Comment l’épidémiologiste Anders Tegnell a sauvé la Suède du confinement COVID

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La Suède est le contre-exemple parfait, le « groupe contrôle » indiscutable, la preuve par neuf de ce que les confinements mondiaux qui se sont succédé pour combattre le COVID n’ont pas seulement servi à rien, mais ont entraîné des conséquences négatives graves. Et c’est au sang-froid d’un homme, son épidémiologiste en chef Anders Tegnell, que le pays scandinave doit d’avoir su résister à la pression mondiale. Aujourd’hui d’innombrables Suédois le remercient de les avoir sauvés des mesures tyranniques qui avaient cours ailleurs. On ne compte plus les bouquets de fleurs livrés pendant la crise à l’Agence de santé publique où il travaille, et qui est chargée – loin de l’ingérence de tout pouvoir politique, comme le veut la législation suédoise – d’organiser la réponse aux épidémies. On peut aujourd’hui faire le bilan : la Suède a échappé aux problèmes de tous ordres liés aux confinements, tout en affichant un taux de surmortalité parmi les plus bas au monde.
 
Anders Tegnell vient d’accorder un long entretien à Allison Pearson, journaliste au Daily Telegraph à Londres. Elle s’était distinguée pendant les différents confinements décrétés par Boris Johnson par le vigoureux scepticisme de ses éditoriaux. Elle s’est rendue à Stockholm pour rencontrer cet « homme fort » qui, face au coronavirus présenté comme dévastateur, a d’emblée refusé de faire autre chose que d’interdire les rassemblements de plus de cinquante personnes et d’imposer quelques nouvelles règles d’hygiène dans les restaurants. Pendant qu’en mars 2020 nous (et la majeure partie du monde) étions assignés à résidence sous peine d’amende, les Suédois vaquaient à leurs occupations quotidiennes, sans masque et sans peur, profitant du joli printemps aux terrasses des cafés.
 

Anders Tegnell, un épidémiologiste chevronné

 
Tegnell, 63 ans, a travaillé sur la grippe porcine et le virus d’Ebola. Homme d’expérience, il s’est fié à son savoir face aux hurlements des paniqués – on l’accusa, rappelle Allison Pearson, d’avoir « joué à la roulette russe avec la population », de « se moquer de voir les gens mourir ».
 
D’emblée, le médecin a rappelé que la tentation du confinement n’est pas neuve. « Si on remonte à la grippe espagnole (1918-19), on trouvera des cas où ils ont essayé de tout verrouiller. Mais aucun plan de lutte contre les pandémies dont nous avons discuté au cours de ces dernières décennies n’a jamais envisagé de bloquer toute une société » Il n’évoque qu’une exception : « Si vous savez que votre système de santé a besoin de quelques semaines pour faire renforcer les unités de soins intensifs, par exemple, il y a des cas où cela peut être une solution. »
 
Encore que. Ainsi qu’il l’a expliqué, un virus respiratoire transmissible par voie aérienne ne peut que se propager à travers la population dans son ensemble. Il s’agissait donc de protéger les plus fragiles, mais pas au prix des autres. Ayant pesé le pour et le contre, en concertation avec l’Agence de santé publique, il a estimé que le coût à payer serait bien trop lourd, que ce soit pour l’économie, les enfants, l’éducation, la santé et le bien-être en général.
 

Le mimétisme à l’égard de la Chine, cause des confinements COVID

 
C’est la réponse brutale déployée par la Chine à Wuhan qui a inspiré les gouvernements occidentaux, juge Anders Tegnell : « La Chine est, bien sûr, un État où des mesures de ce type peuvent être prises, et dans une certaine mesure, cela a fonctionné. Pendant un certain temps, on a donc imaginé qu’il fallait adopter des mesures très strictes, comme un marteau qui s’abat. Bam ! Appliquez le marteau avec force, puis retirez-le et laissez la situation se rétablir lentement, puis, bam ! Mais cela n’a jamais fonctionné. Nous avons appris très vite qu’il est facile de commencer à mettre en place différents types de restrictions, mais qu’il est très difficile d’arrêter d’en avoir. »
 
Alors que le scandale des messages WhatsApp entre ministres, récemment mis au jour par le Telegraph, a révélé que les pouvoirs publics britanniques ont délibérément semé la panique avec l’aide de psychologues comportementaux, entraînant une sorte de « syndrome de Stockholm » par lequel les enfermés ont pris goût à leur captivité, il apparaît que nul n’a tenu compte de ce que le virus reviendrait en force de toute façon. A Stockholm, à l’inverse, il n’y a pas eu de campagnes pour effrayer les braves gens. Même lorsque le regain de malades et de mortalité à l’automne 2020 a poussé Tegnell, sous la pression de certains secteurs de la population, à recommander officiellement le port du masque dans les transports, seuls 15 % des usagers s’y sont pliés. Il était de toute façon considéré comme normal que les membres d’une même famille se voient et que les enfants aillent à l’école et se retrouvent sur les terrains de jeux. Alors que nous étions claquemurés, au régime carcéral d’une heure de promenade par jour, l’épidémiologiste recommandait aux personnes âgées de se retrouver dehors où le risque de contamination est bien moindre. « Les parcs nationaux suédois n’ont jamais eu autant de visiteurs », rappelle-t-il.
 
