Dans l’affaire des moteurs Diesel munis d’un logiciel minimisant les émissions de particules fines, VW paie 15 milliards de dollars aux États-Unis. Ce tribut ne met pas fin aux poursuites mais permet au constructeur allemand de faire ses preuve pour « retrouver la confiance des consommateurs ». Repentance et punition avant un nouveau départ mondial ?
La révélation par une ONG américaine que le géant VW (premier constructeur mondial d’automobiles, en pleine croissance) équipait certaines de ses voitures à moteurs Diesel d’un logiciel donnant de fausses mesures des émissions polluantes fut un scandale mondial en 2015. D’un jour à l’autre l’action VW plongeait en bourse (- 20 %) et la confiance dans la « deutsche qualität » de la marque aussi. Aux États-Unis, les particuliers, les États et l’État fédéral ont aussitôt lancé des procédures contre VW. Un premier accord d’indemnisation est en passe d’aboutir, pour un montant approximatif de quinze milliards de dollars. Le compromis trouvé ne met pas fin aux poursuites judiciaires contre VW aux États-Unis puisqu’il n’inclut pas le cas des cent mille véhicules de grosse cylindrée (trois litres) et qu’il ne règle pas le pénal.
VW espère n’avoir que 15 milliards de dollars à payer
En tout état de cause, il doit encore être validé par la justice américaine le 26 juillet. Et la facture finale sera sans doute plus salée, comme l’a laissé entendre Sally Yates, du Département de la justice des États-Unis : « Ce compromis partiel marque une importante première étape conduisant VW à rendre des comptes pour ce qui a été une violation de ses obligations légales et de la confiance du public. » Pour l’instant, VW garantit à chacun des 480.000 propriétaires lésés sur le sol des États-Unis de faire réparer ou remplacer leur véhicule à ses frais, plus une indemnisation en liquide pouvant atteindre 10.000 dollars par personne. Le montant total des indemnisations s’élèvera à dix milliards de dollars, à quoi s’ajoutent, 603 millions pour un accord complémentaire avec 44 États et le district de Columbia, 2,7 milliards versés à l’État fédéral pour « remédier intégralement » aux conséquences de l’émission de gaz polluants dans l’atmosphère des États-Unis, et deux milliards que VW s’est engagé à verser à un fonds de promotion des voitures « vertes ».
Ce projet de compromis appelle quelques commentaires et questions. D’abord, les États-Unis et leur gouvernement, qui évitent d’ordinaire de ratifier les protocoles internationaux en matière d’environnement, croient à la nocivité des gaz à effet de serre quand ça les arrange. Selon eux, les moteurs Diesel truqués de VW émettraient jusqu’à 40 fois plus de gaz polluants que ne les y autorisent les normes. Gina Mac Carthy, patronne de l’Agence fédérale de protection de l’environnement s’est réjouie lors d’une conférence de presse : « Le compromis annoncé aujourd’hui rétablit les protections pour un air propre que VW a violées de manière si flagrante ».
VW paie aux États-Unis et pas en Europe pour ses moteurs Diesel
La première question qui vient à l’esprit est : qui est gagnant dans l’affaire ? Une première réponse, évidente, est : les États-Unis, leurs consommateurs, leurs États, leur État fédéral. Et les concurrents de VW, dont le japonais Toyota, à qui il dispute la première place mondiale. Une deuxième question est : qui va payer ? VW, bien entendu. Mais il semble peu probable que les actionnaires, les patrons et les employés de l’entreprise tirent les 15 milliards de dollars (pour commencer) de leur seule poche. En d’autres termes, ce sont les consommateurs du monde entier qui vont payer pour la frénésie de normes et l’activisme judiciaire des États-Unis.
La troisième question a été posée par Monique Goyens, la présidente de l’Association des consommateurs européens. Elle trouve bizarre que VW « refuse de verser des indemnisations en Europe et qu’il soit prêt à payer aux États-Unis ». Il faut savoir en effet que VW a reconnu avoir truqué onze millions de ses moteurs Diesel, subit d’innombrables procès dans le monde mais n’a provisionné que 16 milliards d’euros pour y faire face, soit à peu près ce qu’il est prêt à payer aux États-Unis.
Les États-Unis ont les moyens de lever tribut
A la question de ce Saint Jean Bouche d’or en jupons, on peut répondre d’abord : parce que les États-Unis sont regardants, qu’ils ont une culture de ce type de procédures, et des armées de gens de robe habitués à les mener, on l’a vu par exemple dans le cas de BP, qui a versé vingt milliards de dollars pour la marée noire au large de la Floride en 2010. Ce type d’actions en justice n’est pas toujours infondé. Dans le cas de la marée noire, BP était bien le responsable et les côtes américaines avaient subi un préjudice, les États-Unis étaient donc fondés à agir. De même peut-on comprendre Toyota qui prévient les poursuites en rappelant aujourd’hui un million quatre cent mille voitures parce que certaines peuvent être équipés d’airbags défectueux. On sait que le quatre mai dernier quarante millions d’airbags ont étés retirés de la vente à la suite d’incidents et d’accidents ayant tout de même causé onze morts.
