Voilà 100 jours que le nouveau président pour le moins atypique de l’Argentine tient le gouvernail de son pays, élu pour nettoyer des écuries d’Augias faites de pauvreté, de corruption, de dette, d’inflation galopante et de faramineuses dépenses publiques. Javier Milei tient-il ses promesses ? La journaliste sud-américaine Mamela Fiallo Flor lui accorde la note de B+, d’apparence modeste ; mais elle précise que ses prédécesseurs méritaient tout au plus un piteux D-. Ils ont laissé au président libertaire – mais pas tout à fait, puisqu’il s’affiche pro-vie avec panache – une économie pourrie jusqu’à l’os. Aucune solution ne peut dans cette situation-là être rapide ni indolore.
Encore que. Pour la première fois en plus de 10 ans l’Argentine a affiché un surplus budgétaire pour les dépenses publiques, et ce pendant deux mois d’affilée : janvier et février. On attend avec impatience les chiffres de mars… Le résultat est en tout cas inédit au niveau mondial et représentait une réduction du déficit de 5 % pour le seul mois de janvier.
En 100 jours, forte réduction de la dépense publique
L’inflation a chuté de 13 % en février : « C’est moins impressionnant qu’il n’y paraît, car l’an dernier elle était à 276 pour cent, la plus élevée au monde », note Mamela Fiallo. Elle rappelle qu’au 10 décembre, jour où Milei est entré en fonctions, la dette de l’Argentine à l’égard des créanciers étrangers était de 263 milliards de dollars américains. Les réserves en dollars étaient égales à zéro. 100 jours plus tard, elles atteignent les 7 milliards.
Comment a-t-il fait ? La tronçonneuse qu’il brandissait au cours de ses meetings électoraux est entré métaphoriquement en service. Le nombre de ministères a été divisé par deux, passant de 18 à 9. Quelque 50.000 fonctionnaires ont été licenciés. Les signatures de nouveaux travaux publics ont été interrompues, et les subventions énergétiques annulées. L’agence de presse gouvernementale a été fermée, tout comme l’officine de lutte contre la discrimination ; les subventions à la recherche et à l’industrie cinématographique ont été éliminées. Des compétences ont été transférées au secteur privé.
« La thérapie de choc de Milei a été douloureuse », reconnaît la journaliste. Les aides sociales ont chuté de près de 60 % en valeur constante par rapport à janvier 2023. En même temps, le resserrement a permis de mettre au jour un certain nombre d’utilisations abusives du système. Les dépenses relatives à l’emploi vont désormais se concentrer sur l’acquisition de compétences pour pouvoir intégrer le monde du travail, « l’accompagnement social » étant réservé aux plus de 50 ans et aux mères de 4 enfants et plus, avec l’objectif de « renforcer les familles ».
Le nombre de pauvres croît mais Javier Milei ne perd pas la confiance des Argentins
Plus dur à avaler pour la population argentine : la réduction des pensions de 32 % en pesos constants par rapport à janvier 2023 (en même temps que Milei annulait l’augmentation programmée des salaires pour l’ensemble de son gouvernement national). Pris à partie par l’ancienne présidente Christina Kirchner, Milei lui a proposé sur X de renoncer à sa retraite « privilégiée de 16.000 dollars par mois ».
Milei n’a pas d’autre choix que de réussir, souligne Mamela Fiallo Flor : il ne dispose pas de la majorité au Congrès et doit donc faire avancer ses réformes au coup par coup en obtenant l’approbation des élus. Le plus remarquable, c’est que malgré les mesures assez violentes qu’il a déjà prises, il bénéficie d’un taux d’opinions favorables qui n’est pas catastrophique : entre 45 et 50 %. A titre de comparaison, la cote de popularité d’Emmanuel Macron était de 29 % au début du mois de mars selon Ipsos…
Tout cela ne doit pas occulter le fait que la pauvreté et même la faim sont largement répandues en Argentine, avec 57 % de pauvres officiellement répertoriés en janvier selon une étude de l’Université catholique d’Argentine. Soit environ 27 millions de personnes dont 15 %, plus de 4 millions, n’ont pas de quoi manger à leur faim. Selon l’étude, la dévaluation opérée par Milei à son arrivée à la présidence en décembre a fait augmenter le prix des biens essentiels, et ce sont les classes moyennes et ouvrières dépourvues de tout aide sociale qui apparaissent comme les premières victimes de la mesure. On n’avait pas connu cela depuis 20 ans, même si la pauvreté était fortement répandue sous le système de gouvernance socialiste ou socialisante en vigueur.
Les 100 jours de Javier Milei marquent sa rupture avec le socialisme
Milei refuse d’en porter la responsabilité : « C’est le véritable héritage du modèle de caste », a-t-il affirmé. Et de proclamer que son gouvernement était prêt à « donner sa vie » pour que la réalité économique change en Argentine.
Milei a quatre ans pour réussir, en menant une politique qui est totalement à contre-courant de la course mondialiste vers le socialisme international. Ses ennemis sont et seront nombreux et l’Argentine aura besoin d’un vrai élan de charité au sein de sa société pour que la dé-socialisation puisse être faite sans dégâts pour les plus fragiles. Il s’agit, d’une certaine façon, de prouver que la solidarité nationale repose mieux sur les personnes que sur l’Etat.