Ukraine, économie : à quoi sert la guerre de Macron ?

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Le Président de la république a fait jaser la France et l’Europe la semaine dernière en n’excluant pas l’envoi de troupes en Ukraine, mais, réunis par lui hier à l’Elysée, les partis ont tous admis de soutenir Kiev sans « aucune limite », pour reprendre les mots d’Emmanuel Macron. Le terme rappelle étrangement le « quoi qu’il en coûte » lancé par le même pour décrire l’aide apportée par l’Etat aux entreprises touchées par le confinement lié au Covid que le même Etat avait provoqué. Cette coïncidence nous donne un début de piste pour répondre à la question qui se pose depuis deux ans que la guerre en Ukraine a commencé : à quoi sert-elle ? Pourquoi, la voie diplomatique étant ouverte et permettant de faire l’économie d’un conflit très coûteux en vies humaines et en biens, les deux parties, Vladimir Poutine d’une part, les Américains et l’Europe de l’autre, ont-ils choisi de concert la voie des armes ?

 

La guerre pour détourner l’attention du peuple ?

C’est une vieille lapalissade à ne pas oublier : une guerre, pas plus qu’un accident, n’a une seule cause, elle n’a pas non plus une seule conséquence, elle ne sert pas qu’un intérêt, et ceux qu’elle sert n’ont pas tous la même taille. On peut regarder l’Ukraine d’abord par le petit bout de la lorgnette. S’agissant d’Emmanuel Macron, l’attention flatte son ego, c’est certain, les bruits de bottes couvrent ceux des casseroles, bien sûr, et quand on parle de l’Ukraine on ne pense plus à Depardieu, aux agriculteurs, à l’avortement, aux mégabassines ni au pouvoir d’achat : la guerre suspend naturellement les soucis de tous les jours. C’est vrai, mais c’est secondaire : ce n’est pas pour cela que fut déclenchée la guerre, pas plus que pour renforcer le pouvoir de Vladimir Poutine. Si l’on veut aller plus loin, il faut se rappeler la double nature de cette guerre d’Ukraine : c’est à la fois un conflit géopolitique classique, telle que l’histoire en a connu des milliers, et, comme l’affaire du Covid, un exercice d’ingénierie sociale.

 

Macron veut s’imposer face à l’Allemagne

L’un a rendu l’autre possible. La guerre en Ukraine n’aurait pas eu lieu si l’Europe de l’Est dans son ensemble n’avait souhaité le bouclier occidental contre la Russie dont elle craint depuis longtemps l’impérialisme, renforcé au vingtième siècle par la furie soviétique. Rappelons qu’en 1938, quand tout le monde cherchait le moyen de soustraire la Tchécoslovaquie à la menace allemande, la Pologne et la Roumanie refusèrent de livrer passage aux forces armées soviétiques proposées en aide par Staline. Aujourd’hui, Tchèques, Baltes, Roumains et Polonais arment l’Ukraine à tour de bras, animés par une grande crainte venue de l’Est. Et ils achètent des armes américaines, cela nous ulcère mais ça se comprend : ils savent où se trouve la force capable de les protéger, elle ne se trouve pas en Europe. C’est une des raisons des coups de menton de Macron : il s’agit de récupérer un marché politique. Il a proposé ainsi d’étendre la garantie nucléaire de la France à l’Union européenne. On a hurlé au changement de doctrine, et l’on n’a pas tort, mais Giscard avait fait voilà cinquante ans la même proposition, et dans le même dessein : reconquérir un peu de poids face à l’Allemagne.

 

Une guerre nécessaire à la survie de l’OTAN

Cela nous dit comment la guerre a été possible, non pourquoi elle a eu lieu. Cette dernière question trouve une première réponse dans la logique des blocs. La guerre tiède lancée en Europe (on parle de guerre étendue, de menace nucléaire, de conflit mondial potentiel, mais on reste dans une zone de combats limitée, avec un engagement certes meurtrier mais modéré) a pour effet (et pour objet partiel) de relancer la dynamique Est-Ouest qui a donné sa forme à l’après seconde guerre mondiale. Voilà moins de trois ans et demie, en novembre 2019, Macron affirmait : « Ce qu’on est en train de vivre, c’est la mort cérébrale de l’OTAN. » Aujourd’hui, les alliés des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne font bloc dans l’OTAN et déversent sur l’Ukraine, argent, armes, munitions, formations et forces spéciales. C’est certainement l’une des raisons qui ont poussé Joe Biden, en succédant à Donald Trump, à choisir l’option militaire.

