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Comment le bostryche typographe est en train de détruire la forêt de Białowieża en Pologne avec le soutien des écologistes et de la Commission européenne

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Le bostryche typographe est un colĂ©optère qui colonise les forĂŞts d’épicĂ©as, un arbre très prĂ©sent dans la magnifique forĂŞt de BiaĹ‚owieĹĽa en Pologne. Les Ă©cologistes considèrent qu’il s’agit d’une forĂŞt primitive Ă  laquelle il ne faut surtout pas toucher, tandis que les services forestiers et les habitants parlent d’une forĂŞt naturelle, puisque l’homme y est prĂ©sent depuis des siècles mĂŞme si ses ingĂ©rences y ont toujours Ă©tĂ© limitĂ©es. Pour les forestiers, le bostryche typographe n’est pas un problème en soi, mais la vague de colonisation actuelle par cet insecte destructeur d’épicĂ©as est la plus importante depuis près d’un siècle. Le moyen de lutte le plus efficace, c’est d’abattre et Ă©vacuer les arbres morts ou infectĂ©s, car ce colĂ©optère est capable de tuer un arbre en un mois et un arbre tuĂ©, c’est une trentaine d’autres infectĂ©s après lui. Jusqu’en 2011, les services forestiers de la forĂŞt de BiaĹ‚owieĹĽa expliquent qu’ils n’avaient aucun problème Ă  gĂ©rer le problème du bostryche typographe. C’est l’entrĂ©e en vigueur du nouveau plan de gestion des forĂŞts en 2012, sous le gouvernement de Donald Tusk, qui a tout changĂ©. Sous la pression des ONG Ă©cologistes, le ministère de l’Environnement a en effet rĂ©duit de manière drastique la quantitĂ© d’arbres qu’il Ă©tait possible d’abattre et il a Ă©tendu les zones protĂ©gĂ©es d’oĂą il Ă©tait dĂ©sormais interdit de dĂ©gager les arbres infectĂ©s. Pour couronner le tout, la forĂŞt de BiaĹ‚owieĹĽa est inscrite sur la liste des Zones de Protection SpĂ©ciale (ZPS) Natura 2000, d’intĂ©rĂŞt communautaire, et la Commission europĂ©enne se considère donc en droit d’intervenir pour y empĂŞcher tout abattage d’arbre comme le demandent les Ă©cologistes depuis 2007.
 

Sans l’action des écologistes, il aurait suffi d’abattre quelques dizaines d’arbres seulement dans la forêt de Białowieża.

 
C’est en effet en 2007qu’un garde-forestier local a identifiĂ© 29 Ă©picĂ©as infectĂ©s par le bostryche typographe en demandant au Conservateur rĂ©gional de la Nature l’autorisation de les faire abattre et Ă©vacuer rapidement. Une demande Ă  laquelle s’est opposĂ©e la branche locale d’une organisation de gentils Ă©colos dĂ©fendant le droit Ă  la vie des colĂ©optères. Leur opposition a si bien fait durer les choses, qu’en 2009 il n’y avait plus 29 arbres infectĂ©s mais 2.656. En 2014, la forĂŞt de BiaĹ‚owieĹĽa a Ă©tĂ© inscrite sur la liste du Patrimoine de l’HumanitĂ© de l’UNESCO. En avril 2017, les arbres infectĂ©s recensĂ©s Ă©taient au nombre d’environ… 834.000, soit Ă  peu près 8 % des arbres de la forĂŞt de BiaĹ‚owieĹĽa. En mètres cubes, c’est un million de mÂł de bois infectĂ© pour seulement un peu plus de 160.000 mÂł de bois Ă©vacuĂ© en raison des restrictions lĂ©gales. L’origine de l’invasion actuelle et la responsabilitĂ© des Ă©cologistes est dĂ©crite ici sur un site par ailleurs profondĂ©ment hostile au gouvernement du PiS.
 

