Dans mon analyse sur la rupture de l’accord nucléaire iranien, je déplorais notre inconfort, entre le choléra du mondialisme, qui soumet les nations, et la peste Trump qui relance l’hégémonisme américain. Allons un peu plus loin en explorant la question postcommuniste.
La question centrale, préalable à toute réflexion sérieuse sur un problème complexe dont, en dépit des annonces fracassantes du Mossad, nous ne connaissons pas tout, est de fixer la nature du mondialisme. Dans les salons de la gauche évaporée et de la droite sa consœur, il est reçu à Paris que le mondialisme est une forme d’hyper-libéralisme. Or c’est plus qu’une erreur, c’est un contresens : le mondialisme est un socialisme mondial né de la convergence des deux blocs après la guerre froide, post-capitaliste et postcommuniste, et préparé dans les années soixante par les clubs de pensée issus de la Détente.
Gorbatchev, père du mondialisme postcommuniste
Du côté de l’Union soviétique, cela déboucha sur la stratégie de Mikhaïl Gorbatchev visant à assurer la transition du pouvoir à travers la Glasnost et la Perestroïka, et son projet postcommuniste de « Maison commune », c’est-à-dire, pratiquement, d’Europe neutralisée. Du côté occidental, le mondialisme donne satisfaction aux grands marchands internationaux tout en menant, à travers le libre-échange, à la fois une révolution sociétale à l’échelle planétaire et une péréquation des revenus et des populations entre le Nord et le Sud, la satisfaction des intérêts capitalistes étant ici le moteur du socialisme mondial. Il fallait rappeler cette donnée fondamentale avant d’aborder la question du nucléaire iranien.
Le nucléaire iranien : bombe ou tarte à la crème ?
Cette question du nucléaire iranien est du début à la fin un faux semblant. On en fait une crise diplomatique majeure pouvant déboucher sur la guerre alors que c’est d’abord une affaire intérieure américaine. On l’isole sur la carte du monde, obsédé parce qu’il est convenu d’appeler la poudrière du Proche-Orient, alors qu’il faut la lier à la Corée. On en fait une pierre de touche de la non prolifération des armes nucléaires, alors que cette question est une vieille galéjade. Tout le monde sait que la Chine a donné l’arme nucléaire à la Corée quand ça lui a chanté, que les Etats-Unis en ont fait de même pour l’Afrique du Sud et la France pour Israël. Au demeurant, presque soixante-quinze ans après Hiroshima, produire une bombe nucléaire à fission est extrêmement facile (ce qui est difficile, c’est de la lancer, d’où toutes les controverses sur les missiles). Les Iraniens l’ont-ils fait, sont-ils en passe de le faire ? Nous pourrions parier dessus l’apéritif du soir comme sur le prochain quarté, les inspecteurs de l’ONU disent non, le Mossad dit oui, ses preuves sont à peu près aussi convaincantes que celles de Colin Powell, sans qu’on puisse exclure que la Russie ou la Chine donne un petit coup de pouce aux Iraniens. Ce qu’il faut comprendre en somme c’est que la question n’est pas technique mais politique.
Trump, Juncker, Marx et la question postcommuniste
Or, du point de vue géopolitique, il est clair que sur l’accord nucléaire iranien Trump affronte volontairement le monde entier ou presque. La Chine. Communiste. La Russie. Postcommuniste. L’Iran des successeurs de Khomeyni. Postcommuniste. L’Union Européenne. Postcommuniste : ceux qui n’avaient pas écouté l’avertissement du dissident Boukovski en 2005 à Bruxelles (« J’ai vécu votre futur et ça n’a pas marché ») se sont réveillés la semaine dernière avec mal aux cheveux quand l’ivrogne professionnel Juncker a inauguré la statue de Karl Marx à Trèves. La Maison commune célébrait son idole. Cela nous remet en mémoire que l’accord nucléaire iranien avait été signé, côté américain, plus que signé, en fait, porté, bichonné, par Barak Obama, lui-même formé par le trotskiste Alinski. Barak Obama qui avait engagé la socialisation des Etats-Unis dont revient avec peine Donald Trump.
Le nucléaire iranien fait jouer la concurrence UE EU
L’affaire iranienne est exactement la même chose que l’affaire irakienne, sauf que c’est exactement le contraire. Les Etats Unis ont pris prétexte en Irak d’une menace qui n’existait pas pour lancer une guerre de conquête visant à remodeler la région à l’image du mondialisme démocratique, en l’ouvrant aux intérêts des multinationales complices. En Iran, le mondialisme a pris prétexte d’une menace qui n’existait pas pour lancer un accord nucléaire visant à remodeler la région à son image, en l’ouvrant aux intérêts des multinationales complices. En Irak, ces grosses entreprises étaient surtout américaines et anglaises, en Europe, surtout européennes, russes et chinoises. Dans une époque de transition, il est naturel que se chevauchent ordre international classique et mondialisme en devenir, intérêts mercantiles et nationaux.
Quand Trump a chaud aux fesses, il se cherche des alliés
L’accord nucléaire iranien a paru une bonne occasion d’agir à Trump, parce que, chez lui aux Etats-Unis, il a chaud aux fesses en permanence. C’est qu’il rompt en visière avec à peu près toutes les composantes de l’établissement, qui de ce fait ne le lâchent pas une seconde. Les représentants politiques du mondialisme, d’abord. Les Démocrates, cela va sans dire, mais aussi une bonne partie des Républicains. Les médias. Le système bancaire. Les people, le show bizz. Le complexe militaro-industriel auquel il jette des os, en Syrie, en Corée, mais dont l’appétit grandit sans cesse.
C’est pourquoi le nucléaire iranien le satisfait. Il espère piéger le mondialisme à son propre piège. Puisque la crise est sans risque, autant l’exploiter à fond. Cela satisfera ses alliés. L’Arabie saoudite, qui vendra plus de pétrole. Israël, qui se trouve justifié à envoyer quelques bons parpaings sur les Iraniens, et dont l’installation progressive à Jérusalem, capitale éternelle et intangible, devient moins choquante pour la communauté internationale. Et, à l’intérieur, le patronat américain qui voyait d’un mauvais œil l’Europe faire des affaires en Iran, et qui espère qu’un nouvel accord discret leur réservera de meilleurs parts.
Mettre le mondialisme en question suppose de reprendre ses responsabilités
Que peut-dire l’honnête homme épris de vérité d’une telle question ? Il ne résulte pas du bluff israélien ni du ton de Trump que la cause du mondialisme soit bonne, que l’union européenne postcommuniste soit dans le vrai. A la vérité nous sommes dans un cul de sac où soixante-dix ans de lâcheté nous ont mis. Il n’existe pas de relations internationales idylliques. Nous avons raison de croire que le système des nations est le moins mauvais, mais il suppose une concurrence vigilante, jamais exempte de dangers. L’habitude de la guerre froide et du parapluie américain nous a donné une mentalité de paresseux assisté, protégé et en même temps esclave. Si nous refusons la soumission au mondialisme, c’est bien, mais cela suppose de remplir notre devoir de nation. Nous applaudissons Trump lorsqu’il affronte le mondialisme : or cela le mène à se chercher des alliés et à monter des opérations tactiques qui peuvent nous déplaire ou même nous nuire. Il n’y a pas de nation libre si elle refuse le lourd fardeau de la concurrence. Si nous l’acceptons, Trump deviendra notre allié dans la lutte contre le mondialisme et notre adversaire dans la compétition internationale.