Nicolas Hulot est à l’image de son maître Macron : emphatique. « Nous annonçons la fin de la vente des voitures à essence et diesel d’ici 2040 », a-t-il péroré le 6 juillet lors de la présentation de son « Plan climat », évoquant une « véritable révolution » et « un agenda de santé publique ». Outre que M. Hulot, âgé de 85 ans en 2040, sera alors probablement incapable de rendre compte de son annonce, et donc des problèmes résolus ou encore à résoudre, ce fantasme de la voiture électrique pose de graves questions de fond.
Electrique ou pas, il faut 400 automobiles pour transporter autant de personnes que dans un train
La première est bien sûr celle du principe du transport individuel motorisé. A essence, au gazole, au GPL, au gazogène, à l’électricité, il faudra toujours 400 automobiles pour transporter l’équivalent de 10 autocars ou d’un seul train régional. A 1,3 personne par véhicule au mieux, l’automobile est de très loin le moins capacitaire des moyens de transports, avec un impact considérable sur l’engorgement des réseaux. Electrique ou pas, le transport individuel motorisé restera aussi le moyen de transport le plus dangereux : chaque année dans le monde 1,25 million de personnes perdent la vie dans un accident de la route et 50 millions sont blessées. En France, 3.477 morts en 2016, 27.187 personnes hospitalisées, des dizaines de milliers de vies marquées au fer du deuil ou du handicap et un coût social gigantesque de l’ordre de 10 milliards d’euros par an pour les seuls accidents corporels compte non tenu de l’impact sur la productivité. La question du mode de transport est donc primordiale. Métro, tramway, train, trolleybus : le transport à propulsion électrique existe depuis 1881.
Le prix catalogue de la petite Zoé électrique est aussi élevé que celui de la grosse berline Talisman
Deuxième point, l’autonomie et le prix. Si Renault a augmenté l’autonomie de sa petite Zoé de 240 à 400 kilomètres, son prix catalogue atteint 25.120 euros, réduit à 11.720 euros grâce… à une remise de 53,29 % permise par des aides publiques. M. Hulot a proposé une nouvelle prime pour aider « les ménages modestes ». A ce jour, le prix catalogue de la Zoé est aussi élevé que celui de la grosse Berline Talisman Diesel. D’ores et déjà, les industriels français en appellent à l’Etat pour multiplier les prises de recharge. Au Comité des constructeurs (CCFA), François Roudier estime que l’électrique à 20.000 euros, « on y arrive, mais c’est un sacré challenge technique ». Pour les constructeurs, si la transition « ne réussit pas, ça ne sera pas un problème technique chez nous, mais un problème dans le soutien à l’infrastructure ». Il convient aussi d’obtenir un temps de rechargement qui ne péjore pas le temps de parcours et ne sature par les stations-service.
Aujourd’hui en France les véhicules électriques ou hybrides représentent moins de 5 % du parc (1,2 % d’électriques purs). Les flottes d’entreprises et de collectivités en forment une grande partie : les parcours répétitifs sont pain bénit. Rien de nouveau sous le soleil : les entreprises (stockage, gares…) utilisent des tracteurs électriques depuis un siècle. La première voiture électrique à franchir les 100 km/h fut la « Jamais contente », le… 29 avril 1899. La voiture électrique relève, derrière l’affichage écolo-climatique et hygiéniste (mais 20 % des particules fines émises provient des pneus !), d’une pure volonté de relance économique.
La réduction du CO2 émis sur le cycle de vie est loin d’être résolue, explique Aubain Verlé
Troisième question : les aléas techniques. D’ici à 25 ans, le moteur thermique n’aura rien à voir avec ce qu’il est : on évoque 2 litres/100 km. Or à ce niveau, la voiture électrique est susceptible de produire autant de CO2 surtout si l’électricité qu’elle consomme provient d’énergie carbonée. Pour Aubain Verlé, de l’Université catholique de Louvain (UCL) « dans un pays où l’électricité est produite avec du charbon ou du gaz, il est préférable de rouler avec un véhicule essence ou diesel » et la voiture électrique « serait une catastrophe en Chine. » Sa construction émet plus de CO2 que celle d’un véhicule thermique en raison de l’énergie exigée par l’extraction des composants de batteries qu’il faut aussi transporter, et recycler. « Un moteur électrique contient du néodyme, terre rare dont l’extraction est polluante », explique aussi Aubain Verlé. Les batteries, utilisant des molécules de lithium, les plus légères, demeurent pesantes et donc leur transport énergivore, lentes à recharger et explosives si rechargées trop rapidement. Même dans le cas de l’Europe ou du Québec, où l’électricité est d’origine marginalement thermique, l’émission de CO2 sur le cycle de vie d’un véhicule électrique n’est qu’inférieure de 26 à 30 % par rapport à l’essence, de 17 à 21 % sur le diesel. Quant à la France, M. Hulot veut réduire la part du nucléaire à 50 %, soit 17 réacteurs en moins. Au profit de quoi ?
Parmi les problèmes à résoudre, le coût pharamineux des centrales électriques à construire
Notons encore le problème de la construction de nouvelles turbines pour produire l’électricité supplémentaire exigée par une conversion du parc automobile : de l’ordre de 16 % au Royaume-Uni, soit 10.000 éoliennes terrestres ou 5.000 en mer, un doublement du nombre existant et 2,3 milliards d’euros de subventions publiques. Plus encore en France si l’on ampute le nucléaire. Sans compter le blocage, par cette conversion décrétée d’en haut, de recherches d’autres solutions techniques, ou d’investissement dans d’autres moyens de transport structurellement plus économiques.
« Nous devrions probablement laisser le marché trancher le problème », explique Matt Ridley dans le Times, à l’opposé du dirigisme de M. Hulot, car « le grand mérite de l’entreprise privée est de réduire le coût de l’apprentissage en limitant le risque encouru : si une société parie et échoue, le coût est limité et la leçon est retenue par tous ». Alors que lorsque l’Etat s’en mêle avec l’argent du contribuable, tout le monde plonge.