Tollé : un haut responsable de la santé en Chine invité à un sommet sur le trafic d’organes au Vatican

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La Chine a participé mardi 7 février à une Conférence sur les dons d’organes à l’Académie pontificale des sciences, sur invitation du Vatican.

 
Des experts en éthique et des avocats des droits de l’homme ont vivement critiqué le Vatican, mardi, pour avoir invité un haut responsable de la santé en Chine à une conférence qui se penche depuis hier sur le trafic d’organes. La question du prélèvement d’organes sur des condamnés à mort en Chine est au centre de cette contestation car, quoi qu’en dise la Chine, il n’y a pas selon ces experts suffisamment d’assurance à ce sujet.
 
C’est l’Académie pontificale des sciences qui a invité Huang Jiefu, chargé précisément de la supervision et de la révision de l’activité de transplantation d’organes en Chine, au risque d’apparaître comme donnant sa caution à des pratiques dénoncées dans le monde entier, et qui ne semblent pas avoir pris fin.
 
Ainsi, Francis Delmonico, ancien chef la Transplantation Society, membre de l’Académie pontificale nommé par le pape François lui-même, a déclaré au Congrès des Etats-Unis en juin de rien ne lui permettait de vérifier que la Chine avait cessé d’utiliser ses prisonniers condamnés à mort pour récupérer des organes. L’invitation vaticane reflète selon lui le fait que Pékin s’est montré mieux disposé à suivre les directives de l’Organisation mondiale de la santé sur le don d’organes, a-t-il déclaré au média anglophone chinois Global Times.
 

Un sommet sur le trafic d’organes au Vatican

 
La Chine a été condamnée ces dernières années par la communauté internationale pour avoir recours non seulement aux condamnés à mort de droit commun mais aux prisonniers politiques issus des minorités religieuses et ethniques tels les Ouighours, les Tibétains, les membres de la secte Falun Gong ainsi que les chrétiens « clandestins », pour le prélèvement d’organes vitaux.
 
Alors même que le pays est confronté à une importante pénurie d’organes, Pékin, sous la pression internationale, a progressivement durci sa législation, du moins en apparence. En 2007, la vente d’organes a été officiellement interdite, mais le trafic demeure endémique, selon l’AFP. En 2015, le recours aux organes prélevés sur les condamnés à mort a été proscrit, ce qui laisse fortement entendre que la pratique était bien réelle. Pour autant, des observateurs internationaux estiment que les condamnés à mort sont désormais présentés comme donneurs volontaires pour contourner les règles.
 
Plusieurs experts ont donc écrit à Mgr Marcelo Sanchez Sorondo, chancelier de l’Académie pontificale des sciences, pour mettre en garde l’Eglise, sans succès.
 
De son côté, Huang Jiefu a répondu lors d’un entretien avec la presse il y avait « zéro tolérance » à l’égard de cette pratique pour ajouter aussitôt : « Cependant la Chine est un grand pays avec une population d’1,3 milliards de personnes alors je suis sûr, sans aucun doute, qu’il y a des violations de la loi ». En regard de cela, les assurances selon lesquelles la controverse autour de sa venue étaient « ridicules », comme il l’a dit, perdent de leur poids.
 

La Chine mise en cause à propos de la récolte d’organes

 
La conférence du Vatican visait à mettre en lumière le problème du trafic illicite d’organes que le pape François a qualifié de forme d’esclavage moderne. Les participants étaient d’accord pour dire qu’aujourd’hui, des personnes qui attendent des organes qui peuvent leur sauver la vie, se ruent sur des pays comme l’Egypte, l’Inde ou le Mexique pour les acheter à moindre prix.
 
Huang, dont le Guardian affirme qu’il s’agit d’une « personnalité controversée dans le monde la transplantation d’organes », a proposé une solution : mettre en place une force de travail globale sous l’égide de l’OMS. Bien sûr. Toujours plus de globalisme… Et recommandé qui plus est par le représentant d’un pays qui ne recule pas devant la transgression.
 
Pour ce qui est de la récolte d’organes sur les condamnés à mort en Chine, bien des ONG affirment qu’elle est toujours en vigueur, tel Nicholas Bequelin d’Amnesty International pour qui les besoins considérables d’organes en Chine rendent très improbable le fait que ce pays respecte les règles, notamment à propos de la définition légale de la mort selon les critères actuels de l’OMS qu’il ne reconnaît pas. Alors qu’on ne sait pas combien de prisonniers sont exécutés chaque année – les estimations varient de 3.000 à 7.000 – on pense même que la date des exécutions est déterminé en fonction des besoins de telle ou telle transplantation. Les données hospitalières chinoises font en tout cas état de 60.000 à 100.000 transplantations d’organes par an.
 

Un haut responsable de la santé en Chine reconnaît des transgressions

 
A quoi s’ajoute un autre problème, en ce qui concerne le Vatican, et c’est peut-être un scandale encore plus grand. La transplantation d’organes vitaux s’appuie sur une définition, ou plutôt une redéfinition ad hoc de la mort. Leur prélèvement doit se faire en effet alors qu’ils sont encore irrigués et oxygénés : on retient donc le critère de la mort cérébrale, le cœur battant toujours sous assistance respiratoire. Est-ce vraiment la mort ? De nombreux philosophes et scientifiques n’en sont pas persuadés ; en ce cas, c’est le prélèvement de l’organe vital qui cause la mort, ce qui est évidemment contraire à toute morale.
 
Le Guardian souligne ainsi que le Vatican a publié de nouvelles règles bioéthiques à propos du don et de la transplantation d’organes, affirmant que le libre consentement du donneur ou de ses représentants est requis, et que pour vérifier qu’un donneur est bien mort, le diagnostic doit être certain, « spécialement lorsqu’il s’agit d’un enfant ».
 
C’est pour le moins curieux : comment peut-on parler de degré de certitude à propos de la mort ? Soit c’est oui, soit c’est non…
 

Anne Dolhein