UE, Etats-Unis : Comment le traité transatlantique (TTIP) construit l’URSS B

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Critiqué à droite comme à gauche, le traité transatlantique lancé par l’UE de Bruxelles et les Etats-Unis d’Amérique en 2013 entre dans sa phase de négociation finale. La proposition définitive de la Commission, révélée ces derniers jours, érige l’Union européenne en super Etat souverain et totalitaire, sorte d’URSS B qui préfigure la gouvernance mondiale.
 
Le traité transatlantique a plusieurs acronymes, TAFTA (transatlantic free trade agreement), TTIP (transatlantic trade and investment partnership), en français PTCI (partenariat transatlantique de commerce et d’investissement), et, depuis que son existence a été révélée par « l’extrême droite » au grand public, de nombreux opposants. Beaucoup se situent à gauche ou dans des associations écologistes. Ils déplorent que les normes, notamment sanitaires, fixées par l’UE seront abandonnées au profit de celles qu’imposent les Etats-Unis. Ils dénoncent aussi le dessaisissement du parlement européen au profit d’un accroissement de puissance des entreprises multinationales. Ils critiquent notamment le mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les Etats (RDIE) qui permettent aux grandes entreprises de porter plainte contre un Etat lorsqu’elles estiment que des décisions de politique publique affectent leurs intérêts. C’est ainsi que Transcanada a demandé quinze milliards de dollars au gouvernement des Etats-Unis pour n’avoir pas autorisé son projet Keystone XL !
 

Les critiques de gauche du traité transatlantique

 
Le CEO, collectif de 45 organisations non gouvernementales vient donc de s’élever dans une lettre adressée au commissaire Cecilia Malmström contre « l’institutionnalisation du lobbying » Selon ce collectif, le texte « donne les outils nécessaires au grand business pour influer sur la législation qu’il exige ». Et il déplore qu’il donne « la possibilité aux Etats-Unis d’exercer une influence indue sur les décisions » dès le début de leur processus, avant que l’UE et ses instances élues n’aient pu faire de proposition. Il ne demande enfin pas autre chose que la suppression du traité transatlantique, « les accords commerciaux ne sont pas le lieu où doivent se décider les lois touchant à l’intérêt public ». Ce qui est à noter, c’est que ces phrases de bon sens émanent d’un collectif financé en particulier par le spéculateur milliardaire George Soros et par la fondation Rockefeller, dont le mondialisme n’est plus à prouver. Il s’agit donc d’une critique émanant de démocrates de gauche favorables à l’UE et à la construction d’une planète unifiée. Elles agitent de façon démagogique l’épouvantail des grandes multinationales, le mythe de la haute finance seule maîtresse du monde : leur but n’est pas d’interdire vraiment le traité transatlantique, mais de réserver les intérêts sacro-saints des apparences démocratiques de l’UE. Elles ne désignent pas les vrais maîtres de la manœuvre mondialiste, et pour cause puisqu’elles sont payées par des militants mondialistes !
 

L’UE souveraine mettra son nez dans les affaires des Etats-Unis

 
Mais le traité transatlantique a d’autres opposants, plus sérieux. Même aux Etats-Unis, notamment à l’aile droite du parti conservateur partisan de la souveraineté américaine et de la libre entreprise. Ils font valoir non sans justesse que la proposition définitive de la commission européenne en vue de la négociation finale qui commence le 26 mars comporte des dispositions qui donnent un droit de regard de l’UE sur les affaires internes des Etats-Unis, autant que les Etats-Unis ont un droit de regard sur les affaires internes de l’UE ! L’UE devra consulter le gouvernement des Etats-Unis avant de décider de toute directive concernant le commerce et l’investissement, et réciproquement les Etats-Unis devront consulter… qui ? L’UE ! Mais, pour l’instant, officiellement, l’UE n’a pas de gouvernement ! Cela signifie que, sous couleur d’un traité de commerce, on érige officiellement la commission de Bruxelles en organe de décision opérationnel, et l’UE en super Etat souverain ! C’est écrit en toutes lettres dans le texte proposé par les Européens : « L’UE est souveraine ».
 

