Le cardinal Charles Bo annonce l’Apocalypse écologique et appelle à la vénération de la nature

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A quoi sert le carême ? S’il faut en croire le cardinal Charles Bo, archevêque de Yangon, ancienne capitale du Myanmar, il doit permettre non la conversion à Dieu mais la « conversion écologique ». « Nous sommes au seuil d’une Apocalypse écologique », a-t-il déclaré à l’occasion de la 17e rencontre des religieux d’Asie Océanie. Et il a prêché, dans son allocution de carême, contre les « péchés écologiques », en déclarant qu’il fallait s’inspirer des religions orientales pour adopter « un style de vie plus semblable au leur : simplicité et vénération de la nature ». Il a inscrit son discours dans la logique de Laudato si’, évoquant le « grand cri » du pape François « contre le désastre imminent ».
 
« Le changement climatique est une bombe atomique qui attend d’exploser – et ce ne sera pas un Hiroshima ou un Nagasaki » : selon le cardinal Bo, des pays comme l’Australie, les Philippines et l’Indonésie vont voir des millions de réfugiés environnementaux.
 
« Le moment est très grave. Le pape François a élevé un grand cri contre ce désastre imminent en parlant des péchés modernes, le “péché écologique” commis individuellement et collectivement par les êtres humains qui détruisent la Terre-Mère », a lancé le cardinal Bo, adoptant la terminologie propre aux peuples indigènes qui idolâtrent la Terre.
 

Le message de carême écologique du cardinal Charles Bo

 
C’est l’un des gros problèmes du discours actuel de certains religieux : il consiste en une sorte de profanation des notions sacrées et des réalités proprement religieuses. On le voit dans le choix des mots : « conversion », « péché », et ici, « Apocalypse ». L’Apocalypse est-elle évitable ? Non : elle est de l’ordre du sens donné par Dieu à l’histoire et a pour fin la seconde venue du Christ et le Jugement dernier. Parler d’une « Apocalypse écologique » relève d’une imagerie acceptable, sans doute (si elle était vraie) pour le quidam, mais dans la bouche d’un cardinal c’est un détournement de signification.
 
Il a ainsi déclaré  : « L’humanité a rompu son pacte avec la nature, et voilà pourquoi cela relève d’une question profondément morale, un péché originel écologique, qui requiert une conversion écologique et une évangélisation écologique. » Et : « Repentez-vous, la création de Dieu est en danger. Vos changements de vie sauveront la planète ! » Et le salut des âmes, et le piétinement des commandements de Dieu ? Oubliés ?
 
Le cardinal Bo a multiplié – à l’heure même où à Rome, s’ouvrait le symposium de l’Académie pontificale des sciences sur l’extinction biologique qui va tout à fait dans le même sens – les annonces catastrophistes. « Aujourd’hui, nous sommes confrontés à un holocauste environnemental – c’est un moment qui fait très peur » ; « Le changement climatique existe » a-t-il ajouté devant les 132 participants de la Rencontre trisannuelle : les responsables des congrégations religieuses féminines de la région d’Asie et Océanie rejointes pour la première fois de son histoire par les responsables des congrégations masculines.
 

L’Apocalypse écologique, pire des catastrophes pour ceux qui vénèrent la Nature

 
« Nous ne sommes pas réunis aujourd’hui pour contrer les terroristes de l’État islamique. Nous sommes réunis ici contre les terroristes économiques et les terroristes écologiques » : le cardinal Bo désigne ainsi les pays riches qu’il accuse d’être les principaux responsables du réchauffement climatique et dont on comprend ainsi qu’ils sont à ses yeux beaucoup plus dangereux que les coupeurs de gorge islamiques. « Nous sommes une nation pauvre. Les pays riches rejettent du carbone dans l’atmosphère. Nous souffrons et enterrons les nôtres par milliers après chaque catastrophe naturelle », a-t-il dit, rappelant que le Myanmar est classée deuxième nation du monde la plus vulnérable au réchauffement climatique.
 
