneur, à l’unique foi et à l’unique baptême qui nous conduisent à Jésus-Christ. Réjouissons-nous de la plénitude de la foi en tant que catholiques et n’acceptons jamais aucun changement qui chercherait à altérer le dépôt immuable de la foi qui nous a été donné par Notre Seigneur Jésus-Christ et sauvegardé par sa sainte Eglise. Non Possumus !
Que saint Jérôme, docteur de l’Eglise universelle, intercède pour nous afin que nous demeurions inébranlables dans la vraie foi.
Mgr Joseph E. Strickland
Evêque émérite de Tyler