Interdiction des avortements eugéniques : nouvelle initiative citoyenne contre l’avortement en Pologne

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Kaja Godek et son fils

 
Le 6 juin, une nouvelle initiative citoyenne contre les avortements eugéniques a été annoncée à Zakopane devant la Conférence des évêques de Pologne. Kaja Godek, une des personnes à l’origine de l’initiative Zatrzymaj Aborcję ! (Arrêtez l’avortement) qui est elle-même mère d’un petit garçon touché par la trisomie 21, a demandé aux évêques de soutenir ce projet de loi citoyen dont le but est d’interdire l’avortement pour cause de malformation ou maladie de l’enfant conçu. Il s’agit d’une des trois causes permettant d’avorter en Pologne, les autres étant les cas de grossesse issue d’un acte interdit par la loi (viol, inceste…) et les cas de grossesse mettant en danger la vie ou la santé physique de la femme enceinte. Dans les faits, les avortements eugéniques qui correspondent à la première de ces trois causes possibles comptent pour 96 % des plus de mille avortements réalisés chaque année dans les hôpitaux polonais. La conférence épiscopale a apporté son soutien officiel à l’initiative des associations pro-vie dans un communiqué du 7 juin dans lequel il est dit que « Les évêques recommandent cette initiative à la prière et soutiennent la collecte des signatures ».
 

Les organisateurs espèrent un million de signatures en faveur de cette initiative citoyenne contre l’avortement eugénique

 
L’initiative citoyenne sera enregistrée en août et la collecte des signatures commencera en septembre. Il en faut cent mille pour que la Diète soit obligée d’examiner le projet de loi citoyen. Les organisateurs en espèrent un million, ce qui n’est pas irréaliste au vu des initiatives de ce type qui se sont succédé depuis le début de la décennie. « Sur le terrain, il y a un très grand refus de laisser la loi sur l’avortement inchangée », affirme Kaja Godek citée par l’hebdomadaire catholique Gość Niedzielny, qui parle d’une deuxième chance pour le parti Droit et Justice (PiS), aux commandes du pays depuis l’automne 2015 : « En rejetant la suppression ne serait-ce que de l’avortement eugénique, le parti au gouvernement perdra une partie importante des électeurs catholiques, ce qui peut signifier la perte de sa majorité (parlementaire) lors des prochaines élections. »
 

Le PiS sous la pression de son électorat conservateur et catholique après son recul d’octobre devant l’hystérie des féministes

 
En effet, le PiS, qui avait soutenu des initiatives citoyennes du même type alors qu’il était dans l’opposition, a rejeté le 6 octobre dernier, sous la pression des « marches noires » organisées par les féministes, un autre projet de loi citoyen visant à interdire tous les avortements sauf lorsqu’il s’agirait de préserver la vie ou la santé physique de la femme enceinte. Cependant, le président Andrzej Duda et le chef du PiS Jarosław Kaczyński ont depuis fait des déclarations en faveur de l’interdiction d’avorter les enfants handicapés. « Mais comme les responsables politiques ne déposent pas eux-mêmes de projet, ce sont les citoyens qui vont le faire », explique Kaja Godek.
 
Pour savoir comment réagirait la majorité parlementaire à cette nouvelle initiative, je me suis adressé à l’un des députés du PiS, Wojciech Murdzek, qui avait lui aussi voté contre l’initiative précédente en octobre alors que je le sais personnellement favorable à une protection intégrale du droit à la vie. Wojciech Murdzek espère bien que le PiS votera cette fois en faveur du projet de loi citoyen et il estime que ses collègues y sont plutôt favorables, le vote négatif d’octobre ayant eu selon le député pour principal but de désarmer le mouvement de protestation « méga-hystérique » (c’est le terme employé). J’ai encore interrogé Marek Jurek, ancien maréchal (président) de la Diète lors du premier gouvernement du PiS (2005-2007), aujourd’hui élu sur la liste du PiS au Parlement européen mais chef d’un petit parti pro-vie indépendant, Prawica Rzeczypospolitej (Droite de la République). Marek Jurek est lui aussi d’avis que ce projet de loi citoyen a de bonnes chances d’être adopté par le parlement, car le PiS se trouve sous la pression de son électorat. Sans cette pression, le député au Parlement européen considère que le PiS préférerait éviter ce sujet épineux.
 

En Pologne, la majorité des citoyens est favorable à une meilleure protection du droit à la vie dès la conception

 
Il est essentiel que le plus grand nombre de personnes signent ce projet, insiste Kaja Godek citée par l’agence de presse catholique polonaise KAI, car c’est seulement alors que les députés du PiS verront « que l’électorat qui les a portés au pouvoir –en majorité des catholiques et des conservateurs – est pour la vie ».
 
Selon un sondage CBOS réalisé en avril pour l’association juridique conservatrice et pro-vie Ordo Iuris, plus de 70 % des Polonais sont favorables à une protection intégrale de la vie humaine dès la conception.
 

Olivier Bault