Et si la DEI était en train de mourir ? La discrimination positive connaît un revers aux Etats-Unis

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Diversité, équité, inclusion : la DEI serait-elle en train de mourir ? On ne va pas s’en plaindre ! Un article du média en ligne Mercator se félicite de la tournure que prennent, outre Atlantique, les événements, largement relayés tant dans la presse conservatrice que dans la presse mainstream. C’est un fait : depuis que la Cour suprême a jugé inconstitutionnelles les admissions universitaires fondées sur la race, en juin dernier, la discrimination positive (affirmative action) est l’objet de divisions notables croissantes, en particulier à propos des très progressistes politiques DEI (diversity, equity, inclusion) dans les grandes entreprises. Beaucoup de ces dernières ont commencé à diminuer, voire à abandonner les équipes qu’elles y avaient consacrées, généralement sous la pression publique, après la mort de George Floyd en 2020.

Et si, aux Etats-Unis, les exigences idéologiques du wokisme peinaient davantage à convaincre ? Dans tous les cas, le débat ne manquera pas à la campagne présidentielle.

 

« Le début d’une nouvelle ère incertaine » aux Etats-Unis selon “Bloomberg”

Je revois, quant à moi, mon mari participant à contre-cœur, et à distance qui plus est, aux tables rondes obligatoires d’une grande boîte informatique américaine, où les collègues en venaient quasi à se confesser d’attitudes qualifiées de « sexistes », qui étaient, en réalité, simplement aimables vis-à-vis du sexe opposé… Ce pourrait donc bien changer ! Les entreprises qui avaient investi des milliards dans l’équité tous azimuts pour prouver qu’elles luttaient activement contre le racisme systémique, l’homophobie ou le sexisme, font machine arrière.

Le décrochage DEI de Wall Street a officiellement commencé. Goldman Sachs a ouvert aux étudiants blancs son Possibilities Summit, réservé auparavant aux étudiants noirs. Bank of America a élargi certains programmes internes autrefois axés sur les femmes et les minorités pour y inclure tous les volontaires. Et à la Bank of New York Mellon Corporation, les dirigeants sont invités à reconsidérer les mesures strictes de diversité de la main-d’œuvre.

Meta, Tesla, DoorDash, Lyft, Home Depot, Wayfair, Zoom et X figurent parmi les grandes entreprises qui ont procédé à de fortes réductions en 2023, réduisant la taille de leurs équipes DEI de 50 % ou plus. Globalement, selon le Washington Post, les emplois DEI « ont culminé début 2023 avant de chuter de 5 % cette année-là et de diminuer de 8 % jusqu’à présent en 2024 ».

Le mouvement de repli est visible et assumé. Il est expliqué en partie par le ressentiment croissant des employés blancs qui hésitent de moins en moins à porter plainte pour discrimination inversée (en juin, la justice américaine a ordonné à Starbucks de verser 25 millions de dollars à une ancienne directrice régionale qui avait été licenciée parce qu’elle était blanche). Mais il est aussi justifié par le fait que les programmes DEI nuisent à la productivité, détruisent les systèmes fondés sur le mérite et empoisonnent la culture d’entreprise. Comme toute politique idéologique, la logique de l’excès l’a emporté et les entreprises ne se sont plus mises à embaucher malgré, mais parce que – ce qui est nettement différent.

 

La démission de Claudine Gay : « le début de la fin de la DEI dans les institutions américaines »

Kurt Mahlburg de Mercator évoque à juste titre le philosophe américain Dr Peter Boghossian qui a fait la une des journaux, en 2021, pour avoir démissionné de son poste prestigieux à l’Université d’Etat de Portland après que l’école a été envahie par l’idéologie DEI. Il avait alors proposé les vraies interprétations des trois valeurs ou en tout cas supposées telles de l’acronyme : la diversité, selon Boghossian, signifie des gens qui ont l’air différents mais qui pensent de la même manière. L’équité signifie compenser la discrimination passée par la discrimination actuelle. Et l’inclusion signifie restreindre la liberté d’expression.

Il ne fallait donc pas s’étonner que l’on parvienne au scandale de l’université de Harvard où la présidente de l’époque, Claudine Gay, celle qu’on portait aux nues comme la première présidente noire de Harvard et qui eut aussi le mandat le plus court, fit face à des accusations de discrimination dans les admissions en rapport à la race tellement flagrantes que la Cour Suprême émit un jugement d’inconstitutionnalité.

Sa faute fut même triple, à lire Kurt Mahlburg. Elle a détruit les carrières des universitaires dissidents de Harvard, même s’ils étaient issus de minorités raciales d’ailleurs, signe que nous sommes face à une idéologie qui, en réalité, prévaut sur la couleur. Elle a refusé de reconnaître explicitement que les appels au génocide du peuple juif violaient les règles du campus en matière de harcèlement. Enfin, elle s’est révélée être l’auteur d’une cinquantaine de plagiats…

Sa démission, le 2 janvier 2024, symbolise l’échec en acte de cette politique de discrimination positive qui a joué évidemment d’abord pour elle-même, avant qu’elle ne tente d’en faire bénéficier les autres. La pseudo « éveillée » Claudine Gay a, bien malgré elle, réveillé les institutions américaines.

 

La discrimination positive peut être annulée

Bien que la décision de la Cour Suprême n’engageât en rien les employeurs, elle fit tache d’huile et donna le coup d’envoi à une offensive, menée en grande partie par des militants conservateurs, sur plusieurs fronts.

A ce jour, trois Etats – la Floride, le Texas et le Tennessee – ont adopté des lois abolissant ou restreignant le DEI et une quinzaine d’autres envisagent d’en faire autant : les législateurs ont présenté au moins 65 projets de loi anti-DEI depuis 2023, selon The Chronicle of Higher Education.

Dès juillet, 13 procureurs généraux républicains envoyèrent une lettre exhortant Microsoft et d’autres sociétés du classement Fortune 100 à réexaminer leurs politiques DEI. America First Legal, un groupe soutenu par l’ancien conseiller de Trump, Stephen Miller, a déposé des plaintes juridiques concernant les pratiques en matière de diversité dans de nombreuses entreprises, dont United Airlines, Kellogg’s, Nike et des organisations telles que le FBI, la Ligue nationale de football et la Ligue majeure de baseball.

Edward Blum, l’activiste conservateur à l’origine des poursuites contre Claudine Gay, poursuit depuis le mois d’août la société de capital-risque Fearless Fund pour son programme de subventions destiné aux entreprises en démarrage appartenant exclusivement à des femmes noires. Le groupe de Blum réussit également à cibler de grands cabinets d’avocats grâce à leurs bourses de diversité qu’ils durent désormais proposer à tous les candidats…

Il apparaît ainsi que la DEI n’est pas une fatalité et que le wokisme peut se prendre des revers. La question qui se pose désormais : jusqu’où ?

 

Clémentine Jallais