Eglise catholique : le questionnaire pour le prochain synode sur la jeunesse est en ligne

Eglise catholique questionnaire synode jeunesse en ligne
 
Annoncé en plusieurs langues mais disponible seulement en italien, un questionnaire en vue du prochain synode sur la jeunesse voulu par le pape François pour l’année 2018, est en ligne sur un site qui visuellement, donne la même importance au discernement de la vocation religieuse et à la protection de la planète. Une lecture rapide des questions donne une idée assez précise de ce que recherchent ses organisateurs : comprendre quel type de jeune peut être intéressé par la vie religieuse ou sacerdotale et tenir compte du profil sociologique dégagé pour adapter l’offre à la demande, à moins que ce ne soit l’inverse.
 
On retrouve ici une démarche similaire à celle qui avait précédé les deux synodes sur la famille, par laquelle on cherchait à déterminer les attentes, pour ne pas dire les revendications des couples modernes. Le résultat, on le connaît : c’est Amoris laetitia, dont la prétendue ambiguïté cède de plus en plus la place à un réel modernisme dans son approche qui vise à adapter la « praxis » de l’Eglise au fait contemporain – le tout assorti d’une sorte de justification démocratique.
 
La démarche et la logique sont les mêmes – laisser s’exprimer la base – mais l’objectif paraît différent, comme l’est l’objet du prochain synode. « L’Eglise désire se mettre à l’écoute de ta voix », proclame l’invitation à répondre au questionnaire : beaucoup de jeunes formés par les pédagogies constructivistes trouveront ce langage tout à fait familier.
 

L’Eglise catholique se renseigne sur la jeunesse

 
Destiné aux jeunes de 16 à 29 ans et rigoureusement « anonyme », le questionnaire est plutôt un sondage et il est accessible à tous, ainsi ai-je pu le remplir en inscrivant mon âge véritable, qui ne rentre pas, hélas, dans la catégorie susdite.
 
Le questionnement est essentiellement psychosociologique. Il commence par des questions générales sur le lieu d’habitation et bascule très vite vers les questions très subjectives. Le jeune a-t-il une idée positive de lui-même, de la vie ? A-t-il le sens des responsabilités, une pensée critique, la capacité d’agir efficacement, de gérer des conflits, fait-il confiance ou non aux autres ? Qu’attend-il de la vie ? A-t-il confiance en l’État, en l’Eglise, en l’école, en la presse, les banques, les forces de l’ordre ? Estime-t-il que les jeunes devraient avoir un rôle actif dans la définition des choix politiques de leur pays ?
 
Quel rapport tout cela peut-il avoir avec la foi des jeunes ? On se le demande…
 
Mais les questions personnelles se bousculent. On demande aux jeunes ce qui les a influencés et à quel degré : l’école, la famille, les amis, les réseaux sociaux, les groupes de jeunes, la formation religieuse, les loisirs, la lecture, la musique. Puis, quelles sont les personnes qui ont joué un rôle important dans leur vie. Le prêtre, le père, l’ami, le conjoint, le frère ou la sœur, les contacts sur les réseaux sociaux, la mère, le coach, le psychologue, le conseiller ou l’enseignant : les voilà tous alignés pour recevoir une note de un à 10. C’est pour faire un plan « com » ?
 

Un questionnaire pour un synode : air connu

 
Les jeunes sont ensuite interrogés sur l’intérêt qu’ils trouvent aux études et dans quel but ils s’y adonnent, avant d’être invités à répondre à la question de ce qu’ils pensent du travail. Du prestige social au stress, tout y passe. On en discutera à Rome en 2018, c’est promis !
 
L’objectif social des questions est également évident. On veut savoir si les jeunes habitent chez leurs parents. Si c’est parce qu’ils ne trouvent pas de travail, parce qu’ils n’ont pas de moyens économiques. Choses intéressantes sur le plan temporel, mais la justification proprement religieuse de ces questions est plus difficile à percevoir…
 
On demande même aux jeunes à quel âge ils pensent idéal d’avoir un premier enfant, et combien d’enfants ils désirent. (J’ai mis : « 10 », ça les calmera.) On leur demande aussi pourquoi ils n’ont pas encore d’enfant, si tel est le cas, et curieusement, s’il est question de l’âge, de la situation économique du logement, l’option de dire qu’on n’est pas marié n’est pas proposée…
 
En revanche, les pères synodaux doivent savoir la proportion de jeunes militants politiques ou associatifs. Ont-ils fait remplir des pétitions, participé à des campagnes sur Internet, à des TweetStorm ou des Flashmob, ou encore à des manifestations ou des sit-in ? Peu importe, au fond, si c’est pour s’opposer au mariage pour tous ou à l’aéroport de Notre-Dame des Landes !
 

