Très intéressante analyse dans le Daily Telegraph, sous la plume d’Ambrose Evans-Pritchard, sur la crise financière russe. Alors que le directeur délégué de la banque centrale russe, Sergei Shvetsov, parle d’un « cauchemar que nous n’aurions même pas pu imaginer il y a un an », la chute du prix du baril de pétrole et la chute du rouble qui a perdu 50 % de sa valeur en un an, la valeur de l’économie russe s’est contractée d’autant. C’est Vladimir Poutine qui risque d’être rendu responsable de cet état de fait et c’est lui, explique Evans-Pritchard, qu’on essaie de mettre à genoux.
La chute des revenus de l’exportation, alors que la vente de matières premières – pétrole, gaz et métaux – représente 73% du total et la moitié du budget russe, la Russie risque une récession encore plus grave que celle qui menaçait déjà quand le baril était à 110 $. Tout cela dans un contexte intérieur peu porteur : que ce soit pour la qualité du réseau routier, la disponibilité d’ingénieurs et d’avances technologiques ou la lourdeur administrative, la Russie est en queue de tableau par rapport aux autres pays du monde. Et du fait de l’hiver démographique, elle perd un million de travailleurs par an.
Guerre économique contre la Russie de Poutine
Mais la crise financière et celle du prix des matières premières sont aussi les manifestations d’une guerre économique sans pitié qui se livre contre la Russie de Poutine. Elle répond au « pari » engagé par ce dernier lorsqu’il a proclamé l’annexion de la Crimée : il pensait, parce qu’il en avait reçu l’assurance de ses experts, avoir suffisamment de réserves de devises pour soutenir la tempête qui, inévitablement, allait se déclencher. Il n’avait pas pris compte de la chute du cours du pétrole que bien des analystes prévoyaient déjà avec la montée du gaz de schiste exploité par les Etats-Unis.
« L’équipe du Kremlin n’a pas non plus compris pleinement que la Russie est bien plus vulnérable aux sanctions étrangères maintenant qu’elle dépend du capital étranger et qu’elle est imbriquée dans la finance globale. Au cours de cette dernière décennie, une cellule d’élite du Trésor américain a aiguisé les armes de la guerre économique, mettant sur pied des moyens de mettre des pays à genoux sans tirer un seul coup de feu », écrit Evans-Pritchard.
La puissance russe dépendante de la finance globale
« Cette stratégie repose sur un contrôle hégémonique du système bancaire global, protégé par la forteresse d’un réseau allié », ajoute-t-il, citant Juan Zarate qui dirigeait naguère la cellule : « C’est un nouveau type de guerre, comme une incursion financière rampante qui a pour objectif de restreindre la circulation du sang vital financier de nos ennemis, absolument sans précédent dans sa portée. »
Alors que la vie quotidienne des Russes est affectée, qu’ils se précipitent sur les denrées qui ne perdront pas leur valeur et tentent de récupérer leurs liquidités, Poutine a plusieurs lignes de défense : les taux d’emprunt du rouble sur le Libor sont passés à 30 % pour éviter la spéculation à la baisse, et la menace sur les zones ethniquement russes des Pays Baltes semblent s’accentuer avec la volonté de « tester » le répondant de l’OTAN, estime Evans-Pritchard. « La question n’est pas celle de la Crimée. Nous protégeons notre souveraineté et notre droit d’exister », déclarait Poutine jeudi dernier. La question est de savoir s’il va pouvoir résister à l’impopularité qu’entraînera nécessairement la crise actuelle.