Deux exemples tous récents montrent comment un courant militant de l’Université française, à Lyon et à Grenoble, essaye d’imposer aux étudiants et aux professeurs l’écriture inclusive, malgré la Constitution. En suscitant le mécontentement des étudiants. Et en se faisant condamner par un tribunal administratif. Ce qui n’amène nullement les idéologues de la chose à résipiscence.
Partiel dingue à l’université de Lyon-2
Le premier incident a eu lieu à l’université de Lyon-2 mercredi. Le texte du sujet d’un partiel de droit pour les étudiants de licence était rédigé en écriture inclusive. Le sujet lui-même demandait aux candidats de disserter à partir d’une uchronie, l’histoire d’un couple de non-binaires allemands, Arti et Maki, mariés en 2018 vivant en France et ayant eu un enfant par insémination artificielle avec don d’ovocytes, les deux ressemblant « à des femmes » au moment de leur démarche et ayant effectué une double reconnaissance conjointe. Mais la vie est cruelle et ils/elles se sont fâchées, et l’une conteste le droit de filiation de l’autre, reconnu comme le père, au motif qu’il n’était pas un homme et ne peut donc se prévaloir de la présomption de paternité.
Une variété gratinée d’écriture inclusive
On vous passe quelques détails imaginés pour compliquer le cas, comme la présence au foyer d’un orphelin biélorusse adopté par l’un.e mais pas par l’autre. On se demande ce qui peut bien se passer dans la tête de l’enseignant qui propose un tel sujet, mais le clou est qu’il a choisi de s’exprimer en écriture « trans.inclusive » dont voici quelques extraits (ce n’est pas un canular hélas) : ce que le commun des mortels écrit « ils » est devenu « als » ; « tous » s’écrit « touz », « ce dernier » « caet dernier », « professionnels » « professionnaels ». Et cette phrase : « Lors de la naissance de l’enfant appelæ Pris [prononcer Prisse], Maki, qui avait accouché, a été reconnux à l’état civil… » ou « à la crèche, où Pris est inscritx, tout le monde traite Arti comme an parentx ».
Ce que tentent d’imposer des « Champollion à QI d’huîtres »
Un syndicat d’étudiants, l’Uni, s’est insurgé : « Ce sont des mots inventés qui ne veulent rien dire. (…) Comment voulez-vous que les étudiants soient concentrés sur le contenu et la problématique de droit posés par l’enseignant s’ils passent la moitié du temps à traduire ? » Et l’humoriste Gaspard Proust a écrit dans sa chronique du JDD que l’écriture inclusive « outre la laideur congénitale de ces hiéroglyphes pour Champollion à QI d’huître » est « une formidable machine à exclure ». Impavide, l’Université de Lyon-2 a répondu : « Dans l’enseignement général, les enseignants et enseignantes sont entièrement libres quant au sujet d’examens et à leur formulation ». L’université « n’exerce donc aucun contrôle sur les sujets, pas plus que sur le contenu pédagogique ». Plus, elle se félicite que l’exercice imposé permette de réfléchir aux normes linguistiques et à la manière dont elles façonnent les représentations sociales des liens d’alliance et de parenté.
A Grenoble, c’est une délibération de l’université qui fait scandale
Un pied de nez fort méprisant à l’opinion majoritaire et à la logique, qu’on retrouve non loin de là, dans l’université de Grenoble, s’adressant cette fois aux enseignants. Le conseil d’administration de l’université de Grenoble-Alpes avait rédigé une délibération en écriture inclusive. Un professeur agrégé d’anglais a contesté cette tentative d’imposer l’écriture inclusive au plus haut niveau, en se fondant sur une décision du Conseil constitutionnel de 2013 qui oblige les textes administratifs à la « clarté » et à « l’intelligibilité ».
Le Conseil constitutionnel entend imposer la clarté
Le tribunal administratif a examiné quelques extraits du texte incriminé fournis par le requérant. En voici un : « Lorsqu’un.e représentant.e des personnels perd la qualité au titre de laquelle il.elle a été élu.e ou lorsque son siège devient vacant, il.elle est remplacé.e, pour la durée du mandat restant à courir par le.a candidat.e de la même liste non élu.e venant immédiatement après le.a dernière.e candidat.e élu.e » (premier alinéa de l’article 7) ». En effet, cela ne transpire pas l’intelligibilité ni la clarté.
Le tribunal administratif casse la délibération de l’université
Il a estimé que « conformément au constat opéré par l’Académie française dans sa déclaration du 26 octobre 2017, l’usage d’un tel mode rédactionnel a pour effet de rendre la lecture de ces statuts malaisée alors même qu’aucune nécessité en rapport avec l’objet de ce texte, qui impose, au contraire, sa compréhensibilité immédiate, n’en justifie l’emploi ». Et conclu que le requérant était fondé à soutenir que ce type de rédaction portait atteinte à l’objectif constitutionnel de clarté et d’intelligibilité de la norme. Il a donc annulé la délibération du conseil d’administration de l’Université de Grenoble. C’est une première en la matière, peut-être un coup d’arrêt décisif aux tentatives de l’Université d’imposer l’écriture inclusive.