Le bonheur de vivre leur tient lieu de santé : les personnes qui vieillissent « bien », gardant toute leur tête et une belle qualité de vie au-delà de 80 ans ne sont pas celles qui renoncent à la cigarette, à leur verre de vin et à leurs journées bien remplies. Quoique présentant des signes cérébraux de démence ils ne souffrent pas des effets de cette maladie dégénérative et étonnent leur entourage par leur verdeur. Ils possèdent à plus hautes doses que la normale des neurones « von Economo » – neurone rare lié aux rapports sociaux qui est particulièrement absent chez les personnes souffrant d’autisme, de schizophrénie ou de désordre bipolaire. Vieillir bien n’empêche ni de fumer ni de boire, mais il faut rester très actif !
Tout cela a été constaté au terme d’une étude menée par une équipe de neurologie cognitive de la Northwestern University de Chicago. Principal auteur du projet, Emily Rogalski a présenté les fruits de ce travail en soulignant que la personnalité des intéressés et leur manière d’appréhender la vie joue un rôle primordial, qui permet même de contrer les effets des neuropathologies. Leur mémoire, en particulier, peut se révéler excellente pendant de longues années même lorsqu’ils sont fortement atteints sur le plan cérébral, avec d’importantes accumulations de la protéine tau supposée provoquer la démence.
On peut éviter la démence et vieillir bien, à condition d’aimer la vie
La plupart des « super-vieillards » fument, boivent, prennent du poids, profitent du café et ne prennent pas leur retraite (c’est le cas de 18 % d’entre eux) ou bien s’embarquent dans une « seconde vie » aussi active que leur vie professionnelle l’avait été, mais leurs fonctions cérébrales sont supérieures à celles de beaucoup de personnes abstinentes de 50 ans.
Les chercheurs pensaient trouver chez eux une proportion forte du gène APOE 22 supposé protéger du risque de démence. Il n’en est rien. En revanche, ils ont en commun une vision de la vie plus positive que la moyenne des gens de leur âge, ils se soucient de leurs relations sociales et ils sont très actifs. Leur régime alimentaire ne semble pas du tout entrer en ligne de compte.
10 profils de « super-vieillards » ont été sélectionnés parmi le groupe de 74 personnes de 80 à 100 ans : ils ont été suivis par le Dr Rogalski et son équipe pendant 24 mois, puis leur cerveau a été analysé après leur décès, ce qui a permis de constater qu’ils n’étaient pas du tout exempts de protéine tau mais qu’ils ne présentaient aucun symptôme lié à la démence tout en menant une vie exceptionnellement active au-delà de 90 ans.
Rester actif et maintenir les relations sociales pour devenir un « super-vieillard » : fumer et boire n’est pas un problème
La grande majorité d’entre eux – 71 % – avaient fumé ou fumaient toujours, tandis que 83 % continuaient de boire de l’alcool régulièrement. Sur le plan de l’hygiène de vie, aucun régime particulier n’était à signaler – si ce n’est la préférence de certains pour le hamburger frites – mais la plupart avait tendance à dormir au moins huit heures par nuit.
Un vrai facteur déterminant semble être la richesse de la vie sociale, bien plus que les styles de vie.
Les résultats de l’étude bouleversent en vérité tout ce que l’on a toujours pensé sur la démence, si bien que Claudia Kawas, professeur de neurologie à l’université de Californie, a déclaré en plaisantant : « Je ne suis pas loin de croire que nous devrions arrêter de faire de la recherche et de commencer tout simplement à utiliser davantage nos corps et nos cerveaux. »