Le cardinal Bo a nommément accusé les Etats-Unis de contribuer ainsi à « l’injustice environnementale et l’injustice écologique ». « Les gaz de serre qui augmentent le réchauffement global sont émis par les pays riches. Les États-Unis, qui ont une population d’environ 6 % de la population mondiale, produisent 40 % des gaz à effet de serre. Qui meurt ? Les pauvres. Les pays pauvres sont les plus vulnérables au réchauffement global. Les cyclones, les tremblements de terre et les inondations créent les milliers de victimes des catastrophes naturelles. C’est du terrorisme écologique. Les puissants de ce monde décident qui doit vivre ou mourir. Les terroristes économiques et écologiques sont déchaînés contre les pauvres », a-t-il renchéri.
 

La vénération du catholique doit s’inspirer des religions orientales…

 
Révolutionnaire ? Vous ne croyez pas si bien dire. Le cardinal Bo en appelle à une « nouvelle théologie de la libération, verte ». « Il nous faut une révolution majeure – une révolution de la pensée – une révolution de notre théologie. Nous devons développer une éco-théologie – une théologie qui sache intégrer la création de Dieu comme cause et source de notre contemplation », a-t-il dit – rien moins.
 
Et pour bien montrer que cette terminologie ne doit rien au hasard, le cardinal Bo a précisé qu’il y a 30 ans, des théologiens comme le père Gustavo Gutiérrez ont répondu aux cris des pauvres : « Ce fut l’explosion de la théologie de la libération. Mais les théologiens comme Léonardo Boff soulignent que la théologie de la libération doit être complétée par une éco-théologie parce que le cri des pauvres est souvent causé par le cri de la Terre. »
 
Les contours de cette éco-théologie sont déjà bien précis dans l’esprit du cardinal. Les religieux devront participer à cette diffusion tout en contribuant à contrer la dégradation écologique, en luttant pour la justice écologique, en entreprenant une « évangélisation écologique », en prenant davantage en compte les traditions religieuses indigènes et en écoutant les religions orientales et leur concept de « l’inter-être » (cher au bouddhisme) avec la nature, qui affirment, plus que les religions judéo-chrétiennes, le caractère sacré de l’écologie, a affirmé le cardinal cité en style indirect par le National Catholic Register.
 
Le cardinal a appelé les religieux catholiques à constituer une contre-culture face à l’avidité et au consumérisme qui sont à la racine de beaucoup de problèmes environnementaux, poursuit le média catholique : mais c’est en embrassant une simplicité et une éco-spiritualité illustrée par les religions orientales, là encore. Les moines bouddhistes, par exemple, n’ont le droit de rien posséder sinon une sébile, une aiguille et du fil. Les religieux catholiques orientaux « doivent adopter un style de vie qui ressemble davantage aux religions orientales : simplicité et vénération de la nature ».
 

Le cardinal Charlos Bo, un homme du pape François

 
L’appel à la pauvreté des religieux catholiques est une réalité de toujours, mais c’est une pauvreté pour Dieu et pour la charité, qui ne verse pas dans l’adulation du créé, ou du néant…
 
Lors d’un entretien qui a suivi son discours, le cardinal Bo a précisé que son « message vaut pour le monde entier et pour l’Amérique ». « Nous devons nous respecter les uns pour les autres en tant qu’être humains. Il y a une interconnexion avec les plantes et les animaux et l’environnement. »
 
Le cardinal Bo est décidément un homme du pape François dans tous les sens de ces termes. Il fait écho à de nombreux parti-pris de l’encyclique écologique Laudato si’ : il est sur la même ligne ; une ligne de rapprochement avec les autres religions, au besoin présentées comme meilleures que la religion catholique, pour la protection de la « Maison commune », comme le dit le pape (à la suite de Gorbachev) et de la « Terre-Mère », expression que François ne rejette pas.
 
Charles Bo a été créé cardinal par le pape François en 2015.
 

Anne Dolhein