DRAME Julieta ♥


 
Julieta est un drame espagnol, réalisé par le ô combien célèbre et sulfureux Pedro Almodovar. Son nom seul a de quoi effrayer le spectateur honnête. Pourtant, Julieta est un film classique, du moins pour notre époque, dénué de ses habituelles provocations obscènes en général, et pro-LGBT en particulier. Il n’est certes pas visible pour tout public, mais, selon nous, l’est pour des spectateurs adultes honnêtes. Julieta offre une galerie de portraits d’Espagnols, principalement des femmes, des années 1980 à nos jours, à travers la vie du personnage principal éponyme.
 
Julieta est donc une femme mûre espagnole d’aujourd’hui. Elle est professeur de grec ancien à l’université, à la veille de la retraite. Elle est aussi sur le point de quitter Madrid définitivement pour vivre à Lisbonne, avec son fiancé, un écrivain de son âge, très épris d’elle. Ils sont heureux, apparemment, et envisagent avec sérénité de « vieillir ensemble ». Mais ces projets bien avancés sont subitement brisés par une rencontre fortuite dans une rue de Madrid. Julieta croise et reconnaît Beatriz, la grande amie, durant leur adolescence une quinzaine d’années plus tôt, de sa fille Antia. Elle apprend alors que sa fille est mariée, et a trois enfants. Or, cela fait treize ans qu’elle n’avait pas eu de nouvelles de sa fille unique. Alors, elle s’effondre psychologiquement, annule tous ses projets, et se livre à un travail d’introspection : comment une fille peut-elle avoir la monstruosité de rompre ainsi totalement avec sa mère ?
 

Julieta : réussi mais vraiment pas joyeux…

 
Ce travail d’introspection du personnage principal prend la forme d’un récit de vie. A travers Julieta, fille d’instituteurs, jeune enseignante suppléante de lettres classiques dans des établissements secondaires, trente ans plus tôt, défilent aussi trois décennies d’histoire sociale espagnole. Le spectateur attentif observe les changements très significatifs des décors, des modes, l’apparition d’appareils nouveaux, des téléphones portables aux tablettes, qui ont bouleversé le quotidien. Les déplacements de Julieta permettent aussi d’observer différentes régions d’Espagne, et leurs métiers traditionnels, comme les agriculteurs d’Andalousie ou les pêcheurs de Galice. Quelques personnages sont plus insolites parfois, comme une sculptrice d’art contemporain exilée volontairement dans un petit port de Galice, sans être pour autant absurdes. Le point de vue est celui de la gauche espagnole, mais sans outrances. De façon général, le réalisateur a fait preuve d’une retenue, d’une sobriété exemplaires.
 
Julieta propose le récit de vie d’une femme tourmentée, qui a eu des malheurs, et les a aggravés par une tendance à l’introspection maladive et culpabilisante. Elle est pourtant tout sauf criminelle. Même si l’on ne partage pas du tout l’arrière-fond culturel de la gauche espagnol, qui peut même parfois agacer, ce petit exercice original de fiction et psychologie féminine est, selon nous, réussi. Enfin, Julieta n’est tout de même vraiment pas joyeux…
 

Hector JOVIEN

 
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