“Tiny houses” : leur minimalisme engagé fait le choix de la décroissance, à tous les niveaux

 

Elles font, en France, entre 11 et 28 m² et pourtant leur succès se pérennise : de plus en plus de personnes en font leur habitation quotidienne. On les appelle les tiny houses, maisons minuscules. Car oui, ce sont des maisons de poupées. Montées sur roues ou sur plateaux, et donc amovibles, ne nécessitant aucun permis de construire, elles sont le plus souvent hors réseaux, consommant l’électricité qu’elles produisent, filtrant l’eau de pluie qu’elles canalisent, et invitant par leur extrême petitesse à n’acheter que l’extrême nécessaire… Un retour à l’âge de pierre ? Un rêve écologiste en tout cas ! Et surtout un reflet, à sa mesure, de l’état économique et mental de notre société.

Car, et d’une, la contrainte financière est en réalité l’argument principal du choix de la « tiny » par rapport à une maison traditionnelle. Et de deux, l’adoption de ce minimalisme engagé est teintée d’un climatisme aigu, embrassant la décroissance tous azimuts. Quid des familles, dans ce type d’habitation ? Quid de l’espace de liberté ? Quid de la culture et du souvenir ?

On tente de faire passer un pis-aller pour une panacée.

 

La tiny house : une ode au minimalisme et à la décroissance

Le témoignage du dénommé Campbell dans The Telegraph est très instructif. Auteur de livres pour enfants, il affirme qu’après avoir divorcé, il a décidé que chacune de ses décisions serait destinée à aider la planète : il est devenu végétalien, a arrêté de prendre l’avion, a pris une voiture électrique, a commencé à tout acheter d’occasion et s’est débarrassé de 90 % de ses affaires pour emménager dans une caravane avec un poêle à bois et des panneaux solaires. Une sacrée réduction de son « empreinte carbone »…

Mais il raconte quand même qu’il se chauffe au gaz l’hiver et emporte des chargeurs dans les hôtels pour profiter au maximum de l’électricité gratuite. Qu’il va travailler à la bibliothèque « s’il fait froid, qu’il pleut, qu’il fait sombre et que c’est horrible ». Et qu’il nage au centre de loisirs « principalement pour la douche et l’eau chaude »… Sans compter l’« horrible » épisode des rats qui rongeaient le système électrique et la ruche édifiée par des abeilles sur des fils nus qui a failli faire cramer sa tiny. On laisse de côté les odeurs des toilettes sèches compostables.

Et pourtant sa tiny house, à ossature métallique, est plutôt de luxe, avec du triple vitrage, des murs épais, un onduleur et des batteries de stockage fournissant la majeure partie de l’énergie. Mais tout cela est « peut-être un peu contraignant », avoue-t-il. La décence de son logement ne semble pas acquise. On serait d’ailleurs curieux de savoir ce que pensent ses deux enfants, de 18 ans et 9 ans, qui y vivent avec lui…

 

Une vie abordable en réponse à la crise du logement

D’ailleurs, où sont nées ces tiny houses ? Dans les décombres de l’ouragan Katrina, vers 2005, aux Etats-Unis, où des logements de moins de 30 m² avaient été édifiés pour offrir une habitation en zone sinistrée. La crise financière de 2008 favorisa peu après leur croissance alors que des milliers de gens, au chômage, avaient perdu leur maison. En résumé, elles ont constitué la solution de dernier recours.

Et en réalité c’est toujours le cas, puisque la majorité de ceux qui en font le choix le font par nécessité financière. C’est ce que note cet article du média en ligne Reporterre, rapportant, ces derniers jours, l’installation de 21 tiny houses sur un ancien camping municipal du Morbihan : « Le projet a été lancé en 2022 afin d’offrir une alternative au marché de l’immobilier » qui a augmenté de 30 % dans la commune et ne parvient pas à héberger ses actifs.

Laura par exemple, dont le dossier ne passait pas auprès des banques pour acheter un appartement, a dû se tourner vers une tiny achetée pour 46.000 euros. C’est une véritable alternative aux prêts bancaires paralysants ou impossibles à obtenir. Et de plus en plus de ménages font le choix de vivre dans ces structures mobiles temporaires, faisant apparaître sur le marché nombre de start-ups répondant à cette demande croissante.

Ainsi donc, c’est d’abord et avant tout une nécessité. Le prétexte écologique arrive souvent après, comme justification d’une situation loin d’être enviable en définitive… D’autant plus qu’elle élimine le noyau familial traditionnel : quand on épluche les articles, on se rend compte que le profil type des occupants est soit le parent isolé, avec un ou deux enfants maximum (très souvent divorcé et donc en galère financière) soit le couple sans enfants, vivant de petits boulots.

Ce que fait à coup sûr la tiny house, c’est rendre impossible la famille nombreuse.

 

Moins d’espace au sol pour lutter contre le changement climatique

Bien souvent, le mot de « liberté » vient à la bouche de ces nouveaux « propriétaires » confortant leur sentiment de ne devoir leur dépendance qu’à eux-mêmes. Mais le mouvement des micromaisons comme on l’appelle, a plus à voir avec l’asservissement : la majorité de leurs habitants feraient autrement s’ils le pouvaient.

Certains clament pourtant que cette façon de vivre minimaliste est exemplaire, à commencer par l’ONU qui a publié, en 2020, un rapport de l’International Resource Panel. Selon ce dernier, il faut privilégier des maisons plus petites et la vie en groupe : une réduction de la demande d’espace au sol domestique jusqu’à 20 % pourrait en effet réduire les émissions de gaz à effet de serre des matériaux de construction de 73 % d’ici à 2050 ! Des maisons de seulement 20 mètres carrés ont été même présentées par les architectes comme des solutions au coût élevé de l’espace de vie dans certaines villes…

Et si la tiny house devenait une nécessité pour sauver la Terre ? On se retrouvera alors, sans bibliothèques, sans souvenirs, sans beaux objets, sans jeux, sans ces petites choses innombrables qui nous raccrochent à un foyer, car c’est bien de cela dont il est question, in fine. Grande ou petite, l’habitation recèle un foyer familial à part entière, qu’il n’y ait qu’un seul occupant ou une famille nombreuse : un foyer qui est le fruit d’une histoire, qui embrasse une pensée, un style, une foi, qui témoigne d’un héritage et le transmet même, un tant soit peu, selon qu’on y vive ou qu’on y passe…

Dans ces micromaisons, il n’y plus rien. Hormis un écran qui trône indéfectiblement – et toujours une plante verte.

 

Clémentine Jallais