Vidéo du viol filmé à Toulouse : les limites de la télé-réalité

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Samedi soir sur le parking d’une discothèque de la banlieue de Toulouse a eu lieu le viol d’une jeune fille. Il a été filmé et la vidéo postée sur les réseaux sociaux. Les limites du grand remplacement des mœurs sont indéfiniment repoussées, dans une gigantesque expérience de télé-réalité.
 
Ils étaient quatre jeunes gens occupés au viol d’une femme jeune en robe noire, devant une boîte de nuit à Balma dans la banlieue sud-est de Toulouse, le Carpe Diem. Il existe dit-on plusieurs vidéos de la scène. J’en ai vu une. La jeune femme titube, on ne sait si elle est saoule ou droguée, les quatre sont platement ignobles, solidairement bêtes dans l’entraînement mutuel au mal. Ils la tiennent par les cheveux et n’ont pas besoin de la frapper. On ne voit pas de sexe masculin mais l’image est pornographique, sale, vile, humiliante.
 

La gendarmerie bloque la vidéo du viol

 
Des vidéos ont été envoyées sur Snapchat, Twitter et Youtube. Elles ont été signalées au Pharos (Plateforme d’Harmonisation, d’Analyse, de Recoupement et d’Orientation des Signalement), organisme de la gendarmerie chargé de la police du Web. Depuis, elles ont été bloquées. Grâce à elles une enquête a été lancée, la victime identifiée (elle a dix-neuf ans et va être auditionnée). Les enquêteurs recherchent les quatre violeurs, celui ou ceux qui ont filmé, et des témoins passifs.
 
Car le son est aussi important que l’image, à la limite plus. On entend une voix masculine dire, avec un rien de reproche, et comme la constatation d’une évidence : « Arrête-toi, c’est un viol ». D’autres disent, c’est plus classique : « Elle veut ». Un autre « Laissez-moi seul avec elle, il faut que je régale son… ». Et enfin, une voix plus grave, plus posée, presque professorale : « Oh, les gars, les gars, chacun son tour. »
 

La réalité d’un petit viol entre amis à Toulouse

 
Que ce soit par peur, par absence d’à propos ou par indifférence, nul ne vient au secours de la victime. Le ton général est celui de la rigolade, pas particulièrement violent ni aviné. Tout cela est naturel. Celui qui filme n’exprime ni ne suggère aucune réprobation. Il montre du c… Tout le monde est content. Les vidéos seront diffusées sans complexe sur les réseaux sociaux.
 
La presse nationale, reprenant le mot d’un policier, dit de la vidéo filmée, « C’était l’horreur ». Ainsi justifie-t-on la décision de bloquer la chose sur Internet prise par Pharos. Il faut s’entendre. Oui, bien sûr, ce que montre la vidéo est horrible. Mais, en termes de contrainte, de violences, de durée, c’est sans comparaison avec les innombrables tournantes de banlieue, avec coups, séquestration et échanges entre bande. Ici l’horreur naît du caractère anodin de la chose. C’est un petit viol entre amis à la sortie de la boîte. Un after un peu pimenté. Y en a qui ont un peu exagéré, mais on a bien ri. Fait significatif, la victime s’est plainte en rentrant d’avoir été violée mais personne ne l’a crue. Elle ne se souvenait peut-être pas de tout. C’est juste un samedi soir sur la terre.
 

Grâce à la vidéo, police et justice vont faire leur travail

 
Heureusement qu’il y a eu la vidéo. Comme ça il y a pièce et conviction et enquête. Sinon cela passait par pertes et profits. Evidemment, on se posera des questions sur les raisons de diffuser le film sur les réseaux sociaux. Voyeurisme, exhibitionnisme. On s’en posera d’autres sur les témoins, sur l’homme qui a filmé. Sur la victime : comment une fille peut-elle sortir seule et saoule d’une boîte accompagnée de quatre canailles ? Et bien sûr sur les violeurs. C’est le boulot des flics et des juges.
 
A ce stade, il me paraît plus fécond de s’interroger sur la société qui produit de tels faits divers. Ses médias, son école, ses familles. Sur l’état d’esprit qui permet un viol si convivial.
 

Pas de limite à la télé-réalité : on peut tout filmer

 
Voilà vingt ans maintenant, le public s’était beaucoup indigné que les voyageurs d’une rame de RER n’ait pas réagi au viol d’une jeune fille par plusieurs loubards. La chose était neuve, le motif du silence très clair : les témoins étaient surpris, horrifiés, ils auraient bien porté secours à la victime, mais ils avaient peur de prendre un mauvais coup. Le mot de lâcheté fut employé, sans beaucoup de compassion : que celui qui n’a jamais eu peur leur jette la première pierre.
 
Ici, on ne ressent rien de tel. Il y a comme un consensus général, une molle complaisance. Même la victime, certes brutalisée et forcée, ne s’indigne pas, ne rue pas, ne hurle pas. On a l’impression d’une petite foule qui donne un spectacle et le regarde en même temps. On a vu à la télé, on a vu des vidéos pornos, et l’on reproduit. On est dans une expérience de télé-réalité. Il est normal que quelqu’un filme. Il n’a aucun problème moral à se poser, savoir s’il ne devrait pas interrompre la scène. C’est obligatoire qu’il filme. On a des portables pour ça.
 

Filme tes points noirs, vidéo des frites, selfie d’un viol

 
Tout est objet de film. Les vacances au Sénégal. Le voisin qui glisse dans l’escalier. Momo qui mange ses frites. Le viol de la fille, là, dis-moi, elle a sacrément picolé. On se fait des selfies en train de presser ses points noirs, pourquoi pas un viol ? Tout est spectacle. C’est un jeu vidéo. Un jeu de rôle. Je suis le violeur, tu es le voyeur. On se remplacera pour la deuxième manche. C’est marrant la télé-réalité, on vit dans la vraie vie ce qu’on a vu au porno. On se mélange un peu le virtuel et le réel, c’est bon, c’est juste samedi soir. Demain on aura un peu la gueule de bois, c’est tout. Il faut pas non plus qu’elle en fasse toute une histoire. Si c’était pas une salope elle serait pas venue nous voir. Momo, tu filmes. Tout est montrable. Pas de censure. La censure est anti-démocratique. On est en république.
 

Seule limite à la diffusion de la vidéo : l’origine des violeurs

 
Voilà. On s’est bien amusé. Reste à savoir, dans le flot de violence et d’images qui irrigue le cloaque des réseaux sociaux et de la télé, pourquoi le PHAROS a décidé de bloquer cette vidéo. C’est contraire au dogme permissif et pornocratique. Sans doute est-ce à cause de l’origine des violeurs. Ce n’étaient pas des Français de souche. Montrer des jeunes issus de l’immigration en train de violer une femme serait donner raison à Jean-Marie Le Pen, que l’on traine en chaise roulante devant les tribunaux pour avoir dit que 90 % des faits divers sont liés à l’immigration. Cela justifie la censure.
 

Pauline Mille