L’effet boomerang des taux négatifs sur les banques centrales

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L’arroseur arrosé pour les banques centrales.

 
Parmi les mesures utilisées par les banques centrales pour stimuler l’économie, l’application de taux d’intérêts négatifs est un acte évident de désespoir. D’après une étude menée auprès de responsables de 77 de ces établissements de par le monde, les conséquences imprévues d’une telle mesure ont maintenant des répercussions négatives sur ces banques elles-mêmes. Elles sont en effet poussées à faire des acquisitions plus risquées.
 
Pendant les périodes de déflation, les particuliers comme les sociétés ont tendance à thésauriser l’argent au lieu de le dépenser et d’investir. Il en résulte un effondrement qui mène à un écroulement des prix, un ralentissement ou une halte de la production effective et des rendements, et la hausse du chômage. Une politique de libéralisation et d’accroissement de la monnaie est habituellement employée en cas de stagnation économique. Cependant, si les forces déflationnistes sont puissantes, se contenter d’abaisser à zéro le taux d’intérêt de la banque centrale peut s’avérer insuffisant pour stimuler l’emprunt et le prêt.
 

Parmi les prochaines victimes : les banques centrales elles-mêmes

 
L’argument utilisé pour l’établissement de taux d’intérêts négatifs est qu’en décourageant les banques, les consommateurs et les entreprises de conserver leurs liquidités, davantage d’argent sera dépensé. Les effets attendus ? Relancer l’économie, favoriser la croissance du PIB, endiguer les forces déflationnistes. Mais les choses ne sont pas aussi simples.
 
Les taux d’intérêts négatifs témoignent de difficultés économiques. En février dernier, les banques centrales des pays suivants ont appliqué cette mesure : la Suisse (- 0,75 %), la Suède, l’Irlande, la France, l’Italie, la Finlande, le Portugal et la Lituanie (- 0,3 % chacun) et Japon (- 0,1 %). Leurs taux de croissance demeurent bas ou négatifs. Même la Suisse est en proie à la déflation. Si une autre récession générale devait survenir, d’autres pays risqueraient de choisir la même politique, dont les USA. Cependant, alors que les prévisions de croissance sont exceptionnellement modestes et que les conditions économiques restent fragiles dans la zone euro et au Japon, leur utilisation mènera forcément à l’échec. Et parmi les victimes de la politique monétaire hasardeuse menée dans le monde figureront les banques centrales elles-mêmes. Car la plupart se résolvent aujourd’hui à faire des achats plus spéculatifs, plus risqués.
 

Les banques centrales spéculent

 
Que les banques centrales prennent davantage de risques fait l’objet de critiques, car leur rôle, rappelle Christian Déséglise, responsable financier à HSBC est de « préserver le capital, et par conséquent, investir dans des valeurs qui les conduisent nécessairement à perdre de l’argent est un contre-sens (…) Elles sont contraintes d’agir de manière plus agressive pour créer des revenus et dans certains cas prennent davantage de risques. »
 
Traditionnellement, les banques centrales investissent dans des valeurs sûres comme les obligations d’Etat ; mais aujourd’hui, beaucoup font appel à des emprunts regroupés et reconditionnés sous la forme d’avoirs « sécurisés », aux côtés des obligations.
 
On l’aura compris, les banques centrales ne se contentent pas de mettre en œuvre la politique monétaire, mais représentent une bonne part des investisseurs dans le monde. Selon le FMI, les réserves totales des banques centrales ont atteint de 10.900 milliards de dollars à la fin 2015.
 

L’ironie des taux d’intérêt négatifs

 
Qu’une entité créée en vue de contenir les risques systémiques prenne de plus en plus de risques elle-même est plutôt ubuesque. Après avoir tiré les taux d’intérêt vers le bas, les banques centrales ont adopté une conduite à risques contraire au principe d’une stratégie d’investissement qui favorise la liquidité et la sécurité. Elles ont elles-mêmes créé un environnement toxique, pour spéculer aujourd’hui comme tout le monde : on ne doit guère s’étonner que des investisseurs de par le monde en fassent autant. La prochaine bulle est devant nous.
 

Patrick Neuville