Le problème est l’abus de ces procédures. Dans le cas d’Ikéa, le marchand de meubles mondial, on peut se poser la question. Il vient de rappeler 36 millions de commodes, dont 29 aux États-Unis et 6,5 au Canada, de type Malm, parce qu’elles auraient causé la mort de six enfants depuis 2003. Il semble qu’elles ne soient pas parfaitement stables quand elles ne sont pas fixées au mur, et que certains parents négligent de le faire, ce qui aurait conduit à l’écrasement des enfants. La question peut être débattue. Mais, dans le cas de VW, il n’y a pas mort d’homme. Il y a tribut levé par les États-Unis, et par la haute finance américaine, sur un concurrent qui peut leur faire de l’ombre. Telle est la deuxième réponse que l’on peut faire à Monique Goyens : pourquoi VW paie-t-il aux États-Unis et pas en Europe ? Parce que la raison du plus fort est toujours la meilleure.
Une jurisprudence qui se compte en milliards de dollars
Une flopée d’exemples récents illustre ce racket permanent exercé par les États-Unis sur les Européens, ce tribut levé sur leurs vassaux. En mai 2015 un accord sur « les violations d’embargo », sanctionné par un tribunal de Manhattan, condamnait la BNP, coupable d’avoir fait affaire avec des ressortissants iraniens, soudanais et cubains, à verser 8,9 milliards de dollars aux États-Unis, à charge pour ceux-ci d’indemniser les personnes qui auraient « souffert » de ces régimes ! Ironie de l’histoire, moins d’un an après, le président Obama se rendait à Cuba et faisait sa paix avec l’Iran. En attendant, la BNP avait raqué, et ses dirigeants avaient manifesté le ferme propos de ne pas recommencer. C’est fondamental : ces sanctions financières ne se séparent pas d’un repentir public et d’un engagement. Les juges des États-Unis ne séparent pas le fric de la morale.
Le chantage est le moteur du tribut
De même la SNCF faisait-elle en décembre 2014 entre Paris et Washington portant sur l’indemnisation de quelques survivants de la Shoah ou leurs ayant-droit qui n’étaient pas inclus dans le système mis en place en 1946. Paris déboursait 60 millions de dollars, faute de quoi la SNCF n’aurait pas eu le droit de soumissionner pour des appels d’offre aux États-Unis. C’était un peu la répétition, en tout petit, de ce qui avait frappé les banques suisses en 1998 dans l’affaire dite des avoirs juifs. Des comptes étant restés en déshérence à l’Union des Banques suisses et au Crédit suisse, et certains ayant appartenu à des victimes de la Shoah, le Congrès juif mondial (CJM) avait demandé qu’eux-mêmes ou leurs ayant droit fussent indemnisés. En 1998, donc, un accord passé entre les banques suisses et les États-Unis selon le Figaro, ou le CJM, selon le Crif, soldait l’affaire pour un milliard deux cent quarante millions de dollars. Le juge Edward Korman était chargé de gérer ce fond, qu’il plaça en obligations d’État américaines. En 2013, selon le Crif, « 457.000 survivants (avaient) touché des fonds ». Le moyen du chantage exercé par les États-Unis sur les banques suisses, qui estimaient infondée la requête du CJM, était qu’en cas de refus, elles n’auraient pas l’agrément pour la place financière de New York. Elles s’inclinèrent et payèrent le tribut demandé.
VW a truqué ses moteurs Diesel, et alors ?
Pour finir de répondre à la question naïve de Monique Goyens, il faut noter que l’Union européenne, elle aussi habitée par le démon des normes et celui de l’action judiciaire, essaie de concurrencer les États-Unis, mais que le rapport des forces se lit dans le rapport des sanctions : Google a écopé d’une amende de… 200 millions d’euros pour un préjudice fiscal réel énorme ! Il n’y a qu’une patrie du mondialisme aujourd’hui, les États-Unis, donc qu’une personne morale habilitée à lever tribut. Bruxelles n’est qu’une préfecture de la gouvernance globale, New York – Washington en est la capitale.
On notera pour finir que la fiction environnementale à laquelle la justice américaine s’est ralliée est une catastrophe économique et médicale. Si l’on met de côté la question morale (VW a bien truqué ses moteurs Diesel, c’est un fait indéniable), le préjudice médical subi par les habitants et les consommateurs des États-Unis est presque nul. Pourtant, cette fiction a engendré des procédures juridiques contraignantes, des sanctions économiques fortes et réelles : ces quinze milliards de dollars (pour l’instant) vont disparaître, alors qu’ils auraient pu être affectés à des recherches ou des actions positives, dans n’importe quel domaine, y compris celui de la santé. C’est-à-dire que l’idéologie écologiste, qui a servi de prétexte et d’instrument au coup de force judiciaire des États-Unis, amène aussi une destruction de la valeur. L’écologisme n’est pas seulement un moyen de la tyrannie, il est en soi destructeur.