La folle idée de Jenni Murray : de la pornographie à l’école pour mieux la combattre…

Pornographie école Jenni Murray
 
Comment vacciner les jeunes contre le déferlement croissant de la pornographie ? Et bien par de la pornographie ! C’est ce que propose, sans honte aucune, une animatrice de la BBC, Jenni Murray : voir, analyser les films porno en classe, à l’école, pour les décrypter et les rendre du coup – soi disant – « inoffensifs »… Une extrémité à laquelle a réagi, avec un certain humour, une journaliste du Télégraph, dans un article qui remet les pendules à l’heure.
 
Cette folle proposition a le mérite de montrer comment le monde moderne pense pouvoir soigner les blessures qu’il s’est laissé recevoir… dans cette société où l’industrie du sexe a envahi les écrans et où les parents ne surveillent plus assez leurs enfants, séparés, absents, au travail et occupés sur leurs propres smartphones. Douloureux constat d’échec…
 

Analyser un film porno à l’école « comme on ferait d’un roman de Jane Austen »

 
Qu’a dit exactement Jenni Murray ?! Cette journaliste britannique, qui présente l’émission « L’heure des femmes » sur la BBC, part de cette logique : l’accès à Internet est partout, les parents n’arrivent plus à surveiller leurs enfants, il faut bien que quelqu’un s’occupe du problème. Pour ce faire, elle a proposé, cette semaine, d’analyser la pornographie directement en classe (mixte!), pour la décrypter, la démystifier.
 
Et comment ?! Via un film-exemple, « comme on ferait d’un roman de Jane Austen »… Elle veut rogner les griffes de cette hydre numérique, en déconstruisant, en montrant que c’est tout sauf la réalité : pointer les clichés, les fantasmes redondants, les visuels répétés, souligner l’absence de sourire, clouer au pilori cette caricature abêtie de la sexualité… pour faire prendre aux jeunes la distance nécessaire.
 

Une désastreuse expérience « grâce à » Jenni Murray…

 
Une journaliste du Télégraph, la cinquantaine, a pris le projet de Jenni Murray au pied de la lettre. Son profil était le même que certains de ces élèves potentiels  : elle n’avait jamais vu de porno. Le temps d’un après-midi, elle se fait rapidement son expérience… « désastreuse » !
 
« Out-and-out obscene », « purement et simplement obscène » ! Et elle s’arrête bien avant ce qui se fait de pire en la matière. Elle parle d’« humiliation », de « nausée ». Les rapports sont parfaitement corrompus : les hommes dans la violence, les femmes dans l’acceptation et la simulation. Tout est accessible, d’un simple « clic », d’un simple mot, parfois même sans rapport avec. Au bord de la « panique morale », elle se dit qu’elle fait bien partie de ces parents-autruches qui ne savent pas ce à quoi peuvent avoir accès leurs propres enfants…
 
Sauf que. Faut-il corriger le vice par le vice … ? Quel degré choisir pour le film-matériau à étudier en classe ? Quel professeur pour se coller à une telle entreprise ?! Et les enfants qui n’auraient jamais vu ces immondices, on les pervertirait d’office ?!
 

La pornographie : une drogue dure

 
Notons en passant que l’animatrice radio est aussi présidente de la « Family Planning Association », une association qui informe le jeunesse sur la contraception, l’avortement et le tutti quanti – ce qu’ils appellent « la santé sexuelle ». Comme la pornographie fait désormais partie intégrante de notre paysage d’apprentissage de la vie, il faut compter avec et donc traiter avec.
 
Ce n’est pourtant pas en goûtant au mal qu’on s’en détache. Jenni Murray semble oublier que la pornographie n’est pas une idée intellectuelle dévoyée, un anti-art à renverser, c’est une drogue, véritable, qui génère donc une dépendance, au-delà des effets profondément néfastes qu’elle génère. Proposera-t-elle des cours de shoot généralisé pour discuter des effets hallucinogènes ? Le problème serait encore de choisir entre l’opium et l’héroïne…
 
Judith Woods ne rejoint pas Jenni Murray. Elle préfère donner à ses enfants le sens de la vraie réalité et la force pour résister à ces horreurs qui sont « sans amour et sans joie ».
 

Une enfance abîmée

 
Car il est vrai que le poison est là, et qu’il s’étend – les chiffres font froid dans le dos. Le développement des smartphones et de l’accès permanent à Internet pour chacun, sans réelle surveillance des parents qui plus est, font exploser les statistiques.
 
« Bitdefender », une société de production d’antivirus qui dispose de son propre laboratoire d’analyse des comportements des internautes, vient tout juste de publier une étude : les enfants de moins de 10 ans représentent 10 % des visiteurs de sites pornographiques, tous profils confondus, et 22 % des visiteurs mineurs…
 
Un rapport qui se rapproche des résultats publiés au printemps 2015 par l’association « Ennocence » : d’après cette association spécialisée dans la « protection des enfants contre les risques d’exposition à la pornographie en ligne », un Français a en moyenne 11 ans lorsqu’il est exposé pour la première fois à du contenu pornographique en ligne.
 
A cet âge de l’enfance, la confrontation est majoritairement involontaire : vidéos pirates sur les sites de streaming illégaux, spams via les réseaux sociaux, publicités intrusives… Mais le poison est administré. Les effets ne se font pas attendre si l’enfant ne sait pas comment réagir – parfois tragiques, toujours dramatiques. Et rien ne sera fait contre : trop d’argent est en jeu et ce jeune visiteur involontaire est le consommateur volontaire de demain.
 
Comment vraiment « réparer » ces enfants abîmés, est un autre problème, bien douloureux et délicat. Reste que ce ne sera sûrement pas en lui faisant voir des pornos dans un cadre éducatif…
 

Clémentine Jallais