« Mourir dans la dignité », disent-ils. Cette histoire tristement exemplaire montre à quel point la logique des marchands de la « mort choisie » est à l’exact inverse de cette promesse infernale. Au Royaume-Uni, deux sœurs âgées de 40 et 29 ans ont décidé d’organiser une fête pour récolter suffisamment de fonds pour payer le voyage aller de leur mère, Jackie Baker, 59 ans, en Suisse, afin d’y obtenir un suicide assisté dans une clinique Dignitas. Drag-queen et serveurs « playboy » sont au programme.
Tara O’Reilly, coiffeuse, et Rose Baker, sa petite sœur, disent s’être résolues « la mort dans l’âme » à organiser cette fête dans un pub gallois avec l’espoir de récolter 8.000 livres (plus de 10.000 euros) afin de payer la prestation « Dignitas » pour leur mère – une forte somme qui dépasse évidemment le prix du billet d’avion, même pour une personne handicapée, et en dit long sur le caractère lucratif des affaires de la société suisse de suicide assisté.
Une fête avec drag-queen et playboys pour attirer les donateurs en vue de faciliter un suicide « Dignitas » en Suisse
La soirée aura lieu ce vendredi dans un pub très populaire de Llanelli, au Pays de Galles. Réservée aux dames – « Ladies Only » –, elle promet la participation d’une « artiste drag » (un travesti, donc) et de serveurs « playboy » pour tenir le buffet froid (ça tombe bien) inclus dans le prix de 15 £ par personne.
Jackie Baker est tombée malade en février dernier, victime d’une maladie neuromotrice. « Prisonnière » de son fauteuil roulant, elle a vu sa santé se détériorer très rapidement : cette photographe amateur passionnée ne peut même plus soulever son appareil photo et elle éprouver déjà des difficultés à parler. Mais elle n’est pas mourante…
Ses filles ont eu du mal à accepter que Jackie veuille mettre un terme à ses jours mais elles se sont laissé convaincre. Leur grand-mère avait été emportée par la même maladie à 62 ans. Elles ont « le cœur brisé » de voir leur mère, « esprit libre et créatif », confinée dans un fauteuil de handicapé, dépendante des tiers pour l’ensemble de ses soins. Elles se sont rendues à l’évidence : sa situation ne s’améliorera pas et sa maladie s’annonce pénible.
Deux sœurs veulent lever 8000 £ pour aider leur mère à mourir alors que le suicide assisté est interdit au Royaume-Uni
« Si c’était moi je prendrais le même chemin. Nous voulons que maman ait un bon départ », explique Rose Baker.
Tous les ingrédients de la culture de mort y sont : le refus de la souffrance, la mobilisation populaire pour faire approuver l’inacceptable et rendre chacun complice, l’idée de l’autonomie absolue de la personne, le contournement des lois et la publicité pour les faire évoluer, le clin d’œil à la licence sexuelle – et l’assurance que tout cela est fait « par amour ».
25 % des clients de Dignitas sont aujourd’hui des Britanniques, alors que le Royaume-Uni continue de pénaliser le suicide assisté qui encourt la peine maximale de l’emprisonnement à vie. Mais dans la pratique, les clients de Dignitas et ceux qui les aident à se rendre en suite ne font pas l’objet de poursuites.