Le Vatican annonce un « accord provisoire » avec le régime communiste chinois, censé mettre un terme au schisme entre l’Eglise catholique des catacombes fidèle à Rome et l’Eglise « patriotique » soumise au parti. Cet accord implique que le Vatican reconnaisse la validité de la nomination des évêques déjà nommés par Pékin et remette de fait à la Chine le contrôle de la nomination des évêques de la future Eglise réunifiée. En contrepartie, il assure au pape la reconnaissance symbolique par les communistes du statut de chef des catholiques chinois. Elément d’un « accord général » piloté par le secrétaire d’Etat Mgr Pietro Parolin, le pape François a décidé « de réadmettre en pleine communion ecclésiale les évêques “officiels” ordonnés sans mandat pontifical », a fait savoir le Vatican. Dès l’annonce, le cardinal Joseph Zen, 86 ans, ancien archevêque de Hong Kong, a publié une déclaration stigmatisant « une reddition sans conditions ».
Joseph Zen : « Une reddition sans conditions qui précipite le troupeau dans la gueule du loup »
Le cardinal Joseph Zen avait auparavant déjà mis en garde contre cette « reddition sans conditions » qui « précipiterait le troupeau dans la gueule du loup ». Il mettait gravement en cause le Secrétaire d’Etat du pape François, le cardinal Pietro Paolin. Ce dernier a répondu qu’il « ne fallait pas être radical dans sa condamnation et son rejet ». Le Vatican proposait à l’origine que la Chine accepte les termes de l’accord qu’il avait conclu sur la nomination des évêques avec le gouvernement communiste du Vietnam. Cet accord stipule que l’Eglise et Hanoï collaborent pour établir une liste de candidats sur laquelle le Vatican choisit un nom que Hanoï doit ensuite ratifier. Ce modèle préservait clairement l’autorité pontificale tout en ménageant celle du régime. Pékin l’a trouvé insuffisant.
Pékin proposera un nom. Reviendra au pape à approuver ou rejeter l’homme sélectionné par le régime. Si le Vatican oppose un veto, Pékin en proposera un autre, mais le droit de veto du pape sera limité. « Nous devons pouvoir nommer un évêque non approuvé par le pape après un certain nombre de propositions », explique un cadre chinois. En d’autres termes, le pape pourra bloquer une ou deux propositions, mais Pékin limitera le nombre de vetos. L’accord impose aussi au Vatican un délai pour répondre. Toutes ces conditions signifient que ce seront les autorités communistes, et non le pape, qui décideront.
Le pape François a réadmis neuf évêques nommés par le régime
Il y a pire encore. Le Vatican a fait savoir que le pape François avait réadmis dans la pleine communion ecclésiale neuf évêques gouvernementaux dans l’espoir « qu’avec ces décisions, puisse s’engager un processus qui permettra de dépasser les blessures du passé, menant à une pleine unité tous les catholiques chinois ». Steven W. Mosher sur Onepeterfive.com, relève qu’au moins sept d’entre eux avaient été rejetés par le Vatican pour diverses raisons ayant trait à leur moralité personnelle, à leurs actions publiques ou aux deux. Pour couronner le tout, l’administration de François a promis que le pape lèverait l’excommunication de ces « évêques » illicites avant même que le nouvel accord ne soit signé.
Par ailleurs, le pape ordonnera à deux évêques de l’Eglise des catacombes qui ont servi fidèlement malgré les persécutions, de transmettre leur charge à des évêques nommés par les communistes. Zhuang Jianjian, évêque de Shantou dans la province du Guandong, vient ainsi de recevoir l’ordre de prendre sa retraite, causant une très vive émotion dans l’Eglise fidèle à Rome. Le destin de la quarantaine d’autres évêques des catacombes reste inconnu, même si le Global Times, journal du régime, annonce que les autorités communistes pourraient en reconnaître un, Wei Jingyi, évêque de Qiqihar.
Pour Steven W. Mosher, « l’idée de la loyauté des dirigeants chinois paraît singulièrement naïve si l’on considère les nombreux accords que la Chine a jusqu’ici signés – toujours en les violant ». Cet irénisme paraît d’autant plus coupable que le régime communiste a lancé une politique de répression massive de toutes les religions. Une nouvelle salve de lois restreignant les activités religieuses a été promulguée le 1er février.
L’accord Vatican-Chine, dont les détails restent secrets, non-contraignant pour la Chine
On ne pourra enfin que déplorer que l’accord Vatican-Chine annoncé semble délibérément conçu pour ne pas être contraignant (pour la partie chinoise), les détails de ses termes restant secrets pour le monde en général et pour les catholiques chinois en particulier. Comment oser parler d’accord « équilibré » si les détails ne sont connus que d’une poignée de dignitaires romains ? Nonobstant, ce haut gradé de la Curie persistait à énoncer : « Puisque nous allons signer avec Xi Jinping en personne, pourquoi ne l’appliqueraient-ils pas ? » Parce qu’ils n’ont pas appliqué le traité de non-prolifération nucléaire, l’accord sino-britannique sur Hong Kong ou les conventions de l’OMC ! Au demeurant, le président chinois Xi Jinping, héraut autoproclamé de l’abaissement des frontières (celles des autres), a clairement déclaré qu’il ne tolèrerait pas « d’interférence étrangère dans les affaires internes de la Chine ».
L’Etat-parti chinois prendra prétexte du nouvel accord pour exiger que chacun des 12 millions de catholiques chinois prie dans les églises du régime. Il se servira de l’autorité qui lui aura été déléguée par le pape François pour continuer à persécuter et fermer celles menées par des évêques loyaux à Rome. L’affirmation du Vatican selon laquelle « l’espoir partagé est que l’accord favorise un processus fructueux (…) pour le bien commun du peuple chinois » relève d’un sabir iréniste dont François est coutumier.
Pour le cardinal Zen, les conséquences de l’accord seront « tragiques »
Pour le cardinal Zen, « Les conséquences de cet accord seront tragiques et durables, non seulement pour l’Eglise en Chine mais aussi pour l’ensemble de l’Eglise car il affaiblira sa crédibilité ». Joseph Zen estime qu’une moitié de l’Eglise des catacombes est susceptible d’accepter l’accord, mais il a exprimé son inquiétude de voir nombre de catholiques de l’Eglise des catacombes rejeter le traité et « commettre des actes irrationnels, jusqu’à la rébellion ». Ouvrant la voie à une répression violente de la part du régime totalitaire. Joseph Zen a mis en cause les convictions profondes du principal artisan de l’accord, le cardinal Pietro Parolin : « Je ne crois pas qu’il ait la foi. C’est juste un bon diplomate, dans le sens le plus séculier et le plus mondain. » Parolin a été nommé par François en 2013.