 

Qui veut l’Union européenne fait la guerre en Ukraine

De même l’Union européenne se trouvait-elle en grande difficulté, avec la Pologne (alors gouvernée à droite) et la Hongrie d’Orban vent debout contre la politique morale (avortement, homosexualisme) et l’immigrationnisme de l’Union européenne, qui peinait à contenir cette grogne par des sanctions économiques difficiles à mettre en œuvre. Aujourd’hui Ursula Von der Leyen parade à Bucarest pour briguer sa réélection à la tête de la Commission de Bruxelles et s’autorise à décider elle-même, au mépris des traités, des budgets d’aide à l’Ukraine, qui sont tout de même, en réalité, de nature militaire. Inutile de dire qu’en face Poutine n’est pas en reste. Il satisfait ses militaires, son économie de guerre, ses nationalistes et ses communistes. Il ne s’interdit pas de loucher sur la Transnistrie et a solidarisé autour de Moscou les neuf républiques de la Communauté des Etats indépendants issus de l’URSS qui lui restent liées, la Moldavie, la Géorgie et l’Ukraine l’ayant quittée.

 

Le retour de l’idée d’armée européenne ?

La guerre d’Ukraine a donc resserré les liens à l’intérieur de chaque bloc continental. A l’Ouest, cela pourrait se faire sous la seule direction américaine en cas de victoire démocrate en novembre 24, mais si Trump l’emportait, il a prévenu qu’il cesserait de payer seul pour l’OTAN, et l’Europe s’acheminerait vers une sorte d’autonomie militaire, ce que semblent annoncer les discours de Macron, Scholz, Meloni et des Européens de l’Est. La guerre d’Ukraine servirait à créer ainsi l’armée européenne, ce qui fut refusé du temps de la guerre froide avec le rejet en 1954 de la CED par l’alliance des Gaullistes et des Communistes. De l’autre côté, elle aura servi à repousser la Russie vers l’Asie, au terme d’un processus commencé avec le retrait de la Moldavie, de la Géorgie et de l’Ukraine. Il ne demeure auprès de la Russie, la Biélorussie et l’Arménie, que l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, avec pour associés le Turkménistan et la Mongolie extérieure. Autrement dit Biden et Poutine ont choisi l’ancrage de la Russie dans un ensemble asiatique multiculturel, multireligieux (où l’islam pèse lourd) et multiethnique (où altaïques et mongols pèsent lourd aussi).

 

La guerre pour la démocratie justifie la crise de l’économie

Dans la logique des blocs, chaque bloc fait peur à l’autre et permet ainsi aux dirigeants de l’un et l’autre de prendre des décisions désagréables qu’ils justifieront par la protection qu’ils offrent aux populations. A l’Ouest, par exemple, on sera agacé par un pouvoir d’achat qui régresse, des retraites qui stagnent, des libertés rognées, mais c’est moins grave somme toute qu’une bombe atomique sur la tête. Avec en prime, pour les plus belles âmes, la satisfaction de défendre la liberté et la démocratie, les valeurs. Ainsi la révolution mondialiste en marche, qui progresse grâce à des peurs successives, peur que le climat ne tombe sur la tête de l’humanité, peur du Covid, a-t-elle choisi, pour changer, la peur de la guerre en Ukraine. Le moteur de l’ingénierie sociale était depuis quarante ans la crainte de catastrophes mythiques choisies pour substituts à la guerre, il est aujourd’hui redevenu, l’espace d’un moment, la peur de la guerre elle-même.

 

Un objectif : la propagande

D’une guerre largement mythisée, pédagogique, utile. Il ne s’agit pas de dire que la guerre n’est pas une vraie guerre. C’est une vraie guerre, avec de vrais bombardements, de vrais crimes, de vrais morts, de vrais blessés, de vrais combattants mus par les vrais intérêts décrits plus haut, soumis aux propagandes qu’on en tire. Mais c’est aussi une guerre modérée, régulée, limitée pour servir de spectacle et d’enseignement. Il n’échappe à personne, par exemple, que si le drapeau russe est exclu des Jeux Olympiques, la Russie continue de collaborer à toutes sortes de chose, la coopération spatiale, l’agence internationale de l’Energie atomique, comme vient de le rappeler Poutine, etc… Et n’oublions pas que l’armée russe est arrivée tout près de Kiev en mars 2022 sans prendre la ville. Bizarre, quand on sait tout le soin que le Kremlin met à choyer ses militaires, et tout le parti qu’il en a tiré en Syrie, dans une guerre lointaine et difficile.

 

Poutine utilise la guerre pour se rapprocher des BRICS

Sans doute, à la surprise générale, les troupes ukrainiennes ont-elles fait une belle défense, mais on n’a pas gardé l’impression que les Russes mettaient tout le paquet dans l’affaire pour emporter un objectif vital. Sans doute est-il important pour eux d’empêcher l’OTAN de s’installer à leur porte et à l’Occident de maîtriser toutes les richesses de l’Ukraine, sans doute entendent-il à la fois garder la Crimée et maintenir leur tutelle sur les Russophones de l’Est de l’Ukraine, mais la destruction du « régime nazi » de Kiev semble plus un thème de propagande (externe et interne) plus qu’un objectif militaire et politique réel. Une guerre qui dure, pour une paix de compromis, convient à Poutine. Elle lui permet à la fois une diplomatie recentrée sur les Brics, la Chine, l’Inde, les pays émergents ou sous-développés, et l’exploitation de sa nouvelle frontière : les mers du nord de la Russie, que le réchauffement, tant qu’il dure, libère des glaces quelques mois de l’année.

