Il y a trop de chats dans le monde ! Sur 600 millions de félins domestiques, seuls 20 % ont le statut d’animaux de compagnie, les 80 % restants étant ensauvagés ou errants. Pour éviter d’euthanasier les chats en surnombre, certains chercheurs travaillent sur le développement de « vaccins » contraceptifs de longue durée, empêchant l’ovulation chez les femelles. Un tel projet s’annonce envisageable depuis qu’un dispositif efficace a été trouvé, un peu par hasard : un moyen qui rappelle furieusement le mode de fonctionnement des vaccins génomiques à ADN diffusés parmi la population humaine sous prétexte de pandémie covid. Sauf qu’ici, il ne s’agit pas de faire fabriquer une protéine spike, élément du virus à combattre, mais de favoriser une surproduction hormonale.
Tout a commencé avec une découverte réalisée dans le laboratoire du Dr David Pépin, professeur associé à la Harvard Medical School et biologiste moléculaire au Massachusetts General Hospital de Boston. Il étudiait avec ses collègues une hormone présente dans les follicules ovariens, la couche de cellules entourant l’ovule d’un mammifère et favorisant sa croissance. Pour en savoir plus sur la fonction de l’hormone, l’équipe de recherche a injecté à des souris femelles le gène qui la produit, leur donnant ainsi une dose supplémentaire de l’hormone naturelle.
« A notre grande surprise, cette hormone a essentiellement interrompu la majeure partie de l’activité ovarienne des rongeurs et les a rendus complètement stériles », a déclaré le Dr Pépin.
Les vaccins contraceptifs pour chat les incitent à fabriquer une hormone empêchant l’ovulation
L’idée d’utiliser la découverte pour développer un contraceptif est vite arrivée. Les chercheurs voulaient notamment savoir si le procédé pouvait fonctionner chez d’autres espèces. Ont-ils pensé à la contraception humaine ? L’histoire ne le dit pas ; de toute façon, il était certainement plus facile d’aller solliciter la Michelson Found Animals Foundation, une association à but non lucratif au service des animaux trouvés basée à Los Angeles, qui soutient le développement de contraceptifs non chirurgicaux pour les chats et les chiens.
Des chats servant à la recherche dans le zoo de Cincinnati ont ensuite servi de cobayes : neuf chattes, plus exactement, portant toutes des noms inspirés par d’anciennes « First Ladies » américaines. Michelle, Betty, Abigail, Nancy, Dolly, Barbara, Rosalyn, Jacque et Mary ont reçu des injections : six « actives », les trois autres des placebos pour créer un groupe témoin.
Rappelant le fonctionnement des vaccins covid à adénovirus (AstraZenaca et Janssen), les produits injectés étaient constitués d’un virus bénin couplé au gène de l’hormone ovarien étudié. Une fois le virus acheminé vers les cellules musculaires, qui ont une vie extrêmement longue, rappellent les chercheurs, « l’ADN flotte alors autour d’elles », comme l’explique Bill Swanson du zoo de Cincinnati. Et avec lui, les gènes.
Empêcher les chats sauvages de proliférer par une piqûre ADN
Selon le Dr Pépin, le génome des chats n’est pas modifié par l’ajout de ce gène. En revanche, celui-ci provoque l’expression d’une protéine : « Nous introduisons en fait le plan de fabrication d’une protéine, qui n’est pas incorporé dans l’ADN de l’animal », dit-il. Et le chat se met ainsi à fabriquer l’hormone qui, en surnombre, empêche le développement des follicules ovariens. Sans la maturation des cellules entourant l’ovule, les chattes « traitées » n’ovulent pas et ne peuvent donc être fécondées.
C’est en outre une technique de longue durée puisque les chercheurs, en contrôlant les niveaux d’hormones dans l’urine et les fèces des chattes trois fois par semaine pendant deux ans, ont constaté des niveaux élevés de l’hormone en question plus de deux ans après l’injection. Pour vérifier si ces niveaux élevés d’hormones empêchaient réellement la grossesse, les scientifiques ont fait venir deux chats mâles. Les trois chattes du groupe de contrôle sont toutes tombées enceintes, au contraire des chattes du groupe expérimental où l’on n’a enregistré aucune fécondation.
D’après le Dr Pierre Comizzoli, responsable du programme scientifique et biologiste de recherche au Smithsonian’s National Zoo and Conservation Biology Institute, qui n’a pas participé à la nouvelle étude, les résultats préliminaires sont positifs. Il évoque des effets secondaires « plus limités » que ceux des stérilisations chirurgicales.
Les vaccins contraceptifs pour chat seront testés pendant plusieurs années
Prometteur, n’est-ce pas ? Mais les chercheurs ont averti que les propriétaires de chats ne peuvent pas espérer avoir rapidement accès à cette « contraception non invasive », car il faudra plusieurs années avant que le produit n’obtienne les autorisations nécessaires. On ne rigole pas avec la sécurité… des animaux.
Les chats cobayes sont désormais proposés à l’adoption, à charge pour leur nouveau propriétaire de venir les présenter une fois l’an pour vérifier si la production d’hormones se poursuit.
Quant à nous, pauvres béotiens, il nous reste à nous demander comment il est possible que ces vaccins génomiques puissent agir aussi longtemps alors que les vaccins covid à ADN devaient avoir un fonctionnement « transitoire », foi d’animal !
Nous nous demanderons aussi si demain, la contraception génomique pour rongeurs et chats ne pourrait trouver le chemin des hommes, ou plutôt des femmes, transformées en usine à hormones. Quelque chose me dit qu’on trouverait encore moins d’effets secondaires chez elles que chez les chats du Dr Pépin.