« Vague de chaleur » en Antarctique « couverte de fleurs » – ou comment faire peur avec du très grand frais

Vague chaleur Antarctique fleurs
 

Le Washington Post publiait le 24 septembre un article propre à faire se pâmer d’aise un Antonio Guterres – le Secrétaire général de l’ONU qui nous explique que nous sommes entrés en « ébullition climatique ». Le titre annonçait : « Les scientifiques ont trouvé la vague de chaleur la plus importante jamais enregistrée. » L’introduction dudit papier avait de quoi donner des sueurs froides à ceux qui craignent de voir notre planète se transformer en boule de feu : « En mars 2022, les températures près de la côte orientale de l’Antarctique ont dépassé de 70 degrés Fahrenheit (39 degrés Celsius) la normale, ce qui en fait la vague de chaleur la plus intense jamais enregistrée sur Terre, selon une étude récente. A l’époque, les chercheurs sur place portaient des shorts et certains ont même enlevé leur chemise pour profiter de la chaleur (relative). Les scientifiques d’autres régions ont déclaré qu’un tel niveau de chaleur dans cette région du monde était impensable. » Dans le même temps, on nous apprend que l’Antarctique se couvre de fleurs…

Lisez le paragraphe précédent d’un œil un peu distrait, vous en sortirez avec l’impression qu’il faisait vraiment chaud ; pourquoi pas 39 °C ?

Il est vrai, souligne le site climaterealism.com, que le deuxième paragraphe de l’article donnait quelques précisions sur ces températures de mars 2022, mais en maintenant le ton de la catastrophe. Le Washington Post précisait qu’il s’agissait d’un mois d’automne austral sur la côte est de l’Antarctique, près du Dome C : le 18 mars, alors qu’il fait généralement -54 °C sous ces latitudes, on avait enregistré du… -10 °C.

 

Une « vague de chaleur »… à -10° !

Il paraît que c’est plus « chaud » même qu’en été dans ces contrées… mais parler de « vague de chaleur » est malhonnête. Si des scientifiques sur place se sont promenés en short et torse nu, cela montre seulement qu’ils sont endurcis au froid. D’ailleurs, l’auteur de l’article, Kasha Patel, n’a pas hésité à utiliser les degrés Celsius, alors que ses lecteurs Américains, dans leur immense majorité, sont habitués au Fahrenheit, et qu’ils auraient immédiatement compris en lisant « 14 °F » qu’il gelait franchement. Sans fonte des glaces, donc !

Pour ce qui est de la « vague de chaleur » telle que définie par l’American Meteorological Society, les termes ont été utilisés de manière totalement impropre : pour mériter ce titre, il faut une période de « temps anormalement chaud » (« hot », c’est plus chaud que « warm ») qui dure « au moins deux jours », et pendant laquelle les températures nocturnes ne tombent pas plus bas que 26,6 °C, et les températures diurnes restent au-dessus de 40 °C.

Pour l’Organisation météorologique mondiale, OMM, la vague de chaleur est avérée lorsque la température maximale du jour dépasse la température maximale normale de 5 °C pendant au moins cinq jours consécutifs. Ce qui n’est pas le cas : le papier scientifique cité par le Washington Post note que la remontée inhabituelle de température a duré quatre jours. Pas de « vague de chaleur », donc, même en termes relatifs.

 

L’Antarctique « couverte de fleurs » ? Pas vraiment…

La journaliste a cependant honnêtement rendu compte du fait que, selon l’équipe scientifique, le réchauffement de l’atmosphère n’a joué qu’un tout petit rôle dans la variation inhabituelle pour l’Antarctique. Le recours à différents modèles informatiques les a conduits à affirmer que « le changement climatique n’avait augmenté la vague de chaleur que de 2 °C » (pour une variation totale de 39°). Bref, même du point de vue des alarmistes, pas de quoi fouetter un chat.

Mais on comprend bien que c’est le langage employé et l’utilisation habile du titre et des premières lignes de l’article qui laissent une impression contraire sur le lecteur moyen qui ne s’aventure pas souvent au-delà.

Un autre exemple du procédé se trouvait ces derniers jours dans le Huffington Post francophone qui proposait une courte vidéo d’Emilie Rappeneau sous le titre : « L’Antarctique se couvre de fleurs et c’est une très mauvaise nouvelle. »

Elle commence par noter que les images qui circulent à ce sujet sur les réseaux sociaux montrent en réalité le Groënland. Mis en confiance par ce souci de précision, il n’en croit que davantage la journaliste qui annonce : « Par contre, l’info est vraie. » Elle signale que deux plantes antarctiques, la canche et la sagine, ont « explosé » : en clair, l’expansion de la première est passée de 21 % par décennie à 28 %, ce qui est tout sauf une explosion puisqu’elle se contente de progresser un peu plus vite. La sagine antarctique, elle, a progressé de 154 % en 10 ans contre 7 % de croissance au cours de la décennie précédente. C’est nettement plus, sans être explosif, mais de là à prétendre que « l’Antarctique se couvre de fleurs » il y a tout de même de la marge, puisque l’essentiel du continent est couvert de neige et de glace.

 

La « chaleur » Antarctique illustrée par un paysage arboré

Emilie Rappeneau explique le fait par la « vague de chaleur » de mars 2022, et si elle note bien qu’il faisait « un petit -10 °C », elle illustre son propos d’images vraisemblablement tirées d’une banque de vidéos gratuites, tournées on ne sait où, mais certainement pas en Antarctique.

 

Vague chaleur Antarctique fleurs 2
 

Puis elle explique que les fleurs prolifèrent parce que les otaries à fourrure trouvent moins de crevettes krill pour se nourrir, ce qui serait dû au changement climatique, et peinent à se reproduire : les plantes se font donc moins écraser par les dites otaries.

Bizarrement, elle ne note pas que selon des études citées par The Guardian, l’augmentation semble due principalement à une germination plus fréquente de ces plantes, et ne précise pas qu’on ne sait pas vraiment pourquoi la population des otaries diminue dans la région.

Elle affirme que tout cela est grave : « Un Antarctique fleuri, c’est un Antarctique qui est profondément bouleversé par le changement climatique avec des espèces qui sont là où elles ne devraient pas du tout être. Par exemple, imaginez un ours polaire en Bretagne, ça fait peut-être une photo sympa pour Instagram, mais ça veut dire qu’il y a un gros problème. »

Sans doute, pour ce qui est de la Bretagne et de l’ours polaire. Mais pour l’Antarctique, les plantes fleuries qu’elle évoque sont tout à fait normales, ce sont les deux espèces locales qui fleurissent, et s’il y en a davantage, c’est parce qu’elles se reproduisent et survivent mieux dans l’environnement qui est le leur.

 

Jeanne Smits