Le Fonds vert pour le climat, destiné aux pays plus pauvres, brasse des milliards… pour développer le secteur privé des pays riches ?

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Ce n’est pas Mediapart qui s’en émeut, mais un grand article du New York Times. Les pays pauvres croyaient pouvoir bénéficier davantage de ce Fonds vert pour le climat lancé par les Nations unies en 2011 à la conférence de Durban. On leur avait promis des milliards, via ce mécanisme financier – ils n’en ont pas beaucoup vu la couleur. En réalité, seulement 1/10 du financement a été consacré à des projets détenus et exploités par des pays pauvres… alors que nombre de projets discutables ont été investis par le secteur privé des pays développés.
 
A Bonn, en ce moment même, à la COP23, les pays du Sud pointent le décalage, le problème. Mais faut-il s’étonner du côté (seulement ?) obscur de la finance verte, nouvel eldorado… ?
 

Le Fonds vert pour le climat en question depuis l’origine

 
Déjà, accéder au Fond vert pour le climat (FVC) est un véritable parcours du combattant que nombre de pays potentiellement bénéficiaires ont abandonné. Ce fonds qui veut cumuler 100 milliards de dollars par an à partir de 2020, pour financer officiellement la lutte contre le réchauffement climatique dans les pays en voie de développement, génère pourtant des opérations.
 
Le Maroc vient tout juste de recevoir un appui financier de 100 millions de dollars dans le cadre du FVC. Le 8 novembre dernier, le Groupe de la Banque africaine de développement (BAD) a signé un accord de partenariat avec ce fonds mondial.
 
Mais des critiques se lèvent – qui ne datent pas d’hier. En décembre 2011, déjà, plus d’une centaine d’organisations avaient émis des doutes sur la qualification réelle de ce Fonds vert, considérant qu’en l’état, ce fond pourrait servir « les intérêts des entreprises multinationales et du secteur financier plutôt que de garantir le financement d’activités visant à protéger la planète et à lutter contre la pauvreté dans les pays en développement »…
 

« Améliorer les rendements du secteur privé » ? !

 
Aujourd’hui, la critique est toujours la même, confortée par la réalité. C’est ce qui ressort des conclusions des « observateurs » accrédités (deux issus de la société civile et deux issus du secteur privé), qui assistent aux sessions des 24 membres du Conseil du Fonds vert.
 
Selon certains, anciens ou encore en poste, bon nombre des projets, très rapidement soutenus, ont été approuvés malgré les inquiétudes qu’ils avaient soulevées : en particulier ceux impliquant le secteur privé, représentant 2,6 milliards de dollars de financement de projets autorisés jusqu’à maintenant. Clairement, ils dénoncent « un vrai manque de transparence ».
 
L’un d’entre eux pointe cet accord de 265 millions de dollars avec un fonds d’investissement basé au Luxembourg (Geeref Next) pour financer des projets d’énergie verte dans une trentaine de pays sans divulguer les projets qui seraient financés… Un autre, cet investissement de 25 millions de dollars dans la construction de panneaux solaires en Afrique, mené par l’île Maurice qui est un paradis fiscal… Ou encore ces 110 millions de dollars de prêts et subventions pour des projets solaires au Kazakhstan, projet dirigé entre autres par la société londonienne United Green Energy.
 

Seulement 1/10 du financement a échu aux pays pauvres

 
Concrètement donc, seulement 1/10 du financement a été consacré à des projets locaux, détenus et exploités par des pays pauvres, les cibles de base du programme de départ. Le FVC préférant manifestement arroser des entreprises privées dirigées par des sociétés d’investissement mondiales…
 
Le fonds n’a encore rassemblé « que »10,3 milliards de dollars ; on imagine quand il aura les 100 milliards prévus initialement. Et même davantage, puisque les plus engagés affirment que cette énorme somme ne sera pas suffisante face aux tout-puissants enjeux climatiques de demain.
Le New York Times évoque des pressions concurrentes, de le part des donateurs qui veulent hâter les décaissements pour l’image, des pays que le Fonds est censé aider, mais aussi du secteur privé dont l’investissement a été augmenté, soi-disant pour compenser le déficit prévu des contributions des pays industrialisés.
 

Gigantesque outil de répartition…

 
Une chose est sûre, un tel levier financier, dans un contexte aussi trompeur et aussi politiquement manipulateur que celui du réchauffement climatique, ne peut que générer non seulement des abus, mais la mise en place d’un véritable système de répartition dont les bénéficiaires semblent être à la fois les pays pauvres, pour une part, et les puissances financières, pour une autre part, visiblement plus grande – dialectique toujours.
 
Et les mêmes de nous faire pleurer sur le destin des Kiribati, ces trois archipels de l’Océan Pacifique, situés à deux mètres en moyenne de la surface de la mer, victimes toutes proches de la montée des océans… Un rapport de la Banque mondiale estimait, en 2000, que si rien n’était fait, plusieurs de ses îles seraient quasi submergées d’ici à 2050 (en l’occurrence, d’autres experts accusent, dans cette érosion des rivages, les « activités humaines locales »… mais c’est moins vendeur).
 
Les Kiribati n’ont encore rien reçu du Fonds vert. En haut lieu, on va s’offusquer, ajuster quelque peu et continuer la grande arnaque. En tout cas, Trump a déclaré que les Etats-Unis ne donneraient plus leurs dollars…
 

Clémentine Jallais