Quand Vladimir Boukovski prophétisait l’URSS B à Bruxelles

 
Plus grave, ce coup d’Etat antidémocratique ne met pas sur pied une simple dictature, mais un véritable système totalitaire, on pourrait dire une URSS B. URSS B comme Bruxelles, B comme plan B, après l’échec de la variante ostensiblement soviétique. Le dissident Vladimir Boukovski qui lançait aux parlementaires européens voilà dix ans : « J’ai connu votre futur et ça n’a pas marché. » A lire en effet la proposition fournie par la Commission au négociateur de l’UE pour les discussions du 26 mars, on comprend que l’architecture du traité transatlantique et celle du super Etat que Bruxelles construit sont dignes de l’URSS. Elles ont toutes les caractéristiques d’une URSS B. D’abord la prolifération administrative programmée. Le traité transatlantique prévoit une structure institutionnelle chargée de superviser les procédures de régulation et d’arbitrage qui ne se substituera pas aux structures nationales mais s’y ajoutera. Ce qui veut dire de nouveaux fonctionnaires, de nouvelles paperasses, et une surveillance accrue. Il prévoit aussi que les autorités de régulation propres à l’UE et aux Etats-Unis se concertent en permanence. Ce qui amène un accroissement champignonnesque des domaines de compétence, deuxième tendance héritée de l’URSS. Il leur incombe explicitement de « proposer de nouvelles coopérations ». Et bien sûr, en attendant, de mettre au point des documents communs pour assurer la régulation et les arbitrages « entre elles et avec les pays tiers ».
 

L’UE totalitaire : les caractéristiques de l’URSS B

 
On sait d’expérience, au vu du fonctionnement de l’UE depuis quarante ans, que « le commerce et les investissements » incluent en fait l’intégralité des activités humaines, et que l’UE réglemente à la virgule près aussi bien la courbure des poires que la largeur des béquilles de vélomoteur ou la protection des oiseaux du Cap nord à Gibraltar.
 
Le traité transatlantique construit une URSS B aussi par sa prétention normative. Sans y toucher, le document proposé par l’UE instaure un « droit de réguler »
 
Quatrième caractéristique soviétique : l’intérêt du peuple est invoqué partout, mais sa souveraineté garantie nulle part. Il est juste prévu que « le public pourra présenter ses vues ». Le vocabulaire n’est pas très précis, mais les intentions des rédacteurs du traité transatlantique, elles, sont claires : c’est la fin de la démocratie, qui fut un moment historique nécessaire à abattre la légitimité des couronnes, mais doit être démantelée comme une usine à gaz obsolète pour faire place aux structures radieuses de l’oligarchie mondiale.
 

L’UE et le TTIP, prototypes de la gouvernance mondiale

 
L’URSS B prévoit aussi que le gouvernement des Etats-Unis et l’UE gouvernée par Bruxelles pourront « adopter et appliquer sans retard des décisions visant à atteindre des objectifs de politiques publiques, pourvu qu’ils respectent les calendriers fixés par leurs autorités de régulation respectives ». C’est-à-dire que le contrôle parlementaire n’est pas prévu dans le processus, l’urgence des politiques publiques prévues par l’exécutif, ou plutôt par les commissions administratives qui le représentent et le conseillent, étant la justification suprême. En d’autres termes, c’est le triomphe de la bureaucratie sans contrôle ni contrepoids.
Si l’on prend la peine de se rappeler que le continent américain fait l’objet de « marchés communs » qui tendent à s’étendre, Mercosur, Alena, que l’Inde, la Chine, la Russie s’organisent à travers les BRICS, qu’un bon nombre de pays d’Asie se regroupent dans l’APEC, que certains pensent déjà à une union du Moyen Orient, etc, et que de vastes projets transcontinentaux comme le traité transatlantique et le traité transpacifique vont prendre effet, on voit que la gouvernance mondiale avance vite. Et elle avance dans un sens inquiétant : la petite URSS B de Bruxelles, officialisée par le traité transatlantique, est le laboratoire et le prototype de la grande URSS B mondiale de demain.
 

Pauline Mille