Alors que les présidents russe et chinois Vladimir Poutine et Xi Jinping venaient tout juste de poser avec le Premier ministre indien Narendra Modi, pour manifester la solidarité des BRICS face au bloc formé par les Etats-Unis et leurs alliés, Xi et Poutine ont assistée, en compagnie du Nord-Coréen Kim Jong-un, au défilé militaire organisé place Tien An Men à Pékin le trois septembre pour célébrer la victoire de la Chine sur le Japon il y a 80 ans. Et c’est là qu’un micro de la télévision chinoise resté ouvert a capté, et transmis en direct, des morceaux d’une conversation entre les deux hommes portant sur les biotechnologies permettant de « vivre jusqu’à 150 ans » et d’atteindre « l’immortalité ». Des propos surprenants, même chez des gérontocrates âgés tous deux de 72 ans : ils révèlent chez leurs auteurs une mentalité tournée vers la science-fiction, ou l’anticipation, et le transhumanisme.
Vivre « jusqu’à 150 ans pour » Xi, « l’éternité » pour Poutine
On peut entendre (en russe) le traducteur chinois de Xi dire : « Avant, les gens vivaient rarement jusqu’à 70 ans. Mais aujourd’hui, à 70 ans vous êtes encore un enfant. » A quoi Poutine répond, sous le regard amusé de Xi et Kim : « Avec le développement de la biotechnologie, les organes humains peuvent être transplantés en continu, et les gens peuvent vivre de plus en plus jeunes, et même atteindre l’immortalité. » Après quoi, Xi pour sa part a conclu : « Certains prédisent que pendant le siècle en cours, il pourrait être possible de vivre jusqu’à 150 ans. » Voilà qui annonce la couleur : les deux hommes n’ont pas l’intention de dételer dans les prochaines années. Et qui éclaire tous ceux, y compris Donald Trump, qui négocient avec eux : les gérontocrates ont le temps, ils peuvent jouer la montre tant qu’ils le veulent face aux hommes pressés. Mais le plus frappant est le naturel de cette conversation, comme s’il était entendu dans les sphères dirigeantes de l’Est marqué par le communisme ou toujours ouvertement communiste que la médecine et la science ont désormais changé la nature de l’homme, que l’avenir est au transhumanisme, et qu’il est déjà là.
Des gérontocrates totalitaires, à micro et à cœur ouverts ?
Etant données les habitudes des régimes totalitaires, on pouvait se demander si le micro « laissé ouvert » n’était pas un coup de propagande : Xi chercherait à détourner l’attention de l’Occident, par des controverses techniques, médicales et philosophiques sur les transplantations d’organe, le transhumanisme et « l’éternité », de réalités plus immédiates comme l’alliance russo-chinoise et l’armement fourni par Xi à Poutine. Cela reste possible. En tout cas, la conversation a bien eu lieu, Poutine l’a confirmé mercredi en conférence de presse : « Je crois que c’était en allant au défilé que le président a parlé de cela. Les moyens modernes, tant au niveau de l’amélioration de la santé que proprement médicaux, et même toutes sortes d’interventions chirurgicales liées au remplacement d’organes, permettent à l’humanité d’espérer qu’une vie active plus longue sera envisageable, bien différente de ce que l’on connaît aujourd’hui. » Cette confirmation pourrait faire partie d’une opération d’enfumage, ou bien être innocente.
Trafic d’organes aujourd’hui, demain transhumanisme ?
En tout cas, côté américain, on a réagi. Le président de la Chambre des représentants, Mike Johnson, a déclaré : « Je vous dirai que nous avons entendu des histoires horribles concernant ces transplantations d’organes et tout cela en Chine, où ils prélèvent les organes sur des donneurs non consentants… pour le dire gentiment. (…) On peut voir quelle est leur vision du monde, comparée à la nôtre. » Et Nina Shea, membre de la Commission américaine sur la liberté religieuse internationale, a expliqué au site epochtimes : « Cette conversation sans garde-fou entre ces deux tyrans confirme nos craintes de les voir créer une véritable dystopie digne d’un roman de science-fiction en prélevant de force les organes de ceux qu’ils considèrent comme leurs ennemis politiques. » Selon certains opposants chinois en effet, le PCC se livrerait à des prélèvements d’organes forcés sur ses opposants et des minorités opprimées. Le département d’Etat américain, le Parlement européen et le Haut-commissariat des Nations unies pour les droits de l’homme semblent donner quelque crédit à ces accusations, que le HCDH tient pour des « informations crédibles ». C’est pourquoi, malgré le côté cinéma fantastique de la chose, ne doit-on pas exclure la possibilité qu’une nomenklatura de gérontocrates tenterait follement de se prolonger jusqu’à « l’éternité » par tous les moyens techniques, aujourd’hui vols d’organes à transplanter, demain transhumanisme que l’attrait d’une fausse éternité rend malignement désirable. L’expérience de l’horreur recommande la prudence avant de hausser les épaules.