RealNetwork, proche de Microsoft, offre un logiciel de reconnaissance faciale aux écoles : des visages d’élèves volés et stockés

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On prétend que les nouvelles technologies peuvent sécuriser les écoles en limitant la violence et les intrusions par des systèmes d’imagerie. Mais derrière cette perspective pointe le risque de mettre en danger la vie privée et l’intimité des élèves, ce qui devrait alarmer les parents. Aux Etats-Unis, un industriel de la reconnaissance faciale, proche de Microsoft, vient de proposer aux écoles d’optimiser les images prises par les caméras installées dans des classes de douzième année, équivalent de la fin du lycée en France. Pour forcer le marché, RealNetwork offre gratuitement son système de reconnaissance faciale SAFR aux établissements sous prétexte de les rendre « plus sûrs ». Mais en permettant de stocker les visages pour une durée indéfinie.
 

RealNetwork prétend dégager les écoles de toute responsabilité sur la vie privée relative à son logiciel de reconnaissance faciale

 
Son mode d’emploi prétend dégager les écoles de toute responsabilité pour infraction à la vie privée et assure administrateurs, parents et enseignants que les avantages qu’ils retireront du logiciel de reconnaissance faciale installé en aval des caméras compensera plus que largement les éventuelles préoccupations concernant les droits des élèves. « Parents, enseignants et élèves ont intérêt à concilier vie privée et sécurité », y écrit Mike Vance, de RealNetwork. Pour couronner le tout, la société annonce que son logiciel est désormais compatible avec Windows, outre macOS et iOS. Et le guide insiste bien sur le fait que l’utilisation de cet équipement est libre de droits pour toutes les écoles des Etats-Unis et du Canada.
 
Ce logiciel s’appelle SAFER pour Safe Accurate Facial Recognition. Il est totalement compatible avec les caméras sur protocole internet. Appliqué aux instruments de prise de vue, SAFER fournit en temps réel une reconnaissance faciale tout en permettant un stockage des données sur disque local ou dans le « cloud ».John Wolverton, sur thenewamerican.com, relève :« Dans le meilleur des mondes qui est le nôtre, j’imagine que la plupart des surveillants généraux ou autres bureaucrates des administrations scolaires ne verront rien d’angoissant dans le paragraphe (du document promotionnel) qui suit ». Paragraphe que voici : « SAFR de RealNetwork est un logiciel très fiable de reconnaissance faciale utilisant l’intelligence artificielle (…). Les établissements scolaires peuvent ainsi mieux analyser les menaces potentielles telles celles d’élèves renvoyés ou de ceux qui présentent une menace depuis l’intérieur ou depuis l’extérieur de l’établissement. »
 

RealNetwork placera chaque élève sous le regard de l’administration, et enregistrera son visage

 
Vous avez bien lu. Bientôt, si votre école en manque d’argent peut quand même se payer un système de vidéo-surveillance, RealNetwork lui enverra gentiment un logiciel qui non seulement placera chaque élève sous le regard inquisiteur de l’administration, mais identifiera leur minois et l’enregistrera dans une banque de données pour toute réquisition à venir. Au cas où votre petite tête blonde présenterait un problème.
 
Et le système paraît infaillible. SAFR « utilise les dernières techniques pour détecter et individualiser les personnes en environnement complexe, avec une fiabilité prouvée de 99,8% ». Presque mieux que l’ADN. Le logiciel peut travailler à partir de plusieurs caméras et analyser plusieurs visages sur chacune. Chaque visage peut être analysé et immédiatement stocké sur une base de données. Mieux encore, SAFR peut être branché sur plusieurs systèmes d’autorisation d’accès, permettant de remplacer les badges d’entrée par la reconnaissance faciale, de déclencher des alarmes et d’enregistrer des événements pour établir des rapports.
 
Certes l’accès à ces données est, assure-t-on, sécurisé. Mais que se passera-t-il, malgré tout, si la banque de données contenant des milliers de photographies d’élèves était piratée ? « La perversité de ce monde fait frissonner », rappelle opportunément Joe Wolverton. Pire encore. Contrairement aux surveillants ou même aux bonnes vieilles caméras de vidéo-surveillance non équipées du SAFR, le logiciel va analyser les visages des élèves, des enseignants et des visiteurs en temps réel et n’a pas besoin d’être mis à jour puisqu’il « n’arrête pas d’apprendre et de s’améliorer ». Entendez, de mettre à jour automatiquement les visages capturés. Et Wolverton de commenter, sarcastique : « Quel miracle ! Des visages capturés, catalogués et stockés, et tout ça gratuitement ! Gratuitement mais au prix de votre liberté. Mais que vaut la liberté si on vous offre la sécurité en contrepartie ? ».
 

Des dirigeants de Microsoft au conseil d’administration de RealNetwork

 
Demeure la question de la légalité de ces captures de visages. Si elles étaient saisies par la police, celle-ci serait-elle contrainte de les détruire après usage ? Seraient-elles croisées avec les milliers d’autres images de visages stockées dans les innombrables banques des services de sécurité ? Dernière remarque. RealNetwork, développeur du logiciel SAFR, est basé à Seattle, comme Microsoft. Quelques dirigeants de Microsoft, fondé par Bill Gates, siègent au conseil d’administration de RealNetwork. RealNetwork offre gratuitement son logiciel de reconnaissance faciale aux écoles alors que la fondation Bill Gates milite pour l’installation de caméras dans chaque salle de classe. Coïncidence ?
 

Matthieu Lenoir