Elizabeth II, Wladimir Poutine et Angela Merkel sont venus célébrer le débarquement de Normandie mais la grande vedette est Barack Obama. Sous les remerciements de tous, il a célébré les « soixante-dix ans de démocratie » commencés sur les plages de la Manche : pour lui, le 6 juin 1944, l’Amérique fondait la démocratie mondiale.
Ca a commencé très fort.
Quelques jours après le 6 juin 1944, Lisieux, Caen, et toute la Normandie étaient pilonnés par l’aviation américaine, puis ce serait le tour de l’ensemble de la façade atlantique, du Havre à Brest, Lorient et Royan, rayé de la carte en plein mois d’avril 1945, alors qu’Hitler se terrait dans son bunker et que la guerre était techniquement finie.
Amis et ennemis massacrés de même
En tout 66.000 civils français massacrés.
Les 13 et 15 février 1945, Dresde recevait des tapis de bombes au phosphore, qui la rendait célèbre parmi les dizaines de villes du Reich rasées par l’aviation des démocraties, laquelle tua cinq cent mille civils allemands dans les dernières années de guerre, selon les estimations les plus basses.
Les six et neuf août 1945, Hiroshima et Nagasaki reçurent chacune sa bombe atomique
La napalmisation du Viet Nam fut peu de chose en comparaison, mais les bombardements de l’Irak pendant la guerre du Golfe ont fait remonter les statistiques. Les frappes chirurgicales, comme on les appelait dans la salle de presse du Pentagone, ont tout de même expédié ad patres des dizaines de milliers de civils, enfants compris.
On comptera par pertes et profits les dommages collatéraux de nombreux conflits, de la Corée à l’Afghanistan.
Les soixante-dix ans de démocratie décrits par Obama furent d’abord un partage du monde entre Américains et Soviétiques ( et ce serait un autre papier, encore plus navrant, de dresser la liste des méfaits des démocraties dites populaires ), avant vingt-cinq ans de cavalier seul US. L’Europe effondrée profita, grâce aux accords Blum Byrnes en 1947, des bienfaits du Coca-Cola et du western, puis, après, et même déjà avant, la fin de la convertibilité du dollar en or sous Nixon, des joies des fluctuations du billet vert et du déficit américain, avec toutes les suites que nous vivons. La ruine d’une civilisation a suivi celle des puissances qui vivaient d’elle.
Un continent endetté, appauvri, privé d’identité et de souveraineté par « soixante-dix ans de démocratie » peut remercier, célébrer une soixante-dixième fois avec pompe un jour effectivement exceptionnel : le 6 juin 1944, l’Amérique fondait la démocratie mondiale sur le sable des plages normandes et des bonnes intentions proclamées.