“La Révolution jeune de 100 ans” : RT.com rend hommage à Lénine et à la lutte anticapitaliste

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Cent ans de crimes communistes… 100 millions de morts selon les estimations scientifiques les plus modestes des plus modestes… L’horreur totalitaire répandue à travers de nombreux pays du monde… Le refus de Dieu et de sa loi… Si c’est ainsi que vous jugez le marxisme-léninisme, communiste et athée, il vaut sans doute mieux passer votre chemin et éviter de regarder le documentaire consacré par le média proche du Kremlin rt.com à l’actualité de la Révolution d’octobre : Revolution, 100 years young. Une révolution « jeune » de 100 ans qui séduit encore dans les pays capitalistes… Et puis non. Ce sont des images qu’il faut regarder, tant elles révèlent que l’esprit de Lénine est loin d’être mort. Et que ce média russe – dans un pays qui a tant souffert de la tyrannie bolchevique – continue de souffler sur les braises, entretenant la haine socialiste et les facteurs de discorde, surtout en Occident.
 
Disons-le d’emblée : si l’objectif est la propagande, à travers des rencontres avec des communistes contemporains, la réalisation, elle, est tout ce qu’il y a de plus professionnel. Le film est bien fait, le choix des angles de vue, des images et de la musique témoigne d’une habileté dans la manipulation des sentiments qui n’a rien à envier à ce que les grands médias contemporains manient chaque jour.
 

Comment Russia Today célèbre les 100 ans de la Révolution d’octobre

 
Images de feu et de manifestations, de poings levés et de bustes de Lénine, le ton est donné, la Révolution marxiste est violente, il ne peut-il en être autrement, il s’agit de remplacer une classe au pouvoir par une autre. Rien que du très classique, même si à plusieurs reprises, les personnalités interrogées assurent que les violences révolutionnaires ne sont jamais que des actes d’autodéfense. Il en va ainsi depuis la Terreur…
 
Mais il y a aussi et comme toujours dans dimension messianique, le rêve d’un monde meilleur, l’idée qu’il y a sur cette terre « assez » pour tout le monde pourvu qu’on répartisse les biens : du millionnaire communiste suédois Lasse Diding à la danseuse Ezgi Zaman, membre du parti communiste turc vivant en Allemagne où elle participe à toutes les manifestations d’extrême-gauche, l’idée est la même, il faut renoncer aux excès de la propriété et mettre fin au capitalismes pour enfin trouver le bonheur et le partager. On l’admire, la ballerine rouge, dansant au son d’Hasta Siempre – l’adieu à Che Guevara – lors d’une manifestation de rue en Allemagne, à la 25e minute du documentaire. Pour « protester contre le capitalisme ».
 
Lasse Diding, cela ne s’invente pas, a créé un prix Lénine pour « contrer » le prix Nobel : il récompense tous les ans un Suédois qui a bien mérité de la Révolution, et qui se voit gratifié d’une statue de Marx, de Lénine ou du Che. Fumant le cigare façon barreau de chaise dans la piscine du sauna de son hôtel décoré de posters de Mao et des guérilleros zapatistes de Chiapas, Diding est-il vraiment l’image d’un bienfaiteur de l’humanité ? C’est en tout cas ainsi que le présente le documentaire de Russia Today.
 

RT.com salue Lénine et la lutte anticapitaliste en Occident

 
Parlons des Zapatistes, justement. Direction, le Mexique. Là, l’équipe de vidéastes de rt.com ont rencontré une Chilienne victime de la répression du « régime de Pinochet » pour cause de communisme, atterrie là pour soutenir le combat indigéniste des Mayas pour le compte desquels elle vend des figurines tricotées de guérilleros encagoulés. Une vraie héroïne, cette Beatriz Aurora, on vous dit !
 
Quant aux commentaires politiques ou philosophiques, ils sont laissés aux soins d’un philosophe français filmé à Paris (on a droit à quelques images de brutale répression policière des manifestations ouvrières) : Alain Badiou, qui rêve de nouvelles formes de révolution communiste et qui, comme l’a souligné Philippe de Villiers dans son livre Les cloches sonneront-elles encore demain, espère pour la France l’arrivée du « sang neuf ».
 
Villiers le cite : « Que les étrangers nous apprennent au moins à devenir étrangers à nous-mêmes, à nous projeter hors de nous-mêmes, assez pour ne plus être captifs de cette longue histoire occidentale et blanche qui s’achève, et dont nous n’avons plus rien à attendre que la stérilité et la guerre. Contre cette attente catastrophique, sécuritaire et nihiliste, saluons l’étrangeté de demain. » Philippe de Villiers commente : « Le renversement est total : Jules Ferry prétendait apporter la civilisation à l’Afrique. Jules Ferry est condamné par Badiou. Et voici que c’est le “Malien de la plonge” qui devient notre rédempteur. Il vient chez nous apporter sa civilisation à des peuplades fatiguées, éreintées, ventrues, repues. Il faudra encore un peu de temps pour faire accepter la rétro-colonisation, mais elle est en route. »
 

Lénine et le communisme occidental qui s’en inspire

 
La voilà donc, la révolution selon Badiou : c’est la destruction de la civilisation occidentale par le jeu d’une classe contre une autre, immigrés contre autochtones. On ne saurait mieux décrire les variations de la dialectique qui passe d’une lutte des classes à l’autre.
 
Un tel expert pour commenter un film réalisé par un média quasi officiel russe ? Cela ne manque pas de sel quand on sait la fascination d’une certaine droite nationale pour Poutine et ses semblables.
 
En fait, l’idée est très claire : il s’agit de dénoncer un capitalisme en déroute, une globalisation qui a failli, comme le martèle par ailleurs le très globaliste Forum économique mondial en réclamant un meilleur partage de richesses, à l’unisson de l’ONU et ses Objectifs du développement. La révolution socialiste n’est pas terminée, et comme le note l’une des personnalités rencontrées pour les besoins du film, un autre communiste suédois, le dessinateur Artur Szandrowski, pour que cela fonctionne, il faut d’abord conscientiser le peuple. Comme sut le faire, dit-il, admiratif, La Pravda.
 
Et c’est ainsi qu’on peut glorifier la révolution communiste, ses figures qui n’ont rien à envier à Hitler en termes d’horreur concentrationnaire, en annonçant de nouveaux lendemains qui chantent. On m’objectera qu’il n’y a pas de glorification expresse du communisme dans ce documentaire de Russia Today. Sans doute n’y a-t-il pas d’adhésion explicite, mais une complaisance, un choix de mise en scène, un choix d’intervenants qui ne trompent pas.
 

Jeanne Smits