L’an dernier, la Cour suprême des Etats-Unis a interdit la prise en compte de la race comme facteur d’admission à l’université. On s’est vite demandé quelle serait la conséquence de la fin de la discrimination positive qui avait favorisé l’inscription de Noirs et d’Hispaniques dans les établissements les plus prestigieux des USA. La « diversité » serait-elle favorisée d’une autre manière ? Allait-on assister à la résistance des universités les plus « woke », les plus adeptes de l’affirmative action ? Eh bien, un an a passé, une nouvelle classe d’âge arrive sur les rangs et on commence à avoir des réponses. Elles sont, elles aussi, très diverses. Mais le paysage en toile de fond est on ne peut plus net : des écarts « raciaux » existent en matière de « préparation scolaire ».
On les constate notamment dans les examens standardisés utilisées par la plupart des universités américaines, mais avec des variantes, pour juger de l’admissibilité d’un candidat : les tests SAT qui consistent en une évaluation au moyen de questions à choix multiples (QCM) pour mesurer les compétences en mathématiques, lecture et écriture. Depuis cette année, le SAT est entièrement numérique et dure deux heures. Il est utilisé depuis près de 100 ans mais de manière moins systématique ou en combinaison avec d’autres dispositifs depuis les années 2010, alors qu’il s’est vu contesté en raison de l’avantage qu’il donne aux étudiants « privilégiés ».
La discrimination positive pour contourner le critère d’aptitude académique
« En 2023, un candidat blanc au SAT avait environ quatre fois plus de chances qu’un candidat noir d’obtenir au moins 1.200 sur 1.600, et environ six fois plus de chances d’obtenir 1.400 ou plus. Un candidat asiatique, quant à lui, avait environ deux et quatre fois plus de chances qu’un candidat blanc d’atteindre ces mêmes objectifs », souligne The Dispatch, magazine conservateur en ligne américain.
De ce fait, les établissements les plus sélectifs admettraient relativement peu d’Afro-Américains si leur processus reposait uniquement sur des critères académiques. D’où le choix de nombre d’entre eux d’accorder de larges « préférences » aux Noirs, et dans une moindre mesure, aux Hispaniques. Ces mesures faisaient qu’un candidat noir à Harvard avait environ quatre fois plus de chance d’être admis qu’un étudiant blanc à qualification égale, selon des données obtenues à la suite de procédures judiciaires.
Et cela ne date pas d’hier : une étude réalisée en 2005 sur les données d’admission de plusieurs grandes écoles, par exemple, a révélé que les admissions d’Afro-Américains diminueraient d’environ deux tiers si la race n’était pas prise en compte, affirme The Dispatch.
Les universités des Etats-Unis se tournent vers les critères socio-économiques
Mais d’autres critères que la race, le seul interdit, sont utilisés, telle l’admission automatique aux 10 % des élèves les mieux notés de la classe de fin d’études de chaque lycée, mettant à profit la ségrégation scolaire afin d’admettre des étudiants issus d’écoles où les minorités sont nombreuses. On a aussi recours aux critères sociaux pour favoriser les jeunes issus des familles les plus pauvres, ce qui est aussi un moyen de donner un avantage à certaines minorités ethniques. Ailleurs encore, on encourage les candidats à rédiger des essais sur leur identité ou leur expérience de la discrimination, révélant ainsi leur race de manière détournée et obtenant ainsi un coup de pouce lors des évaluations.
Harvard a ainsi envisagé de recruter plus largement selon le statut socio-économique dont l’évaluation s’étendrait aux camarades de classe du candidat et aux familles des élèves fréquentant l’école secondaire du candidat – mais ce faisant, cette université aurait « embauché » moins de Noirs et plus d’Hispanos…
Dans les faits, cependant, des universités comme Duke, Yale ou Princeton ont réussi à contourner l’interdit. Elles avouent en tout cas avoir intensifié leurs efforts de recrutement et de sensibilisation, augmenté l’aide financière, travaillé avec des partenaires susceptibles de fournir un vivier d’étudiants issus de groupes sous-représentés et utilisé des données géographiques pour augmenter le nombre d’étudiants provenant de régions où la pauvreté est élevée ou la mobilité sociale faible, par exemple. Certaines écoles ont également mis en place des concours de rédaction susceptibles de donner lieu à des discussions sur la race.
La discrimination positive persiste dans les universités des Etats-Unis
Celle-ci reste en fait omniprésente en tant que critère, et l’objectif de la discrimination positive est toujours d’actualité. Aux termes d’un document d’orientation fédéral, les universités peuvent toujours prendre en considération « la manière dont les antécédents et les attributs individuels des candidats – y compris ceux liés à leur race, à leur expérience de la discrimination raciale ou à la composition raciale de leur quartier et de leur école – les placent en position de contribuer au campus d’une manière unique ».
L’association qui avait obtenu la décision de l’an dernier de la Cour suprême, Students for Fair Admissions (SFFA) a d’ores et déjà écrit aux universités qui ont utilisé cette échappatoire pour les mettre en garde.
S’il s’agissait vraiment de choisir les meilleurs – quelle que soit leur origine ethnique – il faudrait d’abord leur permettre d’éclore en mettant fin à la baisse du niveau scolaire et aux méthodes d’apprentissage qui décervèlent. Frappe-t-elle davantage les Noirs et les Hispaniques que les Blancs, et les Blancs que les Asiatiques ?