 

Macron veut le transfert des richesses au Sud global

Quant à l’Europe, et singulièrement à la France, en pointe sur la question, elle va profiter de la guerre pour se mettre en économie de guerre. En août 2022, après le Covid et le début de la guerre en Ukraine, Macron nous avait déjà prévenu : « Nous vivons la fin de l’abondance. » Le délirant confinement et son subséquent quoi qu’il en coûte y avaient largement contribué, mais la chose n’était pas neuve. La redistribution des richesses entre pays riches et pauvres par le biais des politiques environnementales, comparées par la patronne de la convention climat Christiana Figueres à une « révolution industrielle » avait pour but explicite d’appauvrir le Nord et de le soumettre à la révolution mondialiste. La guerre d’Ukraine permet d’accentuer cette transformation des économies et cet exercice d’ingénierie sociale.

 

« L’économie de guerre, c’est le passage de l’abondance à la pénurie »

Cela transparaît dans les émissions consacrées à l’économie, par exemple, les Informés de l’Eco, qui jouit d’une notoriété certaine sur France Info. Le deux mars, sur le thème Paix en Europe : à quel prix, à quel coût, Jean-Rémi Baudot et Emmanuel Cugny recevaient Nathalie Chusseau, professeur d’économie à l’université de Lille et Xavier Timbeau, directeur général de l’OCDE. Ces deux personnalités éminentes tombaient d’accord pour affirmer qu’il était nécessaire de nous « réorganiser » au sein de l’OTAN, et que, si l’on voulait mieux qu’une défense nationale « bonsaï », il fallait utiliser la « totalité des ressources économiques » au profit de notre « effort de guerre ». Tout, cela signifie « les matières premières, l’industrie, l’agriculture, la fiscalité, l’épargne, l’investissement ». Le tout « administré par l’Etat », sur le modèle de la Russie qui a déjà procédé à des « investissements massifs ». Sans exclure, le cas échéant de « rationner les particuliers ». A cet égard, le mot de l’économiste socialiste Keynes, précurseur de Macron en la matière, fut cité : « L’économie de guerre, c’est le passage de l’abondance à la pénurie. »

 

L’économie de guerre soumet toujours plus la France à la révolution mondialiste

Voici donc un nouveau pas décidé sur la voie de l’appauvrissement du Nord et de l’Occident. Mais aussi, plus encore, sur la voie de son assujettissement. L’économie de guerre, à l’extérieur, c’est la dette. Depuis que Raymond Barre a quitté Matignon en mai 1981, la dette des administrations publiques a filé, atteignant en 2022, selon l’INSEE, 111,6 %, et 112,5 % en 2023. C’est-à-dire qu’elle atteint en période de paix le niveau qu’elle atteint normalement durant les guerres. La guerre en Ukraine et le passage à l’économie de guerre ne peut qu’aggraver la chose. Or, l’histoire l’enseigne, plus un pays s’endette, moins il maintient sa souveraineté, plus il est attentif aux sollicitations de ses alliés ou chefs de file et de ses banquiers. L’économie de guerre va donc soumettre encore plus la France aux volontés de la révolution mondialiste en cours, par le biais du FMI, de la Banque mondiale, des Etats-Unis, etc…

 

Le quoi qu’il en coûte et la trahison du peuple

A l’intérieur, l’économie de guerre, c’est le socialisme et la dictature de l’Etat. Selon le principe du quoi qu’il en coûte. Le raisonnement plus ou moins explicite est le suivant : si le covid ravage les populations, cela coûtera bien plus cher que nos décisions ; si l’Ukraine perd, cela coûtera bien plus cher que nos rationnements, notre endettement et nos commandes d’armes. Plus cher que la pression fiscale que nous sommes obligés d’augmenter. Plus cher que les emprunts que nous sommes forcés de lancer. Plus cher que la surveillance permanente, que le flicage de la société que nous sommes malheureusement obligés d’installer, sur le net, dans la rue, dans les entreprises, pour répondre aux menées des ennemis de la démocratie et de l’état de droit. Pendant la guerre, les murs ont des oreilles, et l’Etat a les coudées franches. Comme l’Etat s’est mis au service de la révolution mondialiste en trahissant le peuple français, la guerre en Ukraine est le dernier moyen en date, le plus prompt et le plus efficace, de faire avancer cette révolution.

 

Pauline Mille