Des professeurs d’université britanniques qui encouragent les étudiants à lire au-delà des listes de textes imposés se heurtent de plus en plus à la réticence de ces derniers. Pour les enseignants, la culture internet en est responsable car les élèves sont habitués à recevoir des arguments sous forme d’articles de 800 à 1.000 mots : ils seraient incapables d’en comprendre davantage.
« La manière de se concentrer des nouveaux élèves s’est construite d’une manière totalement différente de celle de leurs enseignants » déclare à Times Higher Education (THE) Tamson Pietsch, qui enseigne l’histoire à l’université de Sydney, qui ajoute : « Cela peut conduire à des incompréhensions et à un manque de capacités de part et d’autre. Les étudiants nouveaux absorbent rapidement l’information, comprennent le pouvoir de l’image et sont à l’aise pour aller dans différentes sources d’information. Ils ont peut-être moins l’habitude de se concentrer longtemps et de travailler sur les nuances d’un argument développé tout au long de nombreuses pages. »
Incapables de lire un livre en entier : les étudiants de l’an 2016, des illettrés ?
Pour Jenny Pickerill, professeur de géographie environnementale à Sheffield, « Les étudiants considèrent que les livres à lire entièrement ont « un langage ou des concepts trop difficiles »… Récemment, un étudiant m’a suggéré un livre de substitution, plus facile à lire, dans un module que j’enseigne. C’était un bon livre, mais pas assez académique et je ne sais toujours pas si c’est important, ou si je devrais conseiller des livres plus faciles à lire… Il y a actuellement une dichotomie entre le type de lecture que nous voudrions qu’ils aient et celle qu’ils se sentent capables ou désireux de lire. »
A l’université, les jeunes récusent les textes argumentés, faute de pouvoir les comprendre
Jo Brewis, professeur à l’université de Leicester affirme qu’elle aimerait voir les étudiants lire davantage car « cela les rendrait capables de développer des arguments approfondis dans les cours et les examens, et nous prouverait qu’ils ont pris en compte les débats et controverses et qu’ils sont parvenus à leurs conclusions sur cette base. » Mais elle évite de trop le leur demander par crainte de les décourager. Selon elle, la culture internet n’est d’ailleurs pas seule en cause ; il semble que les étudiants soient eux-mêmes laissés pour compte en raison des attentes dévaluées des professeurs eux-mêmes.
Du côté de Times Higher Education, on suggère que les professeurs de terminale proposent une liste de livres pour les bacheliers, à lire durant la saison estivale avant l’entrée à l’université, histoire de se former l’esprit à la lecture longue. Parmi les titres proposés, très politiquement corrects, figurait par exemple Capitalism Vs The Climate (Le capitalisme contre le climat). De quoi, effectivement, donner une folle envie de lire à des étudiants l’été sur la plage…