L’armée européenne : pas pour demain ?! Pour après-demain

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Les européistes parlent à tout crin d’« armée européenne ». Les dirigeants européens refusent d’une moue modeste un tel titre. Quoi qu’il en soit, « la chose » avance, sans bouleversement notoire, mais elle avance – les rebuffades de Trump sur l’OTAN et le Brexit historique ont fourni une conjecture ad hoc. Le commissaire allemand à la Défense vient publiquement de renouveler ses appels à une armée conjointe de l’Union européenne.
 
D’un « rêve » caressé longtemps par Jean-Claude Juncker, elle pourrait bien devenir une réalité – on n’imagine pas encore à quel prix.
 

« À la fin, il y aura une armée européenne »

 
On nous avait habitués à plus de précautions oratoires en la matière. Hier, lundi, le Commissaire allemand à la défense, Hans-Peter Bartels, n’y a pas été par quatre chemins : à l’Agence de presse nationale, il a redit que la perspective en était « inévitable ».
 
« Nous sommes actuellement désorganisés, techniquement fragmentés, avec des structures aux doublons inutiles », a-t-il déclaré, cité par le Telegraph. « Nous ne voulons plus emprunter la voie nationale solitaire. Ni en Allemagne, ni aux Pays-Bas, ni en République Tchèque, ni non plus en Italie (…) À la fin, il y aura une armée européenne ».
 
L’Allemagne a toujours été force de persuasion sur le sujet. C’est elle qui avait été, en 2013, l’initiatrice du concept de nation-cadre, « Framework Nations Concept » ou FNC, présenté au sein de l’OTAN et adopté par l’Alliance au sommet de Newport en 2014 : un dispositif qui devait permettre de renforcer les capacités opérationnelles des armées européennes grâce à une coopération durable entre les États (deux brigades néerlandaises ont déjà été intégrées dans la division des forces d’intervention rapide de la Bundeswehr et de la 1ère division blindée).
 

La création du MPCC

 
Mais il semble que le mouvement s’accélère depuis que le Parlement européen a adopté une résolution ouvrant la voie à la création d’une union de défense, en novembre dernier – une résolution qui prévoit déjà de consacrer 2% du PIB des nations membres à la défense, ainsi que l’établissement de forces multinationales de l’UE pour permettre au bloc d’agir dans toute situation dans laquelle « l’OTAN ne veut pas ».
 
En décembre 2016, les dirigeants européens se sont accordés sur le renforcement de leurs capacités à répondre aux crises et conflits extérieurs. Et le 6 mars, les 28 ont décidé de la mise en place d’une capacité militaire de planification et de conduite (MPCC) : un centre commun de commandement, donc, pour les missions militaires, comme celles actuelles en République centrafricaine, au Mali et en Somalie.
 
Un mois plus tard, le 7 juin, la Commission européenne intensifiait le financement du secteur de la défense, en lançant le Fonds européen de défense, destiné à encourager la recherche militaire sur le plan européen puis, à terme, le développement et l’acquisition de systèmes d’armes européens homogénéisés – une mobilisation qui s’élèverait à 39 milliards d’euros d’ici à 2027.
 

Mais, surtout, ne pas parler d’armée, ni aujourd’hui ni demain !

 
Pendant longtemps cette idée d’une « armée européenne » a effectivement fleuri dans les cénacles européistes. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, déclarait au journal Die Welt en mars 2015 que l’UE avait besoin d’une armée pour faire face aux menaces, notamment celles qui émanent de la Russie et le ministre de la Défense allemand, Ursula von der Leyen, s’en félicitait : « Notre avenir passera par une armée européenne ».
 
Curieusement, aujourd’hui, alors même que les prémices de cette perspective sont réellement en train d’être posées, le grand mot a été banni ! Il faut les entendre déclarer d’un air grave et sentencieux qu’il n’est nullement question d’une « armée européenne », comme s’est défendue la ministre des Affaires étrangères de l’UE, Federica Mogherini, qui a préféré parler d’« une gestion plus efficace de nos travaux militaires ». Ils n’ont d’ailleurs surtout pas appelé « commandant » le chef du MPCC, mais « directeur »…
 
Pourtant, bien que ce petit noyau de départ ne compte encore qu’une trentaine de personnes, c’est bien « une étape », comme l’a confirmé le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders.
 

Le dernier viol des souverainetés nationales ?

 
Les jalons d’une première étape qui ont été permis par une conjoncture ad hoc. Aux États-Unis, l’imprévisible Donald Trump fait la fine bouche sur l’OTAN qu’il juge « obsolète » et pas assez « fournie » par ses alliés. Et au cœur de l’Europe, le principal pays qui faisait jusque-là obstruction à cette idée de force militaire commune, à savoir le Royaume-Uni, s’en est allé…
 
Brandissant les menaces grandissantes et les difficultés des budgets militaires nationaux (la faute à qui ?) les grands raisonneurs européens déroulent avec facilité la conclusion inéluctable : les Européens doivent mutualiser pour pouvoir se défendre. A eux, désormais, de décider du niveau d’« intégration »… ou plutôt à l’Europe fédératrice de décider pour eux !
 
Le tout, pour elle, est que dans chaque État domine un consensus favorable en la matière. Et en France, la nouvelle ministre des Armées, Sylvie Goulard, est connue pour acter le renforcement de l’intégration européenne – soutenue évidemment par Macron.
 
Ainsi, le couple franco-allemand sera peut-être à l’origine du dernier viol de souveraineté nationale commis par Bruxelles, via cette future armée européenne – un autre giron mondialiste pour régionaliser le monde et priver les nations d’une existence tangible.
 

Clémentine Jallais