Sully n’est en aucune manière un film historique consacré au principal ministre du roi Henri IV, mais au pilote Chesley Sullenberg, surnommé Sully. Sully est un pilote très expérimenté qui a volé durant des décennies dans l’aviation militaire puis civile. Il a eu son heure de gloire le 15 janvier 2009 en réussissant une manœuvre difficile, l’amerrissage d’urgence sur l’Hudson, le fleuve qui rejoint la mer à l’Ouest de New-York, de son Airbus A320 aux moteurs arrêtés ; son équipage et les 155 passagers ont survécu. Il n’y a même pas eu de blessés graves. Un drame a été frôlé : un amerrissage raté aurait pu conduire au naufrage rapide de l’avion, dans l’eau très froide de l’Hudson ; tous n’auraient pas pu sortir de l’avion, et beaucoup auraient pu périr dans l’eau, même en flottant, du fait de sa température glaciale. En outre, l’avion chutant rapidement au-dessus de New-York, ville marquée par son paysage de gratte-ciels, ou du moins d’immeubles très hauts sur les deux rives de l’Hudson, il aurait pu s’écraser sur des immeubles, causant des centaines de mort, et une panique considérable quelques années seulement après le 11 septembre 2001.
 

Sully, un chef d’œuvre dans son genre

 
Or, très vite, le héros Sully s’est trouvé en position d’accusé. La commission d’enquête, qui cherche à établir précisément les fait, soit son travail le plus normal, est devenue rapidement agressive contre Sully, n’instruisant qu’à charge ou presque. En se basant sur des données fausses et des simulations informatiques biaisées, elle lui reproche d’avoir tenté une manœuvre dangereuse, aventureuse, au lieu de se poser tranquillement sur un des aéroports proches. Ces théories ne tiennent pas ; le spectateur le comprend rapidement. Il suffit d’être de bonne foi : piloter un avion, dans le monde réel, avec de nombreuses vies humaines en jeu, n’a rien à voir avec un exercice de simulation, où un accident virtuel n’a aucune conséquence réelle. En outre, les médias ont été absolument odieux, ont harcelé le pilote, et même sa famille, qui n’avait absolument aucun lien avec le sujet.
 
Le réalisateur expérimenté et prolifique Clint Eastwood réussit dans Sully une de ses meilleures œuvres. Il rétablit scrupuleusement les faits. Un montage habile, éclatant la narration, permet d’équilibrer le film : présenter d’emblée le fameux vol problématique aurait fait sombrer l’intérêt pour le reste du film. La reconstitution historique, à commencer par celle de la catastrophe, est absolument exceptionnelle. La narration est parfaitement maîtrisée et rend un hommage à la fois mérité et sobre, sans sombrer dans les longueurs et la grandiloquence hagiographique, travers trop fréquents et parfaitement évités ici. Sully, dans son genre, est un chef d’œuvre.
 

Hector JOVIEN