A l’heure où la maison individuelle reste le doux rêve de plus de 80 % des Français, rêve confirmé par l’expérience des confinements dus au COVID-19, il semble que le gouvernement, mais aussi l’Europe, mais encore l’ONU, aient décidé de lutter indirectement contre le type d’habitation le plus indépendant – et le plus apprécié. La politique zéro artificialisation nette des sols (ZAN), issue de la loi Climat et Résilience de 2021 pose en effet, d’ores et déjà, des difficultés aux promoteurs et aux communes tenus de répondre à une augmentation de la population citadine et à une diminution des terrains de construction possibles. La maison individuelle devrait, en toute logique, faire les premiers frais de cette transition écologique qui pourrait, sur le long terme, changer durablement et fondamentalement les conditions de vie des populations.
La sobriété, c’est aussi celle du foncier !
Une démarche environnementale et une réforme prioritaire
« Je suis très dubitatif sur ce texte », a encore martelé, en décembre, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez. Et pour cause. La loi Zéro Artificialisation Nette (dite ZAN) du 20 juillet 2023 et ses trois décrets en date du 27 novembre 2023, visent à lutter contre la perte des espaces naturels et la dégradation de la biodiversité due à l’urbanisation croissante, en imposant de rendre la terre… à la Terre.
Mais la population citadine concentrant la plus grosse partie de la hausse démographique, les communes ont besoin de proposer des logements supplémentaires. La Loi ZAN imposera donc de construire « la ville sur la ville » : tout ce qu’on ne pourra plus faire en horizontal sera réalisé en vertical, en densifiant les zones déjà urbanisées. La hauteur va s’imposer progressivement, comme on l’entendait à l’émission du « Grand rendez-vous de l’immobilier » sur Radio Immo.
Certes, les promoteurs n’ont pas attendu cette loi pour mener une saine politique de « recyclage » urbain qui utilise le terrain d’un garage désaffecté ou celui d’une friche industrielle… 87 % des projets immobiliers dans le logement collectif se font déjà sur des sols artificialisés. Mais la politique d’obligation imposée par le gouvernement va introduire une révision substantielle plus drastique des pratiques en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire.
ZAN : « éviter – réduire – compenser » et « rendre la densité désirable »
Qu’entend-on par artificialisation des sols ? C’est la transformation des espaces naturels, forestiers ou agricoles en zones urbaines, c’est à dire l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol. La ZAN se propose de limiter cet étalement urbain estimé à environ 25.000 hectares par an, pour préserver la biodiversité et les écosystèmes et diminuer les coûts socio-économiques. Ses objectifs : réduire de moitié la consommation des surfaces naturelles d’ici à 2031 et parvenir à une absence totale d’artificialisation nette des sols d’ici à 2050.
Pour atteindre ces buts, chaque nouvelle surface imperméabilisée devra être compensée par la « renaturation » de sols artificialisés, sur un périmètre équivalent. Et les communes et les établissements publics compétents devront établir un rapport tous les trois ans sur le rythme de cette artificialisation et le respect des objectifs. De la conquête des terres, on est passé au réensauvagement des parcelles : le mouvement s’est inversé.
Et la première victime de cette politique sera logiquement la maison individuelle qui consomme de l’espace pour accueillir un nombre limité de personnes. En France, 66 % des logements sont des maisons, une proportion parmi les plus élevées au sein de l’Union européenne. Entre 2006 et 2014, 46 % des 491.000 hectares de terres artificialisées ont accueilli des maisons individuelles avec jardin. Une centaine de m2, un parking et un peu d’herbe, tels en seraient les composantes de base selon les données de l’INSEE. Des aspirations déjà trop exigeantes qui risquent fort d’être mises à mal.
Car la Loi ZAN va nécessairement provoquer une hausse du prix des terrains et, par conséquent, une augmentation des coûts de construction qui avaient déjà flambé à cause de l’inflation. Et il va devenir de plus en plus complexe d’obtenir même un permis de construire, les municipalités devant être prudentes quant à leur octroi, préférant forcément réserver l’usage des terrains à des habitations collectives surélevées… ou à des pistes cyclables élargies qui compteraient dans le pourcentage d’artificialisation des sols !
Adieu, nouveaux propriétaires ? La société, dans sa composition, pourrait à terme s’en trouver durablement changée. Sans compter que la diversité architecturale et l’aménagement du territoire en seront nécessairement touchés à terme. Quant au secteur du bâtiment, d’ores et déjà en récession, comme l’a annoncé la Fédération française du bâtiment en décembre, il en sera aussi impacté.
Le non-sens écologique de la maison individuelle
Franck Boutté, ingénieur et grand prix de l’urbanisme 2022, l’a dit en décembre : « Notre travail dans les années à venir pour faire face aux effets du changement climatique va être de rendre la densité désirable. » Rien que d’y penser, on a déjà hâte…
Et on se souviendra des mots du ministre Emmanuelle Wargon, en octobre 2021 : « Nous devons désormais l’affirmer de façon claire : le modèle du pavillon avec jardin n’est pas soutenable et nous mène à une impasse (…). Les professionnels, comme le grand public, ont depuis longtemps fait le constat que ce modèle d’urbanisation, qui consacre chaque espace à une unique fonction et qui dépend de la voiture pour les relier, était largement dépassé et constituait aujourd’hui un non-sens écologique, économique et social. »
Nous reprochera-t-on de préférer l’espace au parcage ? La liberté à l’enfermement ? L’indépendance à la vie en quasi-communauté… ? Un mot vient bien à l’esprit : collectivisme. L’écologie, ou du moins promue comme telle, n’est qu’un aspect de l’enjeu global. Et l’Etat, qui sait apparemment mieux que ses ouailles ce qui est bon et juste pour elles, entend l’imposer. Les Français, eux, gardent leurs préférences et font fi des critiques. Jusqu’à ce que la réalité les rattrape ?