Les limites de l’accord avec les FARC en Colombie, sous les auspices du Vatican

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Le président colombien Juan Manuel Santos et le chef des FARC connu sous le nom de Timochenko, sous le regard du président cubain Raul Castro à la Havane lors de la signature de l’accord de paix historique le 23 juin 2016.

 
Après 50 ans de guérilla communiste, la Colombie dirigée par le président Santos, qui s’inspire du socialisme bolivarien, s’apprête à conclure un accord avec les forces révolutionnaires des FARC. C’est sous les auspices du Vatican, avec la bénédiction du pape François, que les négociations sont menées en présence de la secrétairerie d’Etat de la Communauté Sant’Egidio. Mais selon l’ancien président de la Colombie, Alvaro Uribe, l’affaire est mal engagée. Il ne suffit pas de « rechercher la paix et de demander le pardon » comme le fait le Saint-Père, a assuré Uribe lors d’une conférence de presse à Rome il y a quinze jours : « Sans la justice il n’y aura rien. »
 
Il venait de se réunir avec le secrétaire d’État, le cardinal Parolin, pour attirer son attention sur les dangers d’un accord avec un groupe qui a alimenté si longtemps une guerre civile responsable de 200.000 victimes.
 

L’ancien président Uribe met en garde contre l’accord avec les FARC

 
Uribe est formel : « Il y a lieu d’être inquiet à propos de cet accord. La Colombie est redevenue le premier pays producteur de cocaïne et les FARC constituent actuellement le plus grand cartel de narcotrafiquants et le plus puissant au monde. » Il a beau afficher son « respect » pour le pape François, il ne voit pas comment parvenir à une paix sans justice et réparation pour les victimes. Le processus de paix engagée en 2012 avec la médiation de l’ONU et de Cuba, a reçu l’approbation du pape François et la Communauté Saint-Egidio a agi comme facilitateur, avec l’approbation du cardinal colombien Ruben Salazar Gomez. Les premiers pourparlers ont d’ailleurs eu lieu à La Havane.
 
Certes, le pape n’a pas rencontré de représentants des FARC lors de sa visite à Cuba, comme ceux-ci l’espéraient : les choses pourraient changer lors de sa visite en Colombie programmée pour les mois à venir. Les FARC lui ont rendu hommage en tant qu’« ami des pauvres, missionnaire de la concorde, celui qui aime prendre soin du créé. »
 
Uribe ne se veut pas dupe. « L’accord garantira en parallèle, et de la même manière, l’amnistie totale pour le trafic de drogue. Les FARC bénéficieront de l’amnistie, même pour les crimes liés au trafic de stupéfiants, un trafic qui se révèle très utile pour l’acquisition de l’arsenal d’armes que possèdent les guérilleros », souligne-t-il. Pour eux, ni prison, ni extradition vers les Etats-Unis, alors même que les volumes de production de cocaïne augmentent. Même s’il y a promesse de cessez-le-feu (déjà rompue à l’occasion), même si les guérilleros promettent de déposer les armes, la difficulté d’intégrer parmi ses victimes une armée révolutionnaire qui a tué, persécuté, volé, sera entière : « Ce qui arrivera alors sera le plus difficile », a indiqué Ingrid Betancourt, ancienne otage des FARC.
 

Les FARC ont érigé le recours à l’avortement forcé en système politique

 
Le procureur général de Colombie, Jorge Fernando Perdomo, vient pour sa part d’assurer que les FARC auront à répondre d’un certain nombre de délits, comme les abus sexuels et les avortements forcés. Le ministère public colombien a mené une enquête qui a vérifié l’exactitude des accusations contre les guérilleros. « Nous disposons de documents saisis qui prouvent que les avortements forcés faisaient partie de la politique des FARC… et cela fait deux ans que nous enquêtons sur les cas de violences sexuelles au sein de la guérilla », a-t-il indiqué.
 
Le tribunal spécial de la paix mis en place dans le cadre de l’accord aura à connaître de plus de 150 cas d’avortement illégal commis au sein de la guérilla, et il sera également chargé de dire s’il s’agissait d’une politique systématique. Au total, le procureur général a indiqué qu’il y aura quelque 100.000 procès. Et le chef guérillero Ivan Marquez ferait bien de ne pas se moquer de la justice, a-t-il ajouté, ni de raconter n’importe quoi : « Il devrait se préparer à dire la vérité aux pays, sans quoi le ministère public a son arsenal tout prêt, pour montrer ce qu’il y a de vrai dans ce qu’il raconte est ce qui ne l’est pas. »
 
A propos des violences sexuelles et des avortements forcés, la justice colombienne dispose de plus de vingt témoignages d’anciennes combattantes démobilisées.
 

Que pense le Vatican sur l’accord Colombie-FARC sur la « perspective de genre » ?

 
Mais le contexte général demeure celui de l’amnistie et de l’impunité, de la réhabilitation et de la reconnaissance. Les accords négociés par les délégations du gouvernement colombien et des FARC prévoient déjà une réforme agraire – forcément socialiste – la participation des rebelles à la politique, et même la lutte conjointe contre le narcotrafic, chose à laquelle Uribe, pour ne parler que de lui, ne semble guère croire.
 
Il y a aussi des gadgets, symptomatiques de la participation de l’ONU au processus. Dimanche dernier, à la Havane, le gouvernement colombien et des représentants des FARC ont signé un « accord de genre » en vue d’une plus grande « inclusion » en Colombie des femmes et des membres de la communauté LGBTI.
 
« L’inclusion d’une perspective de genre dans un processus de paix comme celui-ci n’a pas d’exemple dans le monde ; elle cherche fondamentalement à créer les conditions pour que les femmes et les personnes avec une identité sexuelle “diverse” puissent accéder en pleine égalité au bénéfice de la vie dans un pays sans conflits armés », ont déclaré les parties dans un communiqué commun publié à Cuba.
 
L’accord porte notamment sur l’égalité des conditions pour l’accès à la propriété rurale, la garantie des droits économiques, sociaux et culturels des femmes et des personnes à l’identité sexuelle diverse dans le secteur rural. On envisage un système de promotion de la participation des femmes dans les « espaces de représentation, de prise de décision et de résolution de conflits », et bien évidemment la « reconnaissance publique, la non stigmatisation et la diffusion du travail réalisé par les femmes en tant que sujet politique » : un charabia propre au langage féministe. Il y aura également une mobilisation institutionnelle pour renforcer les organisations de femmes les mouvements LGBTI en vue de promouvoir leur « participation politique et sociale ».
 
Bref, l’ONU et Ban Ki-moon peuvent se frotter les mains, toutes les tartes à la crème de l’ONU a propos de l’égalité de genre et de l’autonomisation de la femme seront au cœur de l’accord… négocié sous le regard de Rome. Lorsqu’on sait qu’ONU-Femmes, en première ligne lors de cette signature, fait la promotion de toutes les revendications féministes, avortement y compris, on peut vraiment se poser des questions.
 

Anne Dolhein