Suisse : un « oui » à un diagnostic préimplantatoire (DPI) élargi. Vers un eugénisme accru

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Elle était quasiment le dernier pays d’Europe à l’interdire. Dimanche, la Suisse a voté à 61,9% pour le diagnostic préimplantatoire (DPI), autorisant de fait une révision de la Constitution concernant la procréation médicalement assistée – nonobstant 57% d’abstention. Six cantons alémaniques ont marqué leur désaccord : en tête, trois à majorité catholique. Le rédacteur en chef de la Revue médicale suisse déclare que ce vote « replace la Suisse, sur cette question, dans le concert des nations en matière scientifique et médicale ». Que trop, effectivement. D’autant que la loi finale va très au-delà de la proposition initiale du Conseil fédéral, vers un eugénisme qui ne peut plus taire son nom.
 
La loi d’application, déjà votée au Parlement, sera néanmoins soumise à un référendum qu’ont décidé de lancer les opposants au DPI, menés par le Parti évangélique suisse, soutenus par l’UDC – seul parti contre le projet –, les évêques catholiques, la fédération des églises protestantes ainsi que les organisations de défense de handicapés. Mais les chances sont moindres.
 

Dans le cadre de la PMA : le diagnostic préimplantatoire (DPI)

 
Jusque-là, les couples suisses se rendaient à l’étranger ; ils pourront désormais organiser leur DPI in situ. Le diagnostic préimplantatoire consiste en la réalisation d’un diagnostic biologique à partir de cellules prélevées sur un embryon obtenu par fécondation in vitro ; il se place donc dans le cadre d’une PMA. On étudie les chromosomes, certains gènes, pour déceler les maladies génétiques potentielles ou les aberrations naturelles (Trisomie 21) et, pudiquement, « séparer » les embryons affectés des embryons sains qui seront alors transférés dans l’utérus maternel.
 
Les soutiens de la cause défendent un cadre curatif : on prévient une pathologie, on empêche des souffrances d’advenir. Ils arguent que le nombre d’avortements en sera diminué. Mais qu’est-ce que le DPI, sinon la destruction de plusieurs embryons à chaque fois ? Et le risque eugéniste est immense. Où s’arrêter ?… Modeler l’homme à sa volonté, en dépit de la création, en dépit de la nature, en dépit de Dieu.
 

Le « oui » suisse à une loi ouverte à tous les vents

 
Le pire – mais c’est finalement logique – est que la réforme de la loi est bien plus libérale que la proposition initiale du Conseil fédéral, largement dépassée lors du débat parlementaire. « Dans la loi, le Parlement est allé trop loin », confirme la présidente du Parti évangélique suisse. Même les associations d’handicapés qui, dans un premier temps n’étaient pas contre, se rallient aujourd’hui au référendum.
 
Au départ, il ne s’agissait d’ouvrir le DPI qu’aux porteurs de maladies graves : « seules les maladies graves surgissant avant l’âge de 50 ans et ne pouvant être soignées efficacement seront prises en ligne de compte » avait dit le Conseil fédéral – ce qui est le cas dans un certain nombre de pays européens.
 

Culture de mort : eugénisme et euthanasie

 
La loi suisse ouvre non seulement le DPI aux couples qui se savent porteurs d’une maladie héréditaire grave mais aussi à tous les couples ayant recours à une fécondation artificielle parce qu’ils ne peuvent pas avoir d’enfants autrement : on analyserait alors systématiquement les ovules afin de détecter la présence éventuelle d’anomalies chromosomiques – entre autres la trisomie 21, qui ne rentrait pas au départ dans le cadre de la proposition législative. Ainsi, le domaine d’utilisation passerait ainsi d’environ 50 à 100 couples actuellement à 6.000 couples par année.
 
Autre point : le Conseil fédéral voulait faire passer à huit le nombre d’embryons développés par cycle de traitement pour les parents à risque (contrairement à la règle des trois embryons qui s’applique aujourd’hui pour les FIV). La modification de la constitution va porter ce nombre potentiel d’embryons à douze, entraînant destruction et/ou congélation systématiques.
A ce bien avancé DPI suisse répondent, à l’autre bout de la chaîne de la vie, les propositions de loi allemandes sur le suicide assisté soumises tout récemment au Bundestag, l’une prônant un compromis entre l’interdiction de l’euthanasie et du suicide assisté et leur légalisation, ainsi que l’a rapporté « Gènéthique », l’autre prônant un véritable « droit à mourir ». Un schéma familier…. à la française ? Le débat aura lieu en juillet. La nouvelle législation est attendue chez eux pour le mois de novembre.
 

Clémentine Jallais