L’annonce a été faite au Vatican, lundi, par les cardinal Mario Grech, secrétaire général, et Jean-Claude Hollerich, rapporteur général : le synode sur la synodalité dont la deuxième étape romaine commencera le 2 octobre sera précédé non seulement d’une retraite, mais aussi, le 1er octobre à 18 h 00, d’une cérémonie pénitentielle présidée par le pape François. Et ce sera une nouveauté à plus d’un égard. Ce sera une « veillée de pardon » au cours de laquelle l’Eglise demandera pardon pour ses péchés… et quels péchés ! « Au nom de tous les baptisés », on accusera un catalogue de fautes qui ne figurent pas dans l’examen de conscience traditionnel. La « repentance » qui nous attend passera la surmultipliée, en dénonçant non point les manquements aux commandements divins (ou en tout cas uniquement par coïncidence), mais en imposant les préoccupations horizontales de l’Eglise nouvelle, sous peine de péché. Ce Décalogue plus que revisité est dans la lignée du « péché écologique » inventé par le pape François.
La liste des péchés de la cérémonie pénitentielle : tout un programme
La liste complète sonne au moins partiellement comme une confession « woke ». Et attention, ce sera tous responsables, presque tous coupables :
« Il ne s’agit pas de dénoncer le péché des autres, mais de se reconnaître comme faisant partie de ceux qui, par omission ou par action, deviennent cause de souffrance, responsables du mal subi par les innocents et les sans-défense. Celui qui exprime la demande de pardon le fera au nom de tous les baptisés. En particulier, les péchés suivant seront confessés :
– le péché contre la paix
– le péché contre la création, contre les peuples indigènes, contre les migrants
– le péché d’abus
– le péché contre les femmes, la famille, les jeunes
– le péché de la doctrine utilisée comme des pierres à jeter
– le péché contre la pauvreté
– le péché contre la synodalité / manque d’écoute, de communion et de participation de tous. »
Car on ne pèche plus d’abord contre Dieu, et contre l’amour du prochain. On est collectivement coupables, en tant qu’Eglise, des malheurs du monde. L’Eglise serait-elle donc vraiment responsable des guerres et des confrontations comme le veut la pensée promue par l’ONU, selon laquelle ce sont les religions et les croyances qui rompent l’harmonie entre les peuples ?
Et ce « péché contre la création » ? Vous aurez reconnu toutes les tartes à la crème de la fausse écologie moderne, qui fait de l’homme le prédateur de la nature et de celle-ci la Terre-Mère à laquelle il faut sacrifier… Les indigènes et les migrants s’inscrivent dans ce tableau au titre de bons sauvages détenteurs de sagesses immémoriales, et d’opprimés par le monde développé. C’est ce discours qui résonne en sourdine pour persuader l’homme, et l’Eglise, de leur culpabilité.
Le synode condamne les adversaires de la synodalité
Péchés d’abus ? Oui, gravissimes, ce sont les péchés des clercs indignes… Mais dans une telle liste, ils sont en quelque sorte noyés, rabaissés pour correspondre à l’expression moderne des droits. Voici l’Eglise, et les catholiques collectivement, accusés d’avoir offensé « les femmes, la famille, les jeunes » en tant que tels, en vrac. En excluant les premières des rôles hiérarchiques ? En brimant les derniers en les tenant pour mineurs ? En portant atteinte aux droits des familles ?
