DRAME Sils Maria
Cinéma ♥♥

Sils Maria
 
Le titre anglais, plus complet, les « nuages de Sils Maria » renvoie à un phénomène météorologique rare, un serpent nuageux dans une vallée suisse. Les paysages naturels suisses sont magnifiques. Ici, le serpent constitue aussi une métaphore de la difficulté des relations humaines, voire de certaines personnes détestables. Sils Maria n’intéresse pas a priori pour son scénario de base : une actrice quadragénaire interprète dans une pièce d’avant-garde suisse le rôle de la femme vieillissante, après avoir tenu celui de la jeune séductrice, vingt ans plus tôt. On craint les lieux communs de notre époque, un plaidoyer pour des amours incongrues, exposées sans pudeur.
 
Or, ce n’est pas le cas du tout. Le réalisateur, Oliver Assayas, un des rares intégrés au monde le plus officiel et réellement doué, a su tirer le meilleur parti d’un scénario en fait très écrit et complexe, tout comme du talent d’un trio d’actrices à leur meilleur niveau, Juliette Binoche, Kirsten Stewart et Chloé Grace Moretz. Ainsi, il propose un bon film, vraiment, non un énième navet scabreux typique du cinéma français d’aujourd’hui.
 
Sils Maria comporte deux parties, une forme d’étude de mœurs, à la manière de Balzac, du monde international de la culture aujourd’hui, puis une action resserrée sur le trio évoqué. La première partie permet de donner un rythme, de rentrer dans un monde que l’on avouera peu pratiquer et encore moins goûter, en osant une satire discrète mais réelle très méritée. Les grands bourgeois suisses de Zurich vont applaudir l’avant-garde, qui attaque les bonnes mœurs, banalité surfaite hélas de nos jours, et surtout le capitalisme et la finance… Et tout cela en Suisse, ce qui s’avère particulièrement irrésistible car très crédible. Puis, les relations complexes entre femmes font l’objet d’un développement soigné. Les tendances mauvaises ne sont pas absentes, mais guère explicitées, ce qui étonne positivement aujourd’hui. La vision de l’humanité s’avère assez cruelle, mais méritée, du moins pour ce milieu. Le spectateur cinéphile passe un bon moment, indiscutablement.

Octave Thibault