Heure d’été, heure d’hiver ? La Commission européenne consulte : une comédie démocratique

Heure été hiver Commission européenne
 
L’alternance heure d’hiver heure d’été, instituée sous Giscard en 1976 est dans le collimateur de la Commission européenne. Désireuse de réduire son déficit démocratique, elle organise une consultation à ce sujet. Une comédie, alors que le continent n’a en tête qu’immigration et crise économique.
 
Le mois d’août est long pour les communicants. La piscine de Brégançon et l’affaire Benalla s’essoufflent, la canicule et les orages ne sont pas éternels. Alors la Commission européenne se radine. Elle organise une grande consultation en ligne sur l’opportunité de maintenir l’alternance heure d’été heure d’hiver. C’est urgent. Nous n’avons plus qu’une semaine pour y répondre. Diable ! Et moi qui devais juste aller faire une partie de beach-volley avant l’apéritif, je ne sais pas quoi dire, moi, je n’ai pas étudié la question.
 

La Commission européenne organise une consultation démocratique

 
Heureusement la presse française l’a fait pour moi. Elle connaît la chose sur le bout des doigts, ses avantages, ses inconvénients. Ses inconvénients surtout. Tous ces titres qui se font concurrence en récrivant chacun à sa sauce la dépêche AFP ont en commun une conviction apparemment profonde et motivée : il faut arrêter de passer au printemps à l’heure d’été et à l’automne à l’heure d’hiver. Les journalistes, quel que soit leur âge et leur sexe, en sont unanimement convaincus et se comportent en honnêtes lobbyistes de la Commission européenne.
 
Cette consultation en ligne est à leurs yeux une avancée démocratique : « Chaque citoyen européen est invité à partager son expérience personnelle sur le sujet. Ce vote citoyen et consultatif va compter dans les discussions à Bruxelles ». Enfin ! Ils vont écouter ce qu’on leur dit !
 

Un consensus orienté sur le changement d’heure hiver / été

 
Sur le fond de la question, les choses ne sont pas moins claires. Sous Giscard, on a imposé le changement d’heure pour faire des économies d’énergie. Y a-t-on réussi ? Eléonore Gabarain, présidente de l’association contre l’heure d’été double, assure que non. Et les journalistes les plus impartiaux, tout en concédant qu’en 2009, l’heure d’été a permis d’économiser l’énergie utilisée par 800.000 ménages en France, estiment la solution « dépassée par des solutions plus efficaces : l’interdiction des sacs plastiques dans les supermarchés, le recyclage du verre, du papier, du plastique ». Ils n’envisagent pas d’associer deux ou plusieurs de ces solutions. Donc, c’est sûr, le changement d’heure est inefficace.
 

Changement nocif pour les bébés, les vieillards et les canaris

 
Il est en plus très mauvais pour la santé. « De plus en plus de citoyens estiment qu’il est générateur de stress et de troubles du sommeil. (…) la commission des Transports du Parlement européen a publié un rapport qui pointe les augmentations d’AVC et de la fatigue ». Si la commission des Transports le dit, moi, ça me suffit. D’autant qu’Eléonore Gabarain confirme : « Les médecins ont détecté des syndromes chez les enfants : fatigue, manque de concentration. L’incidence chez les adultes s’est caractérisée par des problèmes de sommeil parce que celui-ci diminue avec l’heure d’été. En ce moment, l’obscurité est retardée, il est difficile de s’endormir. Deux heures de pénombre sont en effet recommandées avant de se coucher. Or, avec le soleil qui se couche plus tard, nous allons dormir d’autant plus tardivement. Ces perturbations provoquent une augmentation des accidents cardio-vasculaires, mais aussi des accidents de la route et du travail. C’est ainsi que la France est devenue le champion du monde de la consommation de somnifères et de psychotropes. Cela a notamment des effets pervers sur les personnes âgées qui passent de la déchéance physique à la déchéance psychique ». Chapeau, Eléonore ! Tu n’as oublié ni les vieux ni les bébés. Carton plein.
 

La Commission européenne en quête de légitimité démocratique

 
Le parlement européen n’est pas aussi bien renseigné, mais, toujours en quête de plus de proximité démocratique avec les quelque cinq cent millions d’électeurs qu’il représente, il a réservé au changement d’heure l’une de ses séances plénières en février dernier, où il remarquait : «nbsp;De nombreuses études, si elles n’aboutissent pas à des conclusions définitives, ont indiqué l’existence d’effets négatifs sur la santé des êtres humains ». Or le changement d’heure est obligatoire. Donc antidémocratique s’il est consenti de mauvaise grâce. La Chine l’a supprimé. La Hongrie et la Turquie, pays que le parlement européen ne considère pourtant pas comme particulièrement démocratiques, se posent des questions. D’après un sondage, 73 % des Allemands et 85 % des Espagnols seraient contre le changement d’heure. Bref, les députés européens ont demandé à la Commission européenne de « lancer une évaluation complète » du système et, si nécessaire, de « présenter une proposition pour la réviser ». 
 

Une consultation démocratique peut en cacher une autre

 
Elle vient de le faire. Pour mémoire, une consultation partielle menée en février dernier donnait le résultat suivant : 23 % pour le statu quo, 22 % pour que l’on garde l’heure d’hiver toute l’année, et une nette majorité, 55 %, pour que l’Europe se mette à l’heure d’été 365 jours sur 365, ce qui indique que, contrairement aux médecins sollicités et aux associations spécialisées, le public est… pour l’heure d’été, et donc pour l’alternance, car ce qui existait avant la réforme de 76, c’était l’heure d’hiver (Soleil +1) toute l’année. Si la consultation en ligne devait confirmer celle de février 2018 (et c’est le plus probable), ce serait une véritable catastrophe démocratique, car la solution prévue par la Commission est… le retour à l’heure d’hiver ! Pour une fois que Bruxelles demanderait leur avis aux peuples, elle déciderait au bout du compte le contraire de ce qu’ils veulent. 
 

La comédie des heures européennes

 
Ce serait le bouquet d’une comédie démocratique assez burlesque. Car il n’échappe à personne que l’Union européenne s’étend sur trois fuseaux horaires et que la carte de l’heure à l’intérieur de ses frontières est déjà une curiosité pour les voyageurs martiens, le Portugal n’étant pas à l’heure de la Galice ni Douvres à celle de Calais, ce qui ôte toute légitimité à la prétention bruxellois de faire marcher un continent à la même heure. L’heure qui scande nos journées n’est qu’une convention sociale. La controverse qu’exploite la Commission européenne dans sa pathétique recherche de légitimité démocratique n’agite que trois cinglés et les médias qui les relaient. Ce qui intéresse les peuples, c’est la zone euro en berne, les salaires et les retraites qui baissent, et l’invasion des migrants qui déferle vague après vague, chacune d’elle aggravant le désordre, la violence et la paupérisation. Si la Commission européenne voulait vraiment consulter utilement les Européens, elle leur demanderait leur avis sur la pertinence de sa propre disparition.
 

Pauline Mille