La Commission européenne est intervenue, ajoutant la lutte contre le bostryche typographe à la liste de ses griefs contre la Pologne gouvernée par le PiS

 
Le ministère de l’Environnement actuel, Jan Szyszko (PiS), est partisan, comme les habitants et les forestiers, d’une politique d’abattage accru afin d’endiguer la progression du bostryche typographe, faute de quoi la forĂŞt de BiaĹ‚owieĹĽa risque de se transformer en steppe pour de très longues annĂ©es. Les Ă©cologistes et la Commission europĂ©enne exigent au contraire l’arrĂŞt de toutes les coupes qui ne sont pas motivĂ©es par le souci de la sĂ©curitĂ© des promeneurs (arbres atteints au bord des chemins). La Commission europĂ©enne a mĂŞme portĂ© l’affaire devant la Cour de Justice de l’UE qui a interdit Ă  titre provisoire, en attendant de statuer sur le fond de l’affaire, toute « gestion forestière active Â» et donc toute coupe et toute Ă©vacuation des arbres hormis « pour assurer la sĂ©curitĂ© publique Â». Le bostryche typographe continue donc de prolifĂ©rer dans la forĂŞt de BiaĹ‚owieĹĽa. L’importance de l’invasion fait que mĂŞme les arbres jeunes sont atteints. Avant l’arrĂŞt de la Cour de Justice, depuis l’arrivĂ©e du PiS au pouvoir, les Ă©colos multipliaient les actions pour empĂŞcher l’abattage tandis que les habitants organisaient des contre-manifestations pour exiger que l’on sauve leur forĂŞt.
 
Le Parlement europĂ©en s’est lui aussi saisi de la question dans sa rĂ©solution fourre-tout du 15 novembre sur la situation de l’état de droit et de la dĂ©mocratie en Pologne, pour « mettre un terme Ă  l’exploitation Ă  grande Ă©chelle du bois dans la forĂŞt de BiaĹ‚owieĹĽa Â». En employant ces mots, les dĂ©putĂ©s au Parlement europĂ©en ont une fois de plus dĂ©montrĂ© leur profonde ignorance, d’ailleurs bien naturelle, des problèmes locaux. Les Ă©cologistes donnent en exemple la forĂŞt de Bavière, en Allemagne, qui subit le mĂŞme type d’invasion du bostryche typographe et oĂą les autoritĂ©s ont dĂ©cidĂ© de ne pas intervenir. Sauf que pour permettre la pousse des jeunes arbres sur les terrains dĂ©vastĂ©s par le colĂ©optère, les Allemands sont maintenant obligĂ©s de tuer les cervidĂ©s, expliquent les forestiers polonais, et leur forĂŞt ne repousse donc pas plus naturellement que s’ils avaient abattu et Ă©vacuĂ© les arbres infectĂ©s, elle met seulement plus longtemps Ă  se rĂ©gĂ©nĂ©rer.
 

La Commission européenne veut prendre les décisions mais pas la responsabilité

 
Le ministre Jan Szyszko, qui a le titre de professeur en sciences de la forêt, organisait le 4 décembre à Varsovie une conférence scientifique internationale consacrée à la gestion de l’invasion du bostryche typographe. Le problème, c’est que la Cour de Justice de l’UE a imposé une astreinte de 100.000 euros par jour en cas de coupes d’arbres dans la forêt de Białowieża. Quel que soit l’avis des experts de terrain, c’est donc à Bruxelles et à Luxembourg que se décidera l’avenir de ce joyau de la nature. Contrairement au gouvernement de Beata Szydło et à son ministre de l’Environnement, les commissaires de Bruxelles et les juges de Luxembourg, qui ne sont pas les mieux placés pour prendre les bonnes décisions concernant la forêt de Białowieża, n’auront de toute façon pas de comptes à rendre aux électeurs polonais si leur action y cause des dommages irréparables.
 

Olivier Bault