Il a dû faire face aux condamnations du monde entier et à la pression d’une partie de la presse suédoise en colère parce que Tegnell ne suivait pas l’exemple des voisins de la Suède en fermant les écoles. « Le monde est devenu fou », observe-t-il aujourd’hui, notant que le grand déclencheur de cette folie collective a été le rapport du Pr Neil Ferguson de l’Imperial College au Royaume-Uni.
 

Sauver la Suède du confinement face à l’abus des modélisations

 
Ferguson assurait que la libre circulation du virus entraînerait 510.000 décès dans le pays. Anders Tegnell observe que ce rapport n’a bénéficié d’aucune évaluation par les pairs. Et d’ajouter : « Nous avons beaucoup utilisé la modélisation au sein de notre agence et je pense que nous en connaissions très bien les forces et les faiblesses. Elle peut être un très bon outil si elle est correctement utilisée. Mais si on modélise avec des données qui ne sont pas très fiables, les résultats peuvent être très, très trompeurs et il faut être très prudent. Si on introduit des chiffres dans les modèles sans savoir s’ils sont à peu près exacts, on peut aboutir à des résultats très, très étranges…Se fier à une seule étude, à un seul modèle, c’est très dangereux. »
 
Fidèle à son expérience et à sa logique, Tegnell n’a jamais donné l’ordre aux hôpitaux d’interrompre les soins non liés au COVID, et il a tenu compte du fait que les enfants n’étaient guère vulnérables : « Je n’ai jamais connu de virus ayant un profil plus clair quant à l’âge », assure-t-il.
 
« Dans toutes les discussions que nous avons eues, la santé mentale des enfants était au centre des préoccupations, car nous savons que si les enfants ne peuvent aller à l’école, elle se détériore. Il existe de nombreuses études et preuves à ce sujet. Nous savions également que l’un des principaux problèmes de santé publique en Suède [avant la pandémie] était la santé mentale des jeunes. Nous ne voulions donc pas leur nuire plus que nous ne l’avions déjà fait », explique l’épidémiologiste.
 
Au Royaume-Uni, on a pris la décision inverse : résultat, on y compte aujourd’hui 100.000 « enfants fantômes » qui ne sont pas retournés en classe et plus d’un million de jeunes sont en liste d’attente auprès des services de santé mentale. En Allemagne, le ministre de la santé vient enfin de reconnaître que la fermeture des écoles avait été une « grave erreur ».
 
Prend-on enfin la mesure des dommages collatéraux que Tegnell, pour sa part, avait prévus d’emblée ? « Oui, je pense que nous sommes dans une période de révision et de réévaluation et les écoles sont un très bon exemple parce qu’il est très clair que les avantages étaient pratiquement nuls, et que les dommages que l’on pouvait causer étaient très importants », acquiesce-t-il.
 

Le refuse du confinement a sauvé des vies

 
On peut mesurer aujourd’hui à quel point la réponse suédoise a été la bonne. Si la Suède souffrait au début de la crise, en mai 2020, une mortalité plus élevée qu’ailleurs, les choses sont allées de mieux en mieux. A ce jour, la Suède affiche le taux de surmortalité le plus bas de tous les pays d’Europe, et en-deça de la moyenne mondiale.
 
Encore a-t-elle déploré une mortalité importante dans les établissements pour personnes dépendantes, dont Tegnell dit regretter aujourd’hui qu’elles n’aient pas été davantage protégées.
 
En réalité, les pensionnaires de l’équivalent suédois des EHPAD, ont été massivement abandonnées à leur sort. Le bilan suédois n’aurait-il pas été encore meilleur si ces malades avaient été soignés ?
 
Quoi qu’il en soit, la Suède est devenue un signe de contradiction face aux mesures prétendument sanitaires que le monde a adoptées. Un signe gênant, que l’on a tenté d’étouffer aussi bien dans les milieux politiques et dans les médias du monde entier en l’accusant d’irresponsabilité.
 
Tout récemment, Preben Aavistland, directeur norvégien de la santé publique, a déclaré : « Le monde a caché ses propres incertitudes en fustigeant la Suède. Mais elle est devenue le témoin dont on ne voulait pas. »
 
Allison Pearson conclut : « Sans la Suède comme groupe de contrôle, les dirigeants mondiaux pouvaient prétendre qu’ils n’avaient pas d’autre choix que de confiner. Mais il y avait un autre choix. » Qu’Anders Tegnell résume en quelques mots : « D’abord, ne pas nuire. »
 
Jeanne Smits