Xi Jinping veut « plus de Marx » dans les universités chinoises

Xi Jinping Marx universités chinoises
 
Faire des écoles, des collèges, des universités chinoises « des bastions de l’enseignement du Parti ». Voilà la dernière grande idée – mais non pas nouvelle – du président chinois Xi Jinping. Le travail idéologique doit être intégré dans l’ensemble du processus éducatif. Marx à tous les étages ! Exit les idées occidentales, germes de dissidence !
Pour autant, Xi ne renonce pas pour ses universités à un statut international – actuellement les meilleures des pays émergents. Un paradoxe ? Que nenni, le communisme moderne veut s’exporter et flirte fort bien avec le mondialisme.
 

Un congrès sur « le travail idéologique et politique »

 
Déjà, depuis quelques années, les media d’Etat déploraient que les étudiants aient perdu de l’intérêt pour l’idéologie officielle. Les jeunes chinois, pourtant, de l’école primaire à l’université, doivent suivre des cours de « politique » ou de « marxisme », donnant lieu à des examens. Manifestement, ce n’était pas suffisant. Comme les media, les écoles et les universités font partie de ces zones dont Xi craint de perdre le contrôle…
Il a donc donné un tour de vis à la Conférence nationale de travail idéologique et politique qui s’est tenue du 7 au 8 décembre à Pékin, en prononçant un discours important : « Comme l’enseignement supérieur est un facteur clé dans le potentiel de développement d’un pays, il est urgent pour la Chine d’améliorer sa qualité ».
« Améliorer » en langage marxiste ne signifie qu’une chose : réaffirmer la doctrine, ce « socialisme aux caractéristiques chinoises ». C’est « l’histoire unique de la Chine, sa culture et ses conditions nationales » qui en dictent le besoin. « Les institutions d’enseignement supérieur de la Chine sont sous la direction du PCC : l’enseignement supérieur doit être guidé par le marxisme et les politiques du parti en matière d’éducation doivent être pleinement appliquées ».
 

« Enseigner la théorie de Marx » Xi Jinping

 
C’est, selon les mots de Xi Jinping, « la responsabilité principale » de l’enseignement supérieur : cultiver des successeurs à la cause socialiste. Et pour cela, il doit obligatoirement, plus que jamais, « adhérer à une orientation politique correcte ». Les enseignants doivent être à la fois les « diffuseurs de l’idéologie et de la culture avancées » et de « fidèles partisans de la gouvernance par le Parti ».
En clair : de bons petits soldats obéissant à la logique coercitive communiste.
Faisant écho à un discours prononcé en 1932 par le petit père des peuples, Joseph Staline, le président chinois a déclaré à son auditoire que les enseignants étaient des « ingénieurs de l’âme humaine » dont la « mission sacrée » était d’aider les élèves à « améliorer leur qualité idéologique, leur conscience politique, leurs caractéristiques morales et leur qualité humaniste ».
Le travail est à réaliser sur les individus eux-mêmes. La théorie marxiste doit devenir « le fondement idéologique de leur vie ». Qu’ils aient une confiance sans faille dans « les grands idéaux communistes et le socialisme aux caractéristiques chinoises »…
 

« Ce que vous voyez est une réaffirmation du contrôle idéologique » Carl Minzner

 
Pour l’expert en droit chinois et en politique de l’Université Fordham à New York, Carl Minzner, c’est clair : « Ce que vous voyez est une réaffirmation du contrôle idéologique parce qu’ils estiment que les collèges et les écoles sont les foyers d’idées qui pourraient être problématiques : idées de constitutionnalisme, idées de libéralisme. Il s’agit d’un effort pour répondre à la question, « comment pouvons-nous contrôler plus étroitement tout ça ? » Et il semble que c’est très certainement ce qui va être mis en place à travers toutes les écoles de la Chine au cours des dix prochaines années. C’est capital ».
Depuis plusieurs années, déjà, l’enseignement subissait des pressions ciblées, voyant même des expulsions comme de celle de cet économiste libéral, franc critique du parti à l’Université de Pékin, en 2013. Quelques mois plus tard, des journalistes furent même envoyés dans les salles de cours pour dénoncer les universitaires qui ne soutenaient pas suffisamment le système politique du pays. Le ministre de l’Éducation avait annoncé en 2015 que les manuels scolaires faisant la promotion des « valeurs occidentales » seraient désormais bannis des universités.
L’enseignement supérieur avait été ainsi, en quelque sorte, préparé à cette nouvelle offensive idéologique. La suite, on la connaît, ils la connaissent : une autocensure croissante, un évitement systématique des sujets de recherche politiquement sensibles et une prolifération d’études universitaires dans les discours et les politiques de Xi, aux commandes de la Chine depuis novembre 2012.
 

Les universités chinoises montent dans les classements internationaux

 
Le paradoxe, c’est que l’ambition de Xi Jinping et du Parti n’est pas seulement nationale. Il veut aussi donner à ses universités une carrure d’institutions de classe mondiale et certaines de ses écoles de premier plan sont déjà assez bien notées à ce niveau. Le classement 2016 des meilleures universités des pays émergents établi par le Times Higher Education a consacré les « BRICS » (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), et en premier lieu la Chine qui occupe les deux premières places du podium. Elle continue également à développer des « écoles internationales » – 481 à ce jour, fournissant un programme partiellement ou totalement en anglais.
Joli paradoxe, comme le souligne Carl Minzner… Mais pas tant que ça, si l’on prend en compte les aspirations modernes du communisme d’aujourd’hui, d’une ouverture conquérante sur le monde et non plus fermé sur ses propres réalisations nationales.
Cela n’empêche pas le gouvernement de surveiller de très près, et de plus en plus, tous ses étudiants qui partent étudier à l’étranger. Un étudiant chinois étudiant à l’Université de Géorgie confiait : « Tout ce que nous disons en dehors du pays ou toute activité politique dans laquelle nous nous impliquons pourrait être utilisé comme preuve pour des accusations criminelles contre nous [à notre retour] ».
Restent les réseaux sociaux, véritable soupape de liberté d’une jeunesse enrôlée de force. Mais l’opinion publique y est également de plus en plus surveillée. Gageons que Xi nous réserve quelque botte secrète pour faire taire les dissidents des ondes…
 
Et le pape François ?! Aux dernières nouvelles, il voulait toujours faire affaire.
 

Clémentine Jallais