Mais halte-là ! Qui, sinon l’Eglise, a protégé, promu, glorifié la famille ? Qui, sinon l’Eglise, a permis de prendre en compte les droits des femmes par rapport au mariage, et même au choix de ne pas se marier ? Qui, sinon l’Eglise, s’est dépensée sans compter pour soigner, instruire, éduquer, recueillir au besoin les enfants ? Certes avec des ratés, car la sainte Eglise est composée d’hommes pécheurs, ô combien parfois…
Et qu’est-ce que cette doctrine dénoncée – en une expression maladroite – comme servant de « pierres à jeter » ? On y devine la « pierre d’achoppement » des Evangiles… Enseigner ce qui est vrai – et exigeant – serait-il désormais un mal ? On a des exemples en tête : ceux qui rappellent les enseignements traditionnels de l’Eglise sur l’homosexualité, ou sur le mariage, ou sur l’accès aux sacrements, qui peuvent certes agacer ceux qui sont en attente d’« inclusion ». Mais Jésus lui-même est la pierre d’achoppement, comme le rappelle saint Pierre :
« Approchez-vous de lui, pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie et mise en honneur par Dieu ; et vous-mêmes, comme des pierres vivantes, soyez posés sur lui pour former une maison spirituelle, et un sacerdoce saint, qui offre des sacrifices (hosties) spirituels, agréables à Dieu par Jésus-Christ. C’est pourquoi il est dit dans l’Ecriture : Voici, je mets dans Sion la pierre angulaire choisie, précieuse ; et celui qui aura confiance en elle ne sera pas confondu. Ainsi donc, à vous qui croyez, l’honneur ; mais, pour les incrédules, la pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient, est devenue la tête de l’angle, et une pierre d’achoppement, et une pierre de scandale pour ceux qui se heurtent contre la parole et qui ne croient pas ; ce à quoi ils ont été destinés. »
Et qu’est-ce donc que « le péché contre la pauvreté » ? Maltraiter les pauvres ? Etre riche ? Ou – plus largement encore – ne pas être pauvre ? A moins que ce ne soit une mise en cause des richesses de l’Eglise, de ses beautés, de ses ornements, de ses trésors, de ses vases sacrés qu’elle choisit précieux par respect pour Dieu et pour le culte divin ? Dans la logique du Pacte des catacombes – et il est au cœur de ce synode sur la synodalité – je pencherais plutôt pour cette dernière hypothèse. Mais comme tous les slogans, celui de la dénonciation de la pauvreté est susceptible de bien des utilisations, de nombreuses déclinaisons.
Une cérémonie pénitentielle sans grâce du sacrement
Couronnant le tout, le « péché contre la synodalité » suggère que toute manifestation d’autorité qui ne passerait pas par les fourches caudines de la consultation préalable, de la sacrosainte « écoute », de la prise en compte de tous (todos, todos, todos) serait contraire à la loi de Dieu. Faute d’avoir compris que la « synodalité » est une démarche totalitaire qui vise « le commencement d’une nouvelle manière d’être Eglise », comme le dit l’appel à la cérémonie, on en resterait pantois.
Cet appel s’ouvre sur ces mots : « Une Eglise qui veut marcher ensemble a toujours besoin de se réconcilier. Le pardon constitue la mise en œuvre fondamentale de l’Eglise, car il synthétise sa nature et sa mission. Il serait cependant réducteur de penser l’Eglise uniquement comme l’administrateur et le dispensateur du pardon sacramentel. » En effet, cette cérémonie pénitentielle n’aboutira pas à une absolution. Curieusement, le texte continue : « Le pape François nous a appris qu’il est également nécessaire de le demander, en appelant les péchés par leur nom, en ressentant de la douleur et même de la honte, parce que nous sommes tous des pécheurs ayant besoin de miséricorde : de cette miséricorde de Dieu qui ne se lasse jamais d’aimer et de pardonner. » Or c’est précisément cela, la confession, le sacrement de pénitence, qui permet à l’Eglise de donner le pardon même de Dieu – et non une protestation de culpabilité collective pour demander pardon à Dieu de manière indéfinie !
La veillée s’accompagnera d’une mise en scène que l’Eglise n’avait jamais imaginée pour accorder le pardon : « Dans la Basilique Saint-Pierre, la célébration pénitentielle, présidée par le Pape François, comprendra un temps d’écoute de trois témoignages de personnes ayant souffert du péché : le péché d’abus ; le péché de guerre ; le péché d’indifférence au drame présent dans le phénomène croissant de toutes les migrations. »
La compassion est une vertu, que saint Thomas d’Aquin définit ainsi : « La miséricorde est la compassion que notre cœur éprouve en face de la misère d’autrui, sentiment qui nous pousse à lui venir en aide si nous le pouvons. » Mais ici ceux qui souffrent seront instrumentalisés, puisqu’il ne s’agira plus de leur venir en aide, mais de les utiliser pour promouvoir un programme largement politisé.
Ce sera le synode de tous les dangers.