Le synode sur la jeunesse parlera-t-il seulement de la louange de Dieu ?

 
Le questionnaire n’est de toute façon pas réservé aux chrétiens : monothéistes ou persuadés qu’il y a une entité supérieure, chrétiens ou athées, ils peuvent répondre. Si au moins c’était pour améliorer l’évangélisation – mais au vu des questions, ce n’est pas gagné. La pratique dominicale, elle, se trouve noyée sous l’appellation de la « participation aux rites religieux ».
 
Comment les jeunes voient-ils Dieu ? On leur demande de cocher les mots les plus significatifs pour eux quand ils y pensent : « doute, obligation, liberté, inutilité, mystère, père, vérité, tendresse, salut, péché, vie, mère, amour, peur, félicité ». A croire que ce sont des spécialistes du marketing qui ont établi le questionnaire.
 
Suit une question semblable sur Jésus-Christ – du « maître de vie » au modèle à suivre, du « Fils de Dieu » (tout de même !) au prophète ou à « l’ennemi à combattre », et même jusqu’au « révolutionnaire », on a le choix.
 
Plus intéressante encore est la question consacrée aux attentes vis-à-vis de l’Eglise catholique. Voici toutes les réponses possibles : les activités sociales et caritatives, la présence de missionnaire dans les pays en voie de développement, la catéchèse, les activités proposées aux jeunes en paroisse ou en association, les écoles, les universités catholiques, l’activité des enseignants et des éducateurs religieux, les activités des associations de jeunes, et perdus quelque part dans tout cela (l’ordre change quand on rafraîchit la page), « les célébrations liturgiques ». « L’Eglise, c’est Jésus répandu et communiqué », disait Bossuet en une formule admirable de concision et de vérité. Aujourd’hui, il se poserait des questions.
 

Le questionnaire psychosociologique en vue du synode sur la jeunesse

 
Quelles sont les urgences pour l’Eglise aujourd’hui ? La question suivante n’est pas moins orientée. Il faut en choisir trois dans une liste fermée : l’attention forte pour la défense des vérités professées ; la recherche d’un langage plus adapté au monde contemporain ; une plus grande cohérence morale entre les comportements et les valeurs affirmées ; une plus forte attention pour les problèmes de l’environnement ; ou pour les questions relatives à la paix ; ou encore à l’égard des problèmes sociaux ; le dialogue avec les autres religions ; la promotion et la défense de la vie depuis la naissance (sic) ; et, tout de même, une plus grande attention à la vie de prière. Et le culte divin ? Aux abonnés absents.
 
C’est une présentation relativiste en soi, puisque les jeunes s’imaginent par l’effet de cette seule juxtaposition que toutes ces préoccupations se situent à peu près sur le même plan et varient au gré de chacun.
 
On passe tout de suite à la présence sur Internet avec plusieurs questions sur le temps passé et l’importance accordée aux réseaux sociaux, notamment pour y témoigner de sa foi ou pour en obtenir les avantages personnels ou professionnels. Inévitablement, il y est question des fake news puisqu’on demande aux jeunes s’ils considèrent que des informations peuvent y être de pure invention. Vont-ils sur des sites à caractère « sexuel » ? La question est posée en passant, entre celle sur les amitiés et celle sur les réseaux de discussion politique.
 

A quoi sert l’Eglise ? Aux jeunes de donner la réponse, le synode en prendra acte…

 
Pour finir, le jeune est invité à évoquer un épisode dont il a été le témoin direct ou indirect, où il a considéré que l’Eglise a donné un exemple réussi d’accompagnement des jeunes. (Le baptême, par exemple ? Ne rêvons pas…)
 
Voilà. C’est pauvre. Ce n’est pas avec ce questionnaire que l’on pourra déterminer quels sont les besoins en matière de catéchèse et de formation religieuse, si les jeunes connaissent ou non leur foi, s’ils ont la possibilité et le désir de recevoir les sacrements, s’ils savent seulement de quoi il s’agit. On leur parle de leurs rêves et de leurs difficultés ici-bas, mais pas de la raison de leur existence et encore moins des fins dernières. C’est l’étude de marché commandée par une Eglise qui semble ne plus savoir qui elle est – ou en tout cas, cautionnée par des hommes qui y ont autorité et qui ont pondu ce questionnaire à la Prévert pour répondre à l’intitulé : « Les jeunes, la foi et le discernement de la vocation. »
 
Le plus extraordinaire, c’est que l’on peut remplir ce questionnaire à volonté, l’envoyer plusieurs fois, depuis le même ordinateur et en l’espace de quelques heures ; tous les moyens de trucage sont là.
 
On attend avec intérêt, mais non sans effroi, le dépouillement.
 

Jeanne Smits