Donald Trump et ses enfants ont frauduleusement gonflé les actifs de la Trump Organization, en vue notamment d’obtenir des prêts plus avantageux auprès des banques de 2011 à 2011 : c’est ainsi que la presse française dans son ensemble a évoqué les accusations de fraude dont l’ancien président des Etats-Unis fait actuellement l’objet de la part de la Cour suprême de New York. La chose paraît acquise. Mais la réalité n’est pas aussi simple, et Trump, qui sera appel, a déjà présenté une riposte.
C’est sans procès ni jury que le juge Arthur Engoron a unilatéralement révoqué, mardi, tous les « certificats d’entreprise » de New York appartenant à l’ancien président Donald Trump, à la Trump Organization et à sa famille. Le juge, un démocrate, a décidé que M. Trump et son organisation ont commis des fraudes à New York pendant des années.
La décision est le résultat d’une action civile intentée par le procureur général de New York, Letitia James, démocrate elle aussi (aux Etats-Unis, la plupart des procureurs généraux d’Etat sont élus au suffrage universel direct), qui estime la fourchette de la surévaluation du patrimoine de Trump à « 812 millions et 2,2 milliards de dollars », soit entre 17,27 et 38,51 % d’écart par rapport à la réalité. Le juge Engoron, sur la foi des éléments apportés par Mme James accusant Trump d’avoir en particulier largement exagéré la surface de ses propriétés immobilières, a décidé que Trump et ses entreprises ont trompé les banques, les assureurs et d’autres personnes en surévaluant les actifs afin d’obtenir des financements pour des transactions commerciales. Les experts qualifient cette décision de « peine de mort pour les entreprises » concernées.
Trump, accusé de fraude, riposte
La décision accuse : « Dans le monde des accusés, les appartements à loyer réglementé valent la même chose que les appartements non réglementés ; les terrains soumis à des restrictions valent la même chose que les terrains non réglementés ; les restrictions peuvent fondre comme neige au soleil ; un déni de responsabilité d’une partie rejetant cette même responsabilité sur une autre partie disculpe les mensonges de l’autre partie. » « C’est un monde imaginaire, pas le monde réel », ajoute le juge démocrate.
Letitia James s’est aussitôt réjouie sur X : « Aujourd’hui, un juge a statué en notre faveur et a conclu que Donald Trump et la Trump Organization se sont engagés dans des fraude financière pendant des années. Nous sommes impatients de présenter la suite de notre dossier lors du procès. »
Le juge Engoron présidera un procès sans jury à partir du 2 octobre, au cours duquel il se prononcera sur d’autres demandes et sur les sanctions qu’il pourrait imposer. Mme James requiert 250 millions de dollars de pénalités et l’interdiction pour M. Trump de faire des affaires à New York, son Etat d’origine.
Mais Donald Trump s’est exprimé sur Truth Social – le réseau de micro-blogage de Trump Media & Technology Group (TMTG) – pour faire connaître ses griefs à l’égard de cette étrange décision : « L’attaque radicale et généralisée contre moi-même, ma famille et mes partisans a désormais atteint de nouveaux sommets anti-américains, du fait d’un juge DERANGÉ de l’Etat de New York, aux ordres d’un “procureur” complètement partial et corrompu, Letitia James, qui s’est présenté aux élections sur un programme “GET TRUMP” [“faisons tomber Trump”], avant même de savoir quoi que ce soit sur moi. »
Et d’ajouter : « Cela nous rappelle de manière effarante que les Démocrates de la gauche radicale ne reculeront devant rien pour essayer de m’empêcher, ainsi que le peuple américain, de remporter l’élection présidentielle de 2024. »
Trump riposte en parlant de persécution politique
L’ancien président a lancé une sévère mise en garde contre ce qualifie de persécution coordonnée et politiquement motivée à son encontre par les Démocrates, alors que selon les sondages actuels, il est tête de la course à la présidentielle de 2024.
« Alors que mon avance sur Joe Biden dans les sondages continue de grimper en flèche, ces procureurs et juges corrompus et hautement politisés deviennent de plus en plus désespérés et dangereux. Nous nous transformons rapidement en pays communiste et mes droits civiques m’ont été retirés… Il s’agit d’une guerre politique démocrate et d’une chasse aux sorcières d’un niveau inégalé à ce jour », a déclaré Trump, qui a annoncé par l’intermédiaire de ses avocats qu’il fera appel de la décision.
« La décision scandaleuse rendue aujourd’hui est complètement déconnectée des faits et des lois en vigueur », a ainsi déclaré Christopher Kise, l’un des avocats de Donald Trump. « Le président Trump et sa famille utiliseront tous les recours possibles en appel pour rectifier cette erreur judiciaire. »
Deux des fils du président ont fait la lumière sur l’absurdité de l’affirmation selon laquelle leur père aurait surévalué Mar-a-Lago, qui, vaut près d’un milliard de dollars selon Donald Trump. « Dans le but de détruire mon père et de le chasser de New York, un juge vient de décider que Mar-a-Lago, à Palm Beach en Floride, ne vaut que 18 millions de dollars », a écrit Eric Trump sur X. « On suppose que Mar-a-Lago vaut plus d’un milliard de dollars, ce qui en fait sans doute la propriété résidentielle la plus chère du pays. Tout cela est tellement corrompu et coordonné. »
Des actifs sous-évalués par le procureur et le juge
Un milliard ? Selon des agents immobiliers locaux, la propriété serait sans doute proposée pour au moins 250, voire 300 millions de dollars, et davantage si l’on tient compte des propriétés immobilières de Trump à proximité de cette résidence démesurée – tel un cours de golf qui se trouve à quelques minutes. Quoi qu’il en soit, ces sommes n’ont rien à voir avec les « 18 millions » retenus par le juge. Eric Trump a eu beau jeu de publier des listes de propriétés voisines nettement moins importantes qui se sont vendues montrant que l’évaluation du juge était tellement fausse qu’elle en était risible. Ainsi une propriété voisine, dix fois plus petite, est-elle actuellement en vente pour 150 millions de dollars.
Toujours sur Truth Social, Trump a riposté en déclarant : « Je vaux bien plus que ce que disent les chiffres dans mes déclarations financières », en assurant que les banques n’ont jamais eu à se plaindre des prêts consentis.
Trump, on le sait, est amateur de l’hyperbole. Mais de fait, il n’a pas, que l’on sache, mis en cause par des banques ou autres prêteurs mécontents : s’il n’y a pas de préjudice, pourquoi ce procès ?