La surveillance a de beaux jours devant elle, ou plus exactement, le pire est à venir. Facebook vient d’acheter une société qui fabrique des logiciels de reconnaissance faciale, FacioMetrics, avec l’objectif affiché d’« apporter plus de “fun” aux photos et vidéos » postées sur le réseau social. Les quelque 1,8 milliards d’utilisateurs de Facebook vont y trouver de nouvelles manières, plus « créatives » de partager leurs expériences. Que du bonheur ? En réalité, non. Outil extrêmement puissant, le logiciel affiche un taux de réussite exceptionnel et il n’aura pas seulement d’utilisateurs « récréatifs » : une telle application présente un intérêt considérable pour les organismes policiers et plus largement pour tout l’appareil « Big Brother » qui se met progressivement en place. L’acquisition entre dans une logique bien précise.
Au moment de la présentation à la presse, en décembre dernier, de FacioMetrics, qui s’appelait alors IntraFace, de multiples utilisations du nouveau logiciel étaient mises en avant par Carnegie Mellon University qui voulait attirer l’attention sur le risque qu’il présente pour la vie privée.
Facebook utilisera FacioMetrics, et Big Brother sera content
Le communiqué expliquait : « L’analyse faciale automatisée est au cœur d’une série d’applications potentielles qui vont de l’évaluation de l’état émotionnel des patients au suivi de la qualité d’attention d’un auditoire lors d’une présentation publique. (…) IntraFace représente une percée dans la reconnaissance faciale en simplifiant l’analyse de l’image faciale, en travaillant rapidement, précisément et avec une telle efficacité qu’il pourrait fonctionner sur la plupart des Smartphones. »
Cinq mois plus tard, la radio nationale américaine, NPR, expliquait l’un des moyens qui rend FacioMetrics si efficace : « Chaque fois qu’un de ses 1,65 milliards d’utilisateurs télécharge une photo sur Facebook et “taggue” une personne, cela vient en aide à l’algorithme de reconnaissance faciale. Le tag montre à l’algorithme l’aspect d’une même personne depuis différents angles et sous des éclairages différents… Si vous donnez à Facebook un visage à identifier, il va compulser moins de photos car il ne regardera que les vôtres et celle de vos amis. Facebook, selon la société, est capable d’identifier correctement une personne dans 98 % des cas. C’est à comparer avec la technologie de reconnaissance faciale de la FBI, Next Generation Identification, qui identifie la personne correcte parmi les 50 les plus probables dans seulement 85 % des cas. »
L’acquisition du fabricant de FacioMetrics met Facebook en position de surveiller ses utilisateurs
Intégré dans le géant Facebook, FacioMetrics ne saurait qu’améliorer ses performances – et les pouvoirs publics américains ont tout lieu de s’en satisfaire, étant donnée la bonne volonté avec laquelle Facebook et d’autres plates-formes de communication sur Internet transmettent les données de leurs utilisateurs. Facebook et Microsoft ont avoué quelque 50.000 transmissions à la suite de mandats judiciaires de 2012 à 2013. Mais nul ne saurait dire combien de comptes ont été mis à nu au bénéfice de la NSA, comme l’affirme Edward Snowden : des millions ?
Il existe même un logiciel de récupération de données, PRISM, comme en atteste le Washington Post, qui permet à la NSA et au FBI « d’intercepter directement les données des serveurs centraux des neuf principales compagnies d’Internet américaines, pour en extraire des ressources audio et vidéo, des photos, des courriels, des documents et des historiques de connexion qui permettent aux analystes de suivre les mouvements et les contacts d’une personne dans le temps ».
Cette coopération mise en place en 2007 a fait dire à Snowden qu’elle permet une telle invasion de la vie privée que la NSA et la FBI « peuvent littéralement voir vos idées se former pendant que vous tapez ».
Un logiciel de reconnaissance faciale maniable et peu gourmand
Cette surveillance fédérale fonctionne également avec Yahoo, Google, PalTalk, AOL, Skype, YouTube et Apple et fait appel à un autre programme de mise en commun de données depuis les services de renseignements et même les partenariats commerciaux, BLARNEY.
Combinés avec la technologie FacioMetrics, tous ces outils de surveillance deviennent de plus en plus précis et faciles à manier, occupant de moins en moins de place et promettant de reconnaître jusqu’à la somnolence ou la dépression.
Mais pourquoi Big Brother s’y intéresserait-il ? Eh bien, par exemple, pour empêcher un conducteur fatigué de conduire, ou pour interdire la vente d’une arme dans les Etats où cela reste légal à une personne montrant des symptômes de maladie mentale. C’est pour leur bien, dira-t-on. Mais en attendant, tout se met en place pour que l’Etat, servi par des machines, puisse alourdir sa tyrannie quotidienne.