Analyse : au 6e congrès des représentants des religions mondiales à Astana, la Chine donne des leçons de paix et de sécurité

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Si l’on veut vraiment comprendre ce que signifie la tenue régulière de Congrès des représentants des religions mondiales et traditionnelles dans la ville nouvelle d’Astana, au Kazakhstan, il faut se tourner vers le média anglophone contrôlé par le parti communiste de Chine, Global Times. Celui-ci a publié jeudi un compte-rendu enthousiaste de la sixième édition du Congrès qui s’est tenue les 10 et 11 octobre au sommet de la Pyramide de la Paix et de la Réconciliation dans la capitale kazakhe. Pas moins de 15 délégués chinois étaient présents, une bonne proportion sur les 200 participants représentant 46 pays. Selon le journal chinois, ces délégués ont insisté sur l’excellence de la politique religieuse en Chine et sur la manière dont elle contribue à la sécurité et à la stabilité.
 
Le principe de ces congrès qui ont lieu tous les trois ans à Astana est celui de l’égalité et de l’harmonie entre toutes les grandes religions. Les délégués s’installent autour d’une véritable « table ronde » conçue sur le modèle de la salle du Conseil de sécurité de l’ONU, sous les verrières du « saint des saints » – l’expression est celle d’un architecte ébloui par la symbolique d’Astana et de la Pyramide de la Paix – avec en son centre, une lentille, « œil » qui transmet la lumière du sommet vers les ténèbres inférieures des sous-sols qui abritent une gigantesque salle d’opéra. La symbolique maçonnique est omniprésente.
 

Le 6e congrès des religions mondiales a accueilli 15 délégués de Chine

 
Pour Jin Rubin, président délégué de l’association islamique de Chine, l’objectif de la délégation chinoise a été cette année d’explorer la manière dont la Chine pourrait jouer un rôle plus important et contribuer davantage à la promotion de la paix et de la sécurité mondiales.
 
« Il n’existe pas de conflit majeur parmi les religions de Chine et c’est une situation extrêmement rare dans le monde. La pratique et l’expérience de la Chine doivent être partagées au niveau mondial, parce que ce pays a pris un chemin qui a garanti la coexistence harmonieuse parmi diverses religions », a-t-il déclaré au Global Times qui avait dépêché deux reporters sur place. Et de leur expliquer que la sécurité et la paix en Chine sont le résultat d’un système social qui garantit que les voix des cercles religieux soient entendues et reçoivent des réponses dans le processus de la gouvernance sociale.
 
Le journal précise que les grandes religions pratiquées en Chine : bouddhisme, confucianisme, islam, catholicisme et protestantisme, comptent près de 200 millions de croyants (pour un total de près de 1,4 milliards d’âmes) et environ 380.000 clercs. Les religions les plus importantes sont représentées au Congrès national du peuple ainsi qu’aux comités nationaux de la Conférence consultative politique du peuple chinois.
 

La Chine vante la paix et la stabilité que permettent la mise en coupe réglée des religions

 
Voilà qui passe sous silence à la fois la persécution sans merci qui a fait tant de martyrs catholiques, la suspicion radicale du régime athée à l’égard de toute foi en un Dieu transcendant, les multiples outils politiques mises en place pour contrôler et soumettre ces religions (religion catholique en tête), l’interdiction faite aux membres du Parti et de la véritable armée de fonctionnaires de la Chine de professer une foi religieuse et même de croire en Dieu, et la toute récente promesse de poursuites visant tout parent qui emmènerait son enfant mineur à l’église ou lui ferait suivre des cours d’instruction religieuse dans le cadre paroissial. A quoi s’ajoutent les récentes destructions d’églises et de temples chrétiens.
 
Tout au plus les journalistes rappellent-ils que le gouvernement chinois juge nécessaire la « gestion de l’activité religieuse en accord avec la loi » pour « assurer la stabilité sociale et la sécurité, dans la mesure où les croyants sont aussi des membres de la société civile ». « Il ne s’agit pas de “contrôler” ou de “restreindre” les activités religieuses : cette philosophie de la gouvernance s’est montrée efficace puisque la Chine n’a jamais fait l’expérience de soulèvement important pour des raisons religieuses », a commenté encore Jin Rubin.
 
La belle affaire ! Il suffit que les croyants soient parfaitement dociles et se soumettent aux diktats du gouvernement communiste et athée, muni de tous les pouvoirs de contrôle, de surveillance et de sanctions brutales pour que tout se passe bien. Voilà donc le modèle qui est promu par la Chine à Astana, sans qu’apparemment on s’en émeuve puisque tous les délégués ont signé de concert et sans réserve la déclaration finale du Congrès.
 

Le 6e congrès des religions mondiales d’Astana s’est tenu dans la Pyramide de la Paix, symbole de la nouvelle religion universelle

 
Mais en réalité, tout cela va beaucoup plus loin. Au-delà de la place faite à des promoteurs d’un régime communiste tyrannique, on baigne dans la logique de la religion mondiale dont la Pyramide d’Astana, « cathédrale moderne multiconfessionnelle » se veut le symbole à travers la célébration d’une foi universelle qui s’exprime à travers les diverses religions.
 
Lorsque le président de l’association taoïste de Chine, Li Guangfu, parle du concept de la construction d’une communauté avec un avenir partagé pour l’humanité, tel que le propose la Chine, il exprime cette nouvelle croyance mondiale, puisque pour lui ce « concept » s’est révélé capable de briser les frontières de l’ethnicité, de la culture, de la religion et de l’idéologie afin de créer de nouvelles possibilités pour promouvoir la paix mondiale.
 
Autre délégué de l’association taoïste de Chine, Yang Shihua a tenu un langage similaire : « Comparée aux valeurs occidentales qui mettent au premier plan les “gains personnels”, la philosophie chinoise met l’accent sur l’harmonie entre les divers groupes et sur la promotion du bien commun. (…) En tant que représentant du secteur religieux de Chine, il nous faut davantage diffuser cette sagesse orientale dans le monde. »
 
Où l’on devine qu’il y a quand même, aux yeux des promoteurs d’une religion mondiale, une préférence pour l’une d’entre elles, immanentiste et adepte de la conscience globale plutôt que de la conscience individuelle. Elle est bel est bien considérée comme supérieure aux autres, puisque ce sont ces « valeurs » qui dominent la rhétorique d’ensemble.
 
Le mondialisme, qu’on se le dise, n’est pas seulement, ni même d’abord marchand. Il vise à créer une nouvelle psychologie sociale dont les croyances religieuses ne sont que des éléments tolérés dans la mesure où elles se soumettent au relativisme d’ensemble.
 